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03/11/1989 | FRANCE | N°103023

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 03 novembre 1989, 103023


Vu le recours du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, enregistré le 3 novembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 29 juin 1988 en tant que le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de la Société Anonyme "Etudes et Réalisatitons d'Automatismes" (ERA) tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source auxquelles el

le a été assujettie au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981,
2° rét...

Vu le recours du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, enregistré le 3 novembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 29 juin 1988 en tant que le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de la Société Anonyme "Etudes et Réalisatitons d'Automatismes" (ERA) tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981,
2° rétablisse la Société Anonyme "Etudes et Réalisations d'Automatismes" (ERA) au rôle de l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été assignés au titre des années 1978 à 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Challan-Belval, Maître des requêtes,
- les observations de Me Barbey, avocat de la société anonyme "Etudes et Réalisations d'Automatismes",
- les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 238 A du code général des impôts : "... les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admises comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. Pour l'application de l'alinéa qui précède, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France" ;
Considérant que l'administration a, sur le fondement des dispositions précitées, exclu des charges déductibles et réintégré dans le bénéfice imposable de la société anonyme "Etudes et Réalisations d'Automatismes" pour les exercices clos les 31 décembre des années 1978, 1979, 1980 et 1981, des rémunérations d'un montant de respectivement 95.337 F, 187.089 F, 162.123 F et 115.373 F versées à la société "Investment Chemie Anstalt" (ICA) dont le siège se trouve au Lichtenstein ; qu'en outre, en application des dispositions des articles 109 et 110 du code général des impôts, elle a regardé ces commissions comme des revenus distribués devant être soumis à la retenue à la source prévue à l'article 119 bis 2 du même code ; que le contribuable ne conteste pas que la société "Investment Chemie Anstalt" (ICA) est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A précité ;

Considérant que les impositions en litige ont été établies contrairement à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'en vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dont l'application n'est pas expressément écartée par l'article 238 A précité, il appartient à l'administration de démontrer devant le juge de l'impôt les éléments de fait dont elle se prévaut ;
Considérant, en premier lieu, que l'administration ne conteste pas la matérialité des conventions en date respectivement des 7 janvier 1977 et 1er septembre 1978 par lesquelles la société "Investment Chemie Anstalt" s'engageait à faciliter dans divers pays européens l'obtention par la société anonyme "Etudes et Réalisations d'Automatismes" de commandes, notamment d'une société danoise, la société Wittenborg, moyennant une rémunération qui serait fixée à 10 % du chiffre d'affaires pouvant être ainsi réalisé par la société française ainsi que le versement de frais calculés forfaitairement ;
Considérant, en second lieu, que l'administration n'établit pas l'absence de lien de cause à effet entre les conventions susanalysées et les commandes effectivement passées à la société anonyme "Etudes et Réalisations d'Automatismes" par la société Wittenborg en se bornant à soutenir qu'aucune pièce, émanant notamment de cette dernière société, n'établit le rôle de la société "Investment Chemie Anstalt" dans la passation par la société danoise des commandes à la société française ; qu'au contraire la réalité de l'intervention de la société "Investment Chemie Anstalt", dont les intérêts ne se confondaient nullement avec ceux de la société française, est corroborée par l'évolution du montant des ventes de cette dernière notamment à la société Wittenborg, qui se sont élévées, de 75.000 F en 1977, aux chiffres respectifs de 917.538 F, 1.588,530 F, 1.539.765 F et 1.153.735 F pour les années 1978 à 1981 ;

Considérant, en troisième lieu, que l'administration n'établit pas dans les circonstances de l'espèce qu'eu égard aux pratiques de négoce à l'exportation ainsi qu'au montant des commandes obtenues par la société française avec l'aide de la société "Investment Chemie Anstalt" le taux de 10 % retenu pour les commissions versées présente un caractère anormal ou exagéré pour l'application des dispositions de l'article 238 A précité du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des faits susanalysés, que la société anonyme "Etudes et Réalisations d'Automatismes" est fondée à soutenir par la voie du recours incident que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris a limité les commissions déductibles de ses résultats à la moitié des commissions versées par elle à la société "Investment Chemie Anstalt" au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu en matière d'impôt sur les sociétés d'une part de retrancher des bases d'imposition redressées l'intégralité des commissions susmentionnées, d'autre part, ainsi que le demande à juste titre de manière subsidiaire le ministre, de rajouter aux bases déclarées par la société au titre des années 1980 et 1981 les sommes non contestées de 915 F et 150.560 F que le tribunal a cependant comprises dans les redressements pour lesquels il a prononcé la réduction des impositions supplémentaires assignées à la société alors qu'elles étaient étrangères à la réclamation de celle-ci ; qu'il y a lieu, par ailleurs, en matière de retenue à la source pour laquelle les impositions assignées reposaient exclusivement sur la réintégration des commissions versées, regardées comme bénéfices distribués, d'en prononcer la décharge ;
Article 1er : Les bases d'imposition de la société "Etudes et Réalisations d'Automatismes" à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981 sont fixées respectivement à 546.936 F, 409.180 F, 577.930 F et 790.300 F.
Article 2 : La société anonyme "Etudes et Réalisations d'Automatismes" est déchargée de la différence entre les cotisations d'impôt sur les sociétés résultant des bases maintenues par le tribunal administratif et les cotisations résultant des bases fixées ci-dessus pour les années 1978, 1979 et 1980 ; pour l'année 1981, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la différence entre la base fixée ci-dessus et la base maintenue par le tribunal administratif sont remises à la charge de la société.
Article 3 : La société anonyme "Etudes et Réalisations d'Automatismes" est déchargée des cotisations de retenue à la source de l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981.
Article 4 : Le jugement en date du 29 juin 1988 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions du recours du ministre est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "Etudes et Réalisations d'Automatismes" et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 103023
Date de la décision : 03/11/1989
Sens de l'arrêt : Décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - COMMISSION DEPARTEMENTALE - COMPETENCE - Questions relevant de la compétence de la commission départementale - Eléments de fait invoqués par l'administration à l'appui d'une imposition établie en vertu de l'article 238 A du C - G - I.

19-01-03-02-03-01 L'administration a, sur le fondement des dispositions de l'article 238 A du C.G.I., exclu des charges déductibles et réintégré dans le bénéfice imposable de la société anonyme X. des rémunérations versées à un Anstalt dont le siège se trouve au Liechtenstein. Le contribuable ne conteste pas que cet Anstalt est soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A précité. Les impositions en litige ont été établies contrairement à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. En vertu de l'article L.192 du livre des procédures fiscales dont l'application n'est pas expressément écartée par l'article 238 A précité, il appartient à l'administration de démontrer devant le juge de l'impôt les éléments de fait dont elle se prévaut.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION - Rémunérations payées à l'étranger à des personnes soumises à un régime fiscal privilégié (article 238 A du C - G - I - ) - Absence de caractère anormal - Commissions à l'exportation versées à une société soumise à un régime fiscal privilégié.

19-04-02-01-04-082 L'administration a, sur le fondement des dispositions de l'article 238 A du C.G.I. exclu des charges déductibles et réintégré dans le bénéfice imposable de la société anonyme X. des rémunérations versées à un Anstalt dont le siège se trouve au Liechtenstein. Le contribuable ne conteste pas que cet Anstalt est soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A précité. Les impositions en litige ont été établies contrairement à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. En vertu de l'article L.192 du livre des procédures fiscales dont l'application n'est pas expressément écartée par l'article 238 A précité, il appartient à l'administration de démontrer devant le juge de l'impôt les éléments de fait dont elle se prévaut. En premier lieu, l'administration ne conteste pas la matérialité des conventions par lesquelles cet Anstalt s'engageait à faciliter dans divers pays européens l'obtention par la société française de commandes, notamment d'une société danoise, moyennant une rémunération qui serait fixée à 10 % du chiffre d'affaires pouvant être ainsi réalisé par la société française ainsi que le versement de frais calculés forfaitairement. En deuxième lieu, l'administration n'établit pas l'absence de lien de cause à effet entre les conventions susanalysées et les commandes effectivement passées à la société française par la société danoise en se bornant à soutenir qu'aucune pièce, émanant notamment de cette dernière société, n'établit le rôle de l'Anstalt dans la passation par la société danoise des commandes à la société française. Au contraire la réalité de l'intervention de cet Anstalt, dont les intérêts ne se confondaient nullement avec ceux de la société française, est corroborée par l'évolution du montant des ventes de cette dernière notamment à la société danoise. En troisième lieu, l'administration n'établit pas dans les circonstances de l'espèce qu'eu égard aux pratiques de négoce à l'exportation ainsi qu'au montant des commandes obtenues par la société française avec l'aide de l'Anstalt le taux de 10 % retenu pour les commissions versées présente un caractère anormal ou exagéré pour l'application des dispositions de l'article 238 A précité du C.G.I..


Références :

CGI 238 A, 109, 110, 119 bis 2
CGI livre des procédures fiscales L192


Publications
Proposition de citation : CE, 03 nov. 1989, n° 103023
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Challan-Belval
Rapporteur public ?: M. Racine
Avocat(s) : Me Barbey, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:103023.19891103
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