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03/11/1989 | FRANCE | N°90752;90802

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 03 novembre 1989, 90752 et 90802


Vu 1°/, sous le n° 90 752, le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI enregistré le 26 août 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 26 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande du syndicat construction bois CFDT du Havre et de la région, sa décision implicite intervenue le 26 décembre 1983 rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de la Seine-Maritime en date du 5 juillet 1983

autorisant la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PE...

Vu 1°/, sous le n° 90 752, le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI enregistré le 26 août 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 26 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande du syndicat construction bois CFDT du Havre et de la région, sa décision implicite intervenue le 26 décembre 1983 rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de la Seine-Maritime en date du 5 juillet 1983 autorisant la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PERE ET FILS à licencier pour motif économique cinquante sept salariés,
- rejette la demande présentée pour le syndicat construction bois CFDT du Havre et de la région devant le tribunal administratif de Rouen,
Vu 2°/, sous le n° 90 802, la requête enregistrée le 28 août 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PERE ET FILS, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général demeurant audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 26 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande du syndicat construction bois CFDT du Havre et de la région la décision implicite du ministre des affaires sociales et de l'emploi, intervenue le 26 décembre 1983 rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de la Seine-Maritime autorisant ladite société à licencier pour motif économique cinquante-sept salariés,
- rejette la demande présentée par le syndicat construction bois CFDT du Havre et de la région devant le tribunal administratif de Rouen,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Le Bret, de Lanouvelle, avocat de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PERE ET FILS et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat du syndicat construction bois C.F.D.T. du Havre et de la région,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI et la requête de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PERE ET FILS sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule déision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PERE ET FILS :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 321-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, dans les entreprises où sont occupés habituellement au moins cinquante salariés, les employeurs qui projettent d'y effectuer un licenciement pour motif économique sont tenus de réunir et de consulter le comité d'entreprise lorsque le nombre de licenciements envisagé est au moins égal à dix dans une même période de trente jours ; qu'aux termes de l'article L. 321-5 : "Dans les entreprises ou établissements mentionnés à l'article L. 321-3 où sont occupés habituellement au moins cinquante salariés, un délai doit obligatoirement s'écouler entre la consultation des représentants du personnel prévue audit article et la demande d'autorisation de licenciement collectif visée à l'article L. 321-8 . Ce délai ne peut être inférieur à quinze jours .." ; qu'aux termes de l'article L. 434-6 du même code, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 28 octobre 1982 : "Le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert comptable de son choix ... lorsque la procédure de consultation prévue à l'article L. 321-3 pour licenciement économique d'ordre structurel ou conjoncturel doit être mise en euvre. La mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise. Pour opérer toute vérification ou tout contrôle qui entre dans l'exercice de ces missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes" ; qu'enfin, en vertu de l'article L. 321-9 du même code, alors applicable, pour toutes les demandes de licenciements collectifs portant sur les cas visés à l'article L. 321-3, l'autorité administrative doit vérifier, notamment, "les conditions d'application de la procédure de concertation" ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que, dans le cas où le comité d'entreprise, consulté par l'employeur en application de l'article L. 321-3 du code du travail, décide de se faire assister d'un expert-comptable, l'intervention de cet expert est un élément substantiel de la procédure de concertation, et qu'il appartient à l'autorité administrative de vérifier que ledit expert-comptable a pu exercer normalement sa mission ;
Considérant, d'une part, que la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PERE ET FILS, qui envisageait de licencier pour motif économique 78 salariés de son établissement du Havre, a réuni une première fois le comité d'établissement le 6 mai 1983 ; qu'une partie des représentants du personnel ayant, au cours de cette première réunion, demandé un délai de réflexion, il fut décidé, avec l'accord de l'employeur, de reporter la discussion du projet de licenciement à une date ultérieure ; que le comité d'établissement s'est ensuite réuni le 16 et le 20 mai 1983, date à laquelle un vote est intervenu ; que, dans les circonstances de l'espèce, la consultation du comité prévue par l'article L. 321-3 du code du travail doit être regardée comme ayant eu lieu le 20 mai 1983, date à compter de laquelle courait le délai de 15 jours fixé par l'article L. 321-5 ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le comité d'établissement a décidé, le 16 mai 1983, de se faire assister d'un expert-comptable et que ce dernier a, par lettre du 27 mai, demandé à l'employeur divers renseignements et documents relatifs à la situation économique et financière de l'entreprise ; qu'en admettant même que l'employeur n'ait reçu cette demande que le 30 mai, ainsi que le soutient la société requérante, il était possible à l'expert-comptable d'utiliser les cinq jours restant avant l'expiration du délai de quinze jours fixé par l'article L. 321-5 du code du travail pour éclairer utilement le comité d'établissement sur la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, en refusant le 2 juin 1983 de communiquer à l'expert-comptable les éléments d'information nécessaires à l'exercice de sa mission, au motif que le délai de consultation du comité d'établissement était expiré, l'employeur a méconnu les obligations résultant pour lui des dispositions précitées du code du travail ; que cette circonstance a entaché d'irrégularité la procédure de concertation préalable à la demande d'autorisation de licenciement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI et la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PERE ET FILS ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision implicite du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI rejetant le recours hiérarchique contre la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de la Seine-Maritime en date du 5 juillet 1983 autorisant la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PERE ET FILS à licencier 57 salariés ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALESET DE L'EMPLOI et la requête de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PERE ET FILS sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, à la SOCIETED'EXPLOITATION DES ENTREPRISES GAGNERAUD PERE ET FILS et au Syndicat construction bois CFDT du Havre et de la région.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES NON PROTEGES - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - PROCEDURE PREALABLE A L'AUTORISATION ADMINISTRATIVE - LICENCIEMENT COLLECTIF - Consultation du comité d'entreprise - Décision du comité d'entreprise de se faire assister d'un expert-comptable - Conditions de l'exercice de la mission de l'expert - Refus de communication d'éléments d'information à celui-ci - Conséquences.

66-07-02-03-03 Il résulte des articles L.321-3, L.321-5 et L.434-6 du code du travail dans la rédaction que leur a donnée la loi du 28 octobre 1982 que, dans le cas où le comité d'entreprise, consulté par l'employeur en application de l'article L.321-3 du code du travail, décide de se faire assister d'un expert-comptable, l'intervention de cet expert est un élément substantiel de la procédure de concertation et qu'il appartient à l'autorité administrative de vérifier que ledit expert-comptable a pu exercer normalement sa mission. Dans les circonstances de l'espèce, la consultation du comité prévue par l'article L.321-3 du code du travail doit être regardée comme ayant eu lieu le 20 mai 1983, date à compter de laquelle courait le délai de quinze jours fixé par l'article L.321-5.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES NON PROTEGES - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - MODALITES DE DELIVRANCE DE L'AUTORISATION ADMINISTRATIVE - OBLIGATIONS INCOMBANT A L'ADMINISTRATION - Vérification du caractère régulier de la procédure de concertation - Décision du comité d'entreprise de se faire assister d'un expert-comptable - Elément substantiel de la procédure de concertation - Obligation pour l'autorité administrative de vérifier que l'expert-comptable peut exercer normalement sa mission.

66-07-02-02-02 Il résulte des articles L.321-3, L.321-5 et L.434-6 du code du travail dans la rédaction que leur a donnée la loi du 28 octobre 1982 que, dans le cas où le comité d'entreprise, consulté par l'employeur en application de l'article L.321-3 du code du travail, décide de se faire assister d'un expert-comptable, l'intervention de cet expert est un élément substantiel de la procédure de concertation et qu'il appartient à l'autorité administrative de vérifier que ledit expert-comptable a pu exercer normalement sa mission. Le comité d'établissement a décidé, le 16 mai 1983, de se faire assister d'un expert-comptable et ce dernier a, par lettre du 27 mai, demandé à l'employeur divers renseignements et documents relatifs à la situation économique et financière de l'entreprise. En admettant même que l'employeur n'ait reçu cette demande que le 30 mai, il était possible à l'expert-comptable d'utiliser les cinq jours restant avant l'expiration du délai de quinze jours fixé par l'article L.321-5 du code du travail pour éclairer utilement le comité d'établissement sur la situation de l'entreprise. Ainsi, en refusant le 2 juin 1983 de communiquer à l'expert-comptable les éléments d'information nécessaires à l'exercice de sa mission, au motif que le délai de consultation du comité d'établissement était expiré, l'employeur a méconnu les obligations résultant pour lui des dispositions précitées du code du travail. Irrégularité de la procédure de concertation préalable à la demande d'autorisation de licenciement.


Références :

Code du travail L321-3, L321-5, L434-6, L321-9,
Loi 82-915 du 28 octobre 1982


Publications
Proposition de citation: CE, 03 nov. 1989, n° 90752;90802
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. de Bellescize
Rapporteur public ?: M. Tuot

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 03/11/1989
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 90752;90802
Numéro NOR : CETATEXT000007753490 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1989-11-03;90752 ?
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