Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mai et 15 septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE (Yvelines), représentée par son maire en exercice, à ce dument autorisé par délibération du conseil municipal en date du 24 février 1982, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à M. X..., architecte, une indemnité de 322 166 F, avec intérêts, en paiement d'études et de missions confiées de 1966 à 1977 à ce dernier par la commune en vue de l'opération de rénovation de l'îlot N° 1 ;
2°) rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
3°) subsidiairement, ordonne la nomination d'un expert en vue d'évaluer le montant des honoraires dûs par la commune à M. X...,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le décret du 11 janvier 1965 ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Juniac, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat de la VILLE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE et de Me Boulloche, avocat de M. Roger X...,
- les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de M. X... :
Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 : "sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée" ; qu'il résulte de cette disposition que le délai de deux mois qu'elle fixe ne s'applique pas aux demandes présentées en matière d'exécution ou d'inexécution d'un travail public, même si ces demandes sont dirigées contre une décision administrative notifiée au demandeur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les conclusions de la demande de M. X... consécutives à la lettre du 17 février 1978 par laquelle le maire de Saint-Germain-en-Laye a refusé de lui verser des honoraires, soulève un litige en matière de travaux publics dont la juridiction administrative peut être saisie sans qu'ait à être respecté le délai fixé par les dispositions précitées du décret du 11 janvier 1965 ; que, dès lors, le moyen tiré de la tardiveté de la demande de M. X... devant le tribunal administratif ne saurait être accueilli ;
Considérant, d'autre part, que la demande introductive d'instance adressée au ribunal par le requérant exposait clairement les faits de l'espèce, et faisait ressortir que l'intéressé s'estimait en droit de réclamer à la ville la rémunération des études effectuées pour son compte, rémunération dont le montant était indiqué ; qu'elle était accompagnée de notes justifiant ce montant ; que si elle ne précisait pas expressément le fondement juridique de la créance invoquée, elle permettait à la ville de discuter, comme elle l'a d'ailleurs fait, le bien fondé de ses prétentions ;
Considérant enfin que si le projet de convention proposé à la ville par M. X... subordonnait l'ouverture d'une procédure contentieuse à une tentative préalable de conciliation, il est constant que ce projet n'a jamais été signé par le maire ; que dès lors, l'intéressé était recevable à saisir directement le juge administratif ;
Sur le principe de la créance :
Considérant que, par une délibération du 3 février 1967, le conseil municipal de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE a notamment décidé de confier à M. X... l'étude de la rénovation d'un îlot du centre ville ; que si cette délibération n'a pas été approuvée par l'autorité de tutelle, et si aucune convention d'honoraires n'a été signée, la ville n'en a pas moins, jusqu'en 1977, entretenu des rapports constants avec cet homme de l'art qui a fourni à sa demande de nombreuses études ;
Considérant que s'il avait été envisagé par la ville de mettre à la charge de la société d'économie mixte immobilière de la région ouest, chargée d'une autre partie des études, la rémunération de M. X..., il ne ressort pas de l'instruction que cette intention ait été concrétisée par un acte juridique opposable à l'intéressé ; que tout au long de la période susmentionnée, c'est le maire de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE qui a correspondu directement avec l'architecte ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a estimé qu'en incitant l'intéressé à poursuivre activement la mission qui lui avait été confiée, la ville a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant que si le projet a été abandonné par la municipalité élue en 1977, et si par conséquent les études réalisées n'ont pas été utiles à la ville, cette circonstance est sans effet sur la responsabilité encourue par elle sur le fondement de la faute ;
Considérant toutefois que M. X... a commis une grave imprudence en acceptant d'exécuter les études qui lui étaient demandées en l'absence de tout contrat ; que, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal administratif a fait une juste appréciation des responsabilités encourues par les deux parties en limitant à la moitié du préjudice subi la responsabilité de la ville ;
Sur le préjudice :
Considérant que M. X... n'est pas fondé, en l'absence de relations contractuelles entre les parties, à demander que l'indemnité à laquelle il a droit soit calculée sur la base du barême figurant dans le projet de convention d'honoraires qu'il avait adressé au maire de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE ; qu'il ressort de l'instruction que le tribunal administratif de Versailles a fait une juste appréciation du préjudice indemnisable en l'évaluant à 322 166 F ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. X... les 2 mars 1987 et 10 février 1989 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu d'accueillir ces demandes ;
Article ler : Les intérêts de la somme mentionnée que la VILLE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE a été condamnée à verser à M. X... échus les 2 mars 1987 et 10 février 1989 seront capitalisés à ces dates pour porter aux mêmes intérêts.
Article 2 : La requête de la VILLE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE et le surplus des conclusions incidentes de M. X... sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE, à M. X... et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.