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20/11/1989 | FRANCE | N°103544

France | France, Conseil d'État, 6 ss, 20 novembre 1989, 103544


Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE ET D'ACCLIMATATION DE FRANCE, dont le siège social est ..., représentée par M. Bétoland son président, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule l'arrêté du 30 septembre 1988 par lequel le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'environnement a fixé la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles;
2° décide qu'il sera sursis à l'exécution de cet arrêté ;
3° annu

le le décret du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisi...

Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE ET D'ACCLIMATATION DE FRANCE, dont le siège social est ..., représentée par M. Bétoland son président, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule l'arrêté du 30 septembre 1988 par lequel le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'environnement a fixé la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles;
2° décide qu'il sera sursis à l'exécution de cet arrêté ;
3° annule le décret du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles ;
4° décide qu'il sera sursis à l'exécution de ce décret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 79 409 du 2 avril 1979 du conseil des communautés européennes ;
Vu le code rural et notamment l'article 393 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Salesse, Auditeur,
- les conclusions de M. de la Verpillière, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité du décret du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé : "Dans chaque département le préfet détermine les espèces d'animaux nuisibles parmi celles figurant sur la liste prévue à l'article 2, en fonction de la situation locale et pour l'un des motifs ci-après : 1°) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; 2°) pour prévenir les dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ; 3°) pour la protection de la flore et de la faune. L'arrêté du préfet est pris après avis du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs ..." et qu'aux termes de l'article 14 du même décret : "Le préfet fixe, après avis du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs, le temps, les formalités et les lieux de destruction à tir" ;
Considérant qu'aucune disposition législative ni aucun principe général ne s'opposaient à ce que l'autorité réglementaire institue de telles consultations dans l'intérêt du bon fonctionnement du service public ; que le moyen tiré de ce que les dispositions précitées du décret du 30 septembre 1988 favoriseraient, dans la procédure consultative qu'elles organisent, les chasseurs par rapport aux protecteurs des animaux doit par suite être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 15 du décret susvisé : "Les destructions à tir s'effectuent sur autorisation individuelle délivrée par le préfet. La période de destruction des animaux nuisibles doit être comprise entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard ..." ; qu'aux termes de l'article 7-4 de la directive du conseil des communautés européennes du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages : "Les Etats membres (...) veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s'applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Lorsqu'il s'agit d'espèces migratrices, ils veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s'applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification ..." ; que l'article 9 de ladite directive prévoit que : "Les Etats membres peuvent déroger aux articles 5, 6, 7 et 8 s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante pour les motifs ci-après a) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, dans l'intérêt de la sécurité aérienne, pour prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux, pour la protection de la flore et de la faune ..." ; que, dès lors, les dispositions contestées de l'article 15 du décret susvisé, qui répondent aux conditions mises par l'article 9 précité, à l'octroi de dérogations, ne sont pas contraires aux objectifs définis par la directive du 2 avril 1979 ;

Considérant qu'en vertu de l'article 16 du même décret, le préfet peut par arrêté motivé, prévoir qu'il sera, compte tenu des particularités de la situation locale au regard des intérêts mentionnés à l'article 3, dérogé dans certaines conditions aux dispositions de l'article 15 pour le pigeon ramier, l'étourneau sansonnet, la pie bavarde, la corneille noire et le corbeau freux ; que ces dispositions répondent également aux conditions mises à l'octroi de dérogations par l'article 9 précité de la directive du 2 avril 1979 pour, notamment, prévenir les dommages importants aux cultures et la protection de la flore et de la faune ; que ledit article 16 ne classe pas ces différentes espèces d'oiseaux dans la catégorie des animaux nuisibles, classement qu'il appartient au seul ministre chargé de la chasse d'établir en vertu de l'article 2 du décret, mais fixe les dates limites auxquelles la chasse de ces animaux pourra être autorisée par le préfet compte tenu des risques que peuvent créer ces espèces selon la situation locale ; que, dès lors, les moyens tirés, d'une part, de ce que l'article 16 serait contraire aux objectifs définis par la directive du 2 avril 1979 et, d'autre part, de ce qu'il range à tort le pigeon ramier parmi les espèces nuisibles, ne sont pas fondés ;
Considérant qu'aux termes de l'article 393 du code rural "le ministre de l'agriculture, assisté du conseil national de la chasse et de la faune sauvage, prend des arrêtés pour déterminer les espèces d'animaux malfaisants ou nuisibles que le propriétaire, possesseur ou fermier peut, en tout temps, détruire sur ses terres et les conditions d'exercice de ce droit ..." ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, le décret attaqué a fait une exacte application dudit article en réservant l'exercice du droit de destruction aux propriétaires, possesseurs ou fermiers, sur leurs terres ; que si le décret attaqué, dans ses articles 4 et 15, donne la possibilité aux propriétaires de ne pas détruire personnellement ces animaux mais d'y faire procéder en sa présence ou en délégant par écrit le droit d'y procéder, ou encore en donnant son assentiment aux agents de l'Etat, aux agents des établissements publics assermentés au titre de la police de la chasse et aux gardes particuliers, ces dispositions ne sont pas contraires à l'article 393 du code rural et se bornent à en fixer les modalités d'application ;
Sur la légalité de l'arrêté ministériel du 30 septembre 1988 :

Considérant que l'arrêté attaqué a été légalement pris en application du décret du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux nuisibles, qui n'obligeait pas l'administration à saisir préalablement le conseil national de la chasse et de la faune sauvage, et non pas en vertu du décret du 25 novembre 1977 pris en application de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et concernant la protection de la flore et de la faune sauvages du patrimoine naturel français ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le conseil national de la chasse et de la faune sauvage aurait dû être consulté avant l'intervention de l'arrêté du 30 septembre 1988 doit être écarté ;
Considérant qu'en vertu de l'article 7 de la directive susvisée du conseil des communautés européennes du 2 avril 1979, seules peuvent être l'objet d'actes de chasse les espèces énumérées à l'annexe II de ladite directive ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aux termes de l'article 9 de la même directive : "Les Etats membres peuvent déroger aux articles 5, 6, 7 et 8 s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante ..." ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué, pris dans le cadre des dispositions précitées de l'article 9 de la directive du 2 avril 1979, et notamment en vertu d'une dérogation justifiée en l'espèce par les dommages causés aux cultures, a pu sans en méconnaître les objectifs, prévoir dans la liste des espèces d'animaux susceptibles d'être classées nuisibles par le préfet des espèces non énumérées à l'annexe II de la directive ;
Considérant que selon l'article 2 du décret du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles, le ministre chargé de la chasse fixe la liste des espèces d'animaux susceptibles d'être classées nuisibles par les préfets, d'après les situations locales, en se fondant sur les "dommages que ces animaux peuvent causer aux activités humaines et aux équilibres biologiques" ; qu'il ressort des pièces du dossier que le pigeon ramier, les corvidés, le renard et les mustélidés (belette, fouine, martre, putois) peuvent être localement nuisibles ; qu'ainsi le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de l'environnement a pu légalement faire figurer sur la liste des espèces d'animaux susceptibles d'être classées nuisibles par les préfets, en fonction des situations locales, les animaux susmentionnés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret et de l'arrêté susvisés du 30 septembre 1988 ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE ET D'ACCLIMATATION DE FRANCE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE ET D'ACCLIMATATION DE FRANCE, au secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6 ss
Numéro d'arrêt : 103544
Date de la décision : 20/11/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME - PROCEDURE CONSULTATIVE - CONSULTATION NON OBLIGATOIRE - Conseil national de la chasse et de la faune sauvage - Article 393 du code rural - Arrêté du 30 septembre 1988 fixant la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles.

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - TRAITES - TRAITE DE ROME - Directive communautaire du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages - Absence de violation - Décret du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles.

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - LOI - ABSENCE DE VIOLATION - Code rural - Article 393 - Réglementation des conditions d'exercice du droit de destruction des animaux nuisibles - Décret du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles.

AGRICULTURE - CHASSE - REGLEMENTATION - Réglementation des conditions d'exercice du droit de destruction des animaux nuisibles - (1) Directive communautaire du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages - Dérogations (article 9) - Décret du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles (articles 15 et 16) et arrêté d'application du même jour - Absence de méconnaissance - (2) Animaux nuisibles - Notion.

AGRICULTURE - CHASSE - FEDERATIONS DEPARTEMENTALES DE CHASSEURS - Réglementation des conditions d'exercice du droit de destruction des animaux nuisibles - Décret du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles - Pouvoirs du préfet (article 14) - Légalité.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - PORTEE DES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRES - DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES - Directive communautaire du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages - Dérogations (article 9) - Décret du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles (articles 15 et 16) et arrêté d'application du même jour - Absence de méconnaissance.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS DES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRES - ACTES CLAIRS - TRAITE DE ROME - PORTEE DES DIRECTIVES (ARTICLE 189) - Directive communautaire du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages.


Références :

CEE Directive 409-79 du 02 avril 1979 Conseil art. 7-4, art. 9, art. 7, annexe II
Code rural 393
Décret 77-1195 du 25 novembre 1977
Décret 88-940 du 30 septembre 1988 art. 2, art. 3, art. 14, art. 16, art. 15 art. 4, décision attaquée confirmation
Loi 76-629 du 10 juillet 1976

Rapp. 1) Fédération française des sociétés de protection de la nature, 1980-07-09, n° 15844. 2) Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest - Sepanso-Dordogne et autre, n° 40640, 40641.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 nov. 1989, n° 103544
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Salesse
Rapporteur public ?: de la Verpillière

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:103544.19891120
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