Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 juin et 5 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Christian X..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 avril 1984 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa requête en indemnité dirigée contre le préfet des Pyrénées-Atlantiques ;
2°) condamne l'Etat à lui verser une indemnité de 85 000 F avec intérêts et capitalisation des intérêts et, subsidiairement, une indemnité de 30 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des débits de boisson ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lasvignes, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Fortunet, Mattei-Dawance, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un jugement du 22 juin 1982 devenu définitif, le tribunal administratif de Pau a annulé, pour violation de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, l'arrêté du sous-préfet de Bayonne, en date du 11 juin 1981, qui a retiré l'autorisation d'ouvrir la nuit le débit de boissons qu'exploite à Biarritz M. X... ; que l'intéressé demande la réparation du préjudice que lui a causé cette décision de retrait d'autorisation ;
Considérant que la circonstance que l'annulation de la décision dommageable ait été prononcée pour vice de forme ne fait pas obstacle à ce que l'exploitant demande réparation s'il établit que la décision non motivée n'était au surplus pas fondée ; que si la requête de M. X... est fondée, en appel, sur ce que cette décision n'était pas justifiée par une faute de l'exploitant alors qu'en première instance, M. X... avait invoqué la faute commise par l'administration préfectorale en lui retirant illégalement l'autorisation dont il bénéficiait, cette prétention ne repose pas sur une cause juridique différente de celle qui fondait la demande de première instance ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour prendre la décision litigieuse, le sous-préfet s'est fondé sur ce qu'"en janvier 1981 M. X... a appelé l'attention du service de police pour vol et voie de fait avec arme et conduite en état d'ivresse" ; que le requérant conteste la matérialité des accusations portées contre lui et que l'administration n'apporte aucun commencement de preuve de nature à établir tant la réalité des faits que le rapport de ceux-ci avec l'exploitation du débit de boissons ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir qu'en prenant à son égard une sanction reposant sur des faits non établis, l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et que c'est donc à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa requête ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X... en lui allouant une indemnité de 40 000 F ; que cette indemnité doit porter intérêt au taux légal à compter du 2 novembre 1982 date d'enregistrement de la demande d'indemnité ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 8 juin 1984 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pauen date du 10 avril 1984 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. X... la somme de40 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 1982 ; les intérêts échus le 8 juin 1984 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Christian X..., et au ministre de l'intérieur.