Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 décembre 1984 et 22 avril 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Walter X..., demeurant Zum Gispsberg 105 à Merzig (6640) (R.F.A.), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 octobre 1984, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti, primitivement, au titre de chacune des années 1974, 1975 et 1976, et, complémentairement, au titre de l'année 1977, de la majoration exceptionnelle de l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1975, et des pénalités ajoutées à ces impositions,
2°) lui accorde la décharge des droits et pénalités contestés,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la convention fiscale conclue entre la France et la République Fédérale d'Allemagne le 21 juillet 1959 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Ryziger, avocat de M. Walter X...,
- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décisions des 18 novembre 1987 et 29 décembre 1988, postérieures à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts à Nancy a prononcé d'office le dégrèvement, d'une part, d'une fraction des cotisations d'impôt sur le revenu et des intérêts de retard auxquels celui-ci a été assujetti au titre des années 1974, 1975 et 1976, ainsi que de la majoration exceptionnelle de l'impôt sur le revenu et des intérêts de retard y afférents mis à sa charge au titre de l'année 1975, et, d'autre part, d'une fraction des pénalités établies au titre de l'année 1977 ; que, par suite, à concurrence des droits et pénalités concernées les conclusions de la requête sont devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le grief selon lequel le tribunal administratif aurait regardé comme "résultant de l'instruction" des faits que l'administration aurait, dans son mémoire en défense, allégués, mais non établis, n'est pas de nature à mettre en cause la régularité formelle du jugement attaqué ; que contrairement à ce qu'il soutient, M. X... à qui ce mémoire a été communiqué, a été mis à même de répliquer aux affirmations de l'administration ; qu'enfin, le tribunal n'était pas tenu, avant de statuer sur la demande de M. X... , d'inviter celui-ci à verser au dossier des documents dont il avait annoncé la production ; qu'ainsi, M. X... n'est pas fondé à soutenir que lejugement attaqué serait entaché d'irrégularités ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne une pension de retraite :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 6 de l'article 13 de la convention, visant à éviter les doubles impositions, conclue entre la France et la République Fédérale d'Allemagne le 21 juillet 1959 et publiée au Journal officiel de la République française en vertu du décret n° 61-1208 du 31 octobre 1961, après que la loi n° 61-713 du 7 juillet 1961 en eut autorisé la ratification : "Les pensions de retraite privées... ne sont imposables que dans l'Etat contractant dont le bénéficiaire est le résident" ; qu'aux termes du 4 du 1 de l'article 2 de la même convention : "a) Au sens de la présente convention, on entend par "résident d'un Etat contractant" toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile... b) Lorsque, selon la disposition de l'alinéa a) ci-dessus, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractant le cas est résolu d'après les règles énoncées ci-dessous : (aa) Cette personne est réputée résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent..." ;
Considérant que, si M. X..., se prévaut de la qualité de résident de la République Fédérale d'Allemagne, il ne conteste pas avoir eu, comme l'affirme l'administration, son "foyer d'habitation permanent" en France, durant les années d'imposition ; que, par suite, il devait, en vertu du texte précité, être réputé résident de France pour l'application de la convention et, notamment, des stipulations du 6 de son article 13 ;
Considérant que, si M. X... invoque, en second lieu, les stipulations de l'article 14 de la convention, selon lesquelles les "sommes versées au titre des assurances sociales légales" ne sont imposables que dans l'Etat d'où elles proviennent, il n'apporte, en ce qui concerne l'origine des pensions de retraite de source allemande dont il bénéficiait, aucune indication permettant d'apprécier si celles-ci lui ont ou non été versées au titre d'un régime d'assurances sociales légales ; que ce moyen, dès lors, ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a compris lesdites pensions dans les revenus imposables de M. X... ;
En ce qui concerne l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, d'avantages en nature reçus de la société anonyme "Eurofrein" :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, durant les années d'imposition, la société anonyme "Eurofrein", dont, jusqu'au 10 janvier 1977, M. X... a détenu, avec son épouse et d'autres membres de sa famille, la totalité des actions et dont, jusqu'au 31 décembre 1976, il a été le président-directeur général, a alloué à celui-ci divers avantages en nature, soit en mettant gratuitement un logement et une voiture à sa disposition, soit en payant certaines de ses dépenses personnelles ; qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts applicable en l'espèce : "Sont notamment considérés comme revenus distribués : ... c. Les rémunérations et avantages occultes..." ;
Considérant, en premier lieu, que, s'il affirme que les frais supportés, en sa faveur, par la société "Eurofrein" n'ont pas été "dissimulés" dans les écritures de cette dernière, M. X... ne conteste pas l'affirmation de l'administration selon laquelle ils n'ont pas été comptabilisés par elle, sous une forme explicite, comme il est prescrit à l'article 54 bis du code général des impôts ; que, par suite et alors même que ces avantages n'ont pu, en l'absence de toute rétribution directe allouée à M. X..., constituer une rémunération excessive de ses services, c'est à bon droit que l'administration, eu égard à leur caractère occulte, les a regardés comme imposables en tant que revenus de capitaux mobiliers, et non pas en tant que salaires ;
Considérant, en second lieu, que le fait allégué par M. X... que c'est par erreur que la société "Eurofrein" n'avait pas débité son compte-courant de la valeur desdits avantages, et que, postérieurement à la vérification de la comptabilité de la société et de sa situation fiscale personnelle, il en a reversé le montant dans la caisse sociale, est sans influence sur le bien-fondé de l'imposition des sommes litigieuses au titre des années au cours desquelles elles ont été mises à sa disposition ; que, la société "Eurofrein" n'ayant pas demandé, avant l'établissement des impositions mises à sa charge à la suite de la vérification de sa comptabilité, à bénéficier des dispositions de l'article 1649 septies E du code général des impôts, M. X... ne saurait prétendre en invoquant les dispositions du 1-3° dudit article, à l'imputation, sur les revenus distribués à raison desquels il est imposable, du montant de l'impôt sur les sociétés qui les a frappés ;
En ce qui concerne l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, d'une somme de 60 000 F perçue en 1977 :
Considérant que l'administration a rapporté au revenu imposable de M. X..., au titre de l'année 1977, une somme de 60 000 F versée à celui-ci par la société "Eurofrein" en premier paiement partiel du prix, de 713 200 F, pour lequel cette société avait, aux termes d'une "convention de vente" conclue le 14 octobre 1976, racheté à son président-directeur général une importante partie des matériels utilisés pour son exploitation, le vérificateur ayant estimé que les matériels en cause appartenaient déjà à la société, et que l'opération déguisait une libéralité consentie à M. X... ; que celui-ci soutient que, si des matériels appartenant à la société ont, effectivement, été compris, par erreur, dans la vente conclue le 14 octobre 1976, ainsi que les parties en sont convenues après l'intervention du vérificateur, il ressort de la convention rectificative passée entre elles le 31 juillet 1979, aux termes de laquelle le prix de cession a été ramené à 199 200 F, que des matériels de cette valeur et dont il était le propriétaire ont à juste titre été compris dans la vente ;
Considérant que, si l'administration allègue que la liste de matériels annexée à la convention du 14 octobre 1976 coïncide avec le détail d'un lot acquis par la société "Eurofrein" en 1967, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe, dès lors que ce redressement n'a pas été accepté par M. X..., que les matériels dont celui-ci fournit l'énumération en soutenant qu'ils étaient sa propriété personnelle, auraient effectivement été compris dans ce lot ; que, par suite, elle n'établit pas que lesdits matériels, inclus dans la vente conclue en 1976 pour une valeur de 199 200 F, appartenaient à la société ; que M. X... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que la somme de 60 000 F, que la société "Eurofrein" lui a versée en 1977 en paiement partiel de ce prix, a été regardée comme une libéralité et comprise dans ses revenus de capitaux mobiliers ;
Sur les intérêts de retard :
Considérant que les intérêts de retard maintenus à la charge de M. X... en application des dispositions des articles 1728 et 1734 du code général des impôts n'ont pas le caractère d'une "sanction" au sens de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à en contester la régularité par le moyen qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une motivation notifiée avant leur mise en recouvrement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a refusé de lui accorder la réduction du complément d'impôt sur le revenu et des intérêts de retard auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1977, correspondant à une réduction de base de 60 000 F ;
Article 1er : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusionsde la requête de M. X... en tant qu'elles visent à la décharge de droits et pénalités s'élevant, respectivement, en ce qui concerne lescotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1974, 1975 et 1976, à 77 500F et 19 315 F, à 59 782 F et 14 946 F, et à 5 520 F et 994 F, et, en ce qui concerne la majoration exceptionnelle de l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1975 à 4 783 F et 1197 F, ainsi que de pénalités d'un montant de 9 288 F en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1977.
Article 2 : Il est accordé à M. X... une réduction du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1977 et des intérêts de retard maintenus en addition à cette imposition correspondant à une réduction de base de 60 000 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 octobre 1984, est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et auministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.