La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/1989 | FRANCE | N°54527

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 08 novembre 1989, 54527


Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Y..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 7 juillet 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1972 dans les rôles de la commune de Neuilly-sur-Seine,
2°) lui accorde la décharge de l'imposition contestée ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts

;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
V...

Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Y..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 7 juillet 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1972 dans les rôles de la commune de Neuilly-sur-Seine,
2°) lui accorde la décharge de l'imposition contestée ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Z.... Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par acte du 5 juillet 1972, M. Y..., qui exploitait une entreprise individuelle de négoce en graineterie au ..., à Neuilly-sur-Seine, a cédé au syndicat intercommunal d'assainissement de la Haute-Bièvre un domaine agricole, sis à Guyancourt, Yvelines, lui appartenant et dont l'exploitation était liée à celle de son entreprise de négoce, laquelle écoulait les produits de l'exploitation agricole poursuivie, avant la cession, dans ledit domaine ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a décidé que certaines des indemnités, reçues par M. Y... en sus du prix de cession de son terrain à bâtir ou incluses dans ce prix, avaient à bon droit été comprises dans la plus-value imposable réalisée par le contribuable à l'occasion de cette cession ; que, par le même jugement, le tribunal, statuant sur une demande de "compensation" de l'administration, a décidé que ces indemnités auraient dû être imposées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'en qualifiant ainsi les indemnités dont s'agit à la fois d'éléments d'une plus-value imposable en vertu de l'article 150 ter du code général des impôts et de bénéfices industriels et commerciaux, les premiers juges ont fondé leur décision sur des motifs contradictoires de nature à entacher le jugement d'une irrégularité ; que le jugement attaqué doit dès lors être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur le principe de l'imposition :

Considérant, d'une part, que la cession du terrain a été faite en vue de la création d'une station d'épuration devant desservir la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines ; qu'elle avait ainsi le caractère d'une opération concourant à la production d'immeubles, au sens du 7° de l'article 25 du code général des impôts, auquel se réfère le 4 du I de l'article 150 ter du même code, lequel répute en pareil cas les terrains concernés comme non bâtis au regard de l'imposition des plus-values de cession ; que M. Y..., qui ne conteste d'ailleurs pas que son terrain devait être réputé terrain non bâti au regard de la loi fiscale, se prévaut seulement, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E de ce code reprises à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, d'instructions et réponses ministérielles qui auraient pour effet de soustraire son terrain au champ d'application du I-4 et qui lui permettraient de soutenir, de manière pertinente, que son terrain n'entrerait pas davantage dans le champ d'application du I-2 ou du I-3 de l'article 150 ter ;
Considérant, toutefois, d'une part, que les stations d'épuration ne sont pas au nombre des ouvrages visés par la note du 20 décembre 1969 et par la réponse ministérielle à M. X..., sénateur, en date du 20 août 1971 ; que, d'autre part, si l'instruction du 10 juillet 1972 excepte du champ d'application du I-4 de l'article 150 ter les cessions dont le prix n'a pas excédé les prix-limites fixés au I-3 de ce texte et à l'article 41 novodecies de l'annexe III pris pour son application, soit 25 F le m2 pour les cultures florales et 8 F le m2 pour les cultures maraîchères, il est constant que la culture de la sagine et l'exploitation de pépinières auxquelles se livrait le requérant ne sont pas des cultures florales au sens de ces textes ; qu'il ressort de l'acte de vente, éclairé par l'évaluation du service des domaines, que les terres de cultures ont été cédées au prix moyen de 10,16 F le m2 ; que ce prix moyen qui correspond aux terres de cultures comprises dans la vente prises dans leur ensemble, étant supérieur au prix-limite de 8 F ci-dessus, met obstacle à ce que le requérant puisse utilement se prévaloir de l'instruction du 10 juillet 1972 précitée ;
Sur le montant de l'imposition :

Considérant, d'une part, qu'il résulte des calculs non contestés de l'administration que la fixation à 501 317 F de la plus-value imposée procède de la prise en compte dans le prix de cession d'une partie des indemnités perçues par M. Y..., à défaut desquelles la plus-value devrait être fixée à 370 986 F seulement ; que ces indemnités, ainsi que le reconnaît l'administration, ne pouvaient être imposées, même pour partie, sur le fondement des dispositions de l'article 150 ter du code général des impôts ;
Considérant qu'il en résulte que M. Y... n'est pas fondé, à concurrence du montant précité de 370 986 F, à demander la décharge de l'imposition résultant de la plus-value qu'il a réalisée lors de la vente de son domaine agricole ; qu'il est en principe fondé, en revanche, à demander la décharge du surplus ;
Considérant toutefois que par son moyen inexactement qualifié de "compensation" le ministre soutient, pour justifier l'imposition du reliquat de la somme contestée, soit 130 431 F représentant partie des indemnités perçues par M. Y..., que celles-ci doivent être imposées en tant que bénéfices industriels et commerciaux sur le fondement de l'article 155 du code ; que l'administration est en droit d'invoquer, à tout moment de la procédure, tout moyen de nature à faire reconnaître le bien-fondé de l'imposition et qu'elle peut, à cet effet, assujettir les sommes litigieuses sous une nouvelle qualification dès lors que cette substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties prévues par la loi en matière de procédure d'imposition ; qu'en l'espèce le service ayant suivi à l'égard de M. Y... la procédure de redressement contradictoire, le contribuable n'a été privé d'aucune garantie légale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 155 du code : "Lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale étend son activité à des opérations dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices de l'exploitation agricole ..., il est tenu compte de ces résultats dans la détermination des bénéfices industriels et commerciaux à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que les produits de l'exploitation de pépinières à laquelle le requérant se livrait, avant la cession, dans son domaine de Guyancourt étaient écoulés par l'entreprise individuelle de négoce en graineterie, dont les résultats étaient imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux suivant le régime du bénéfice réel, dans des conditions de nature à faire regarder ladite entreprise comme "étendant son activité", au sens de l'article 155 du code général des impôts, à l'exploitation agricole ; qu'ainsi les produits de cette exploitation devaient être imposés comme bénéfices industriels et commerciaux ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que les indemnités litigieuses avaient pour objet de réparer la perte de stocks ou d'avances aux cultures ou de compenser des frais par nature déductibles du bénéfice imposable ; qu'ainsi ces sommes étaient imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, en dépit de la circonstance que le prix de cession proprement dit du domaine, réparant la perte d'un bien que le contribuable avait choisi de conserver dans son patrimoine privé et n'avait pas inscrit à l'actif du bilan de son entreprise commerciale, ne devrait pas être compris dans ces bénéfices ;

Considérant en dernier lieu qu'il résulte de l'instruction que M. Y... n'a pas mentionné les indemnités en cause, dont le montant total est supérieur à 130 431 F, dans la déclaration de ses bénéfices industriels et commerciaux de l'exercice 1972 ; que, par suite, la demande de substitution de base légale présentée par le ministre doit être accueillie sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'insuffisance d'imposition n'aurait pas été révélée à l'administration par la réclamation contentieuse du contribuable relative à la plus-value ;
Considérant qu'il en résulte que M. Y... n'est pas fondé à demander la décharge de l'imposition de la somme de 130 431 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée que la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris doit être rejetée ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Paris, en date du 7 juillet 1983, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de la requête susvisée de M. Y... sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 54527
Date de la décision : 08/11/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

CGI 150 ter, 25 7°, 1649 quinquies E, 155
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
CGIAN3 41 novodecies
Instruction du 10 juillet 1972


Publications
Proposition de citation : CE, 08 nov. 1989, n° 54527
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Dulong
Rapporteur public ?: Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:54527.19891108
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award