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29/11/1989 | FRANCE | N°67288

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 29 novembre 1989, 67288


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 mars 1985 et 29 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Jeanne X..., demeurant Remigny à Chagny (71150), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 15 janvier 1985 rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1975, 1976, 1977 et 1978 dans les rôles de la commune de Remigny (Saône-et-Loire)

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2°) lui accorde la décharge sollicitée,
Vu les autres pièces du ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 mars 1985 et 29 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Jeanne X..., demeurant Remigny à Chagny (71150), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 15 janvier 1985 rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1975, 1976, 1977 et 1978 dans les rôles de la commune de Remigny (Saône-et-Loire),
2°) lui accorde la décharge sollicitée,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Honorat, Maître des requêtes,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de Mme Jeanne X...,
- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision en date du 16 mars 1989, postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur des services fiscaux du département de Saône-et-Loire a accordé à Mme Veuve X... le dégrèvement de la totalité de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle celui-ci avait été assujetti au titre de l'année 1975 et de cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1977 et 1978, respectivement, de 15 880 F et 15 385 F en droits simples et de 3 573 F et 2 077 F en pénalités résultant de la déduction des bénéfices agricoles desdites années des taxes foncières et des charges d'entretien des immeubles affectés à l'exploitation et du rattachement à l'année 1976, et non plus 1975, d'une indemnité d'assurance de 92 250 F ; que les conclusions de la requête susvisée sont ainsi devenues, sur ces points, sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et sur la charge de la preuve :
En ce qui concerne la procédure d'imposition d'office :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 69 A du code général des impôts : "Lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 500 000 F, mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel, à compter de la deuxième de ces années" ; qu'aux termes de l'article 69 quinquies du même code : "Pour l'application des articles ... 69 A ..., il est tenu compte des recettes réalisées par les sociétés et groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés dont le contribuable est membre, à proportion de ses droits dans les bénéfices de ces sociétés et groupements. Toutefois, le régime fiscal de ceux-ci demeure déerminé uniquement par le montant global de leurs recettes" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le domaine viticole de Rémigny (Saône-et-Loire) d'une consistance de 55 ha, sis tant dans ce département que dans celui de la Côte-d'Or, et constitué de terres appartenant notamment à l'indivision successorale formée par Mme veuve Jeanne X... et les héritiers de son mari décédé, MM. Patrick, Guy et Gérard X..., était exploité dans son ensemble par la société de fait constituée de M. Guy X..., de sa mère, Mme veuve X..., et de l'un de ses deux frères, Patrick X... à l'aide de personnels et de matériels communs ; qu'ainsi le requérant ne saurait utilement se prévaloir, ni de ce que certaines parcelles du domaine figuraient dans l'indivision tandis que d'autres appartenaient en propre à certains des coïndivisaires, ni de ce que l'indivision n'aurait pas été assimilable à une société de fait, pour contester l'appréciation du dépassement de la limite de 500 000 F définie par l'article 69 A du code qu'a portée l'administration au regard des recettes globales réalisées par l'exploitation ; qu'il est constant que ces recettes ont excédé chaque année 500 000 F sans interruption depuis 1974 et qu'aucun membre de l'indivision n'a déposé, pour aucune des années d'imposition 1976 à 1978, la déclaration de résultats prévue par l'article 38 sexdecies Q de l'annexe III au code, applicable dès lors que les produits de l'exploitation étaient imposables suivant le régime du bénéfice réel en vertu de l'article 69 A ; que, dans ces conditions, l'administration a régulièrement évalué d'office les bénéfices des années précitées ;
En ce qui concerne les notifications des bases d'imposition :

Considérant qu'il ressort des mentions de la notification du 14 décembre 1979 que, par ladite notification, l'administration a fait connaître à Mme veuve X..., conformément aux dispositions du III de l'article 3 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, les bases et éléments ayant servi au calcul des bénéfices agricoles des années 1976 et 1978 évalués d'office et la part desdits bénéfices, estimée par elle à 35,90 % correspondant aux droits de l'intéressée et imposables entre ses mains ; que l'administration n'était pas tenue de motiver la notification rectificative du 16 juin 1981 par laquelle elle a réduit les bases d'imposition de ces années ;
Considérant, en revanche, que sa notification rectificative du 16 juin 1981, l'administration a adopté un nouveau mode de calcul qui a eu pour effet de porter à 1 118 477 F le chiffre du bénéfice agricole de l'année 1977 au lieu des 545 480 F qui avaient été primitivement fixés par la notification du 14 décembre 1979, sans pour autant préciser les bases et éléments de ce nouveau calcul ; que la notification rectificative est, mais dans la seule mesure où elle procède à un rehaussement des bases primitivement notifiées, entachée d'une irrégularité ainsi que le reconnaît d'ailleurs l'administration ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont limité la décharge accordée au titre de l'année 1977 au montant correspondant, à concurrence de ses droits dans l'exploitation, à la différence entre les bases notifiées le 16 juin 1981 et celles notifiées le 14 décembre 1979 ;

Considérant qu'il appartient à Mme Veuve X... d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition encore en litige, et régulièrement arrêtées d'office ;
Sur le bien-fondé des impositions encore en litige :
En ce qui concerne les ventes en gros aux négociants :
Considérant qu'en vertu des "principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales" qui, aux termes de l'article 69 quater du code général des impôts, s'appliquent à la détermination des bénéfices de l'exploitation agricole suivant le régime du bénéfice réel, le bénéfice net imposable est égal à la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice ; qu'au nombre des valeurs d'actif à prendre en compte pour le calcul de l'actif net figurent notamment les créances que l'entreprise a acquises sur des tiers ; que si, aux termes de l'article 84 de la loi n° 78-1239 du 29 décembre 1978 ultérieurement codifié au 2 bis de l'article 38 du code, "...les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées", ces dispositions ne sont applicables "qu'à la détermination des résultats imposables des exercices clos à compter du 31 décembre 1978" ;
Considérant qu'à défaut de tout élément de nature à justifier l'assertion de la requérante selon laquelle une vente de vin ne serait réalisée "qu'à la sortie de la cave", l'administration a pu à bon droit rattacher à l'exercice clos le 31 décembre 1976 les ventes en gros dont les marchés ont été passés avec les négociants au cours de cet exercice et réintégrer ainsi, dans le bénéfice évalué d'office de l'exercice, les ventes qui, bien que n'ayant pas encore donné lieu à livraison, devaient être regardées comme ayant fait naître des créances sur les acheteurs ; que l'administration ayant, conformément aux dispositions de l'article 84 de la loi du 29 décembre 1978, rattaché à l'exercice clos le 31 décembre 1978 les ventes pour lesquelles la livraison des biens est intervenue au cours de cet exercice, sous déduction, toutefois, de celles déjà prises en compte au titre des exercices précédents, le moyen pris de ce que le rattachement n'aurait pas été effectué d'après "la sortie de la cave" manque en fait pour cet exercice ;
En ce qui concerne l'évaluation des stocks :

Considérant, en premier lieu, qu'en admettant que l'évaluation des récoltes comprises dans les stocks au 1er janvier 1975, date d'ouverture du premier exercice dont les résultats ont été déterminés d'après le régime du bénéfice réel, que propose la requérante, dût être admise, le moyen tiré de cette évaluation, eu égard au dégrèvement ci-dessus accordé de l'imposition contestée de l'année 1975, n'aurait en tout état de cause de portée qu'en ce qui concerne les valeurs pour lesquelles lesdites récoltes encore invendues devraient être reprises, en vertu du I de l'article 38 sexdecies N de l'annexe III au code général des impôts, dans les stocks aux dates de clôture des exercices ultérieurs ; qu'à défaut d'inventaires de l'exploitation, le requérant n'apporte aucune preuve de la ventilation qu'elle propose desdites récoltes entre les stocks aux 31 décembre 1975, 1976, 1977 et 1978 ; que la requérante n'apporte davantage, en second lieu, à l'appui des évaluations des prix de revient des autres éléments des stocks aux dates ci-dessus, qu'elle propose, en l'absence de toute comptabilité tenue par l'exploitation, aucune justification ;
En ce qui concerne les charges déductibles :
Considérant, en premier lieu, que la requérante n'apporte aucune justification de ce que les charges de l'exploitation auraient été des montants dont elle se prévaut et non de ceux retenus finalement par le vérificateur compte tenu des explications de l'expert-comptable ; que la circonstance que les montants allégués avaient été primitivement admis par le vérificateur dans sa première notification du 14 décembre 1979 n'a comporté, de la part de ce dernier, qu'une simple appréciation de la situation fiscale des contribuables, et non une interprétation du texte fiscal que la requérante pourrait utilement invoquer sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts reprises à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, que les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône à la demande d'un membre de l'indivision afin d'établir les comptes de l'exploitation, ayant été engagés en raison seulement de la carence des gestionnaires de l'exploitation dans leur obligation de reddition de comptes aux autres coïndivisaires, n'ont pas le caractère de charges déductibles des bénéfices de l'exploitation ;
Considérant, en troisième lieu, que la requérante, dont les déclarations, sur ce point, sont contradictoires, n'établit pas que la somme d'un montant de 50 000 F, qu'elle prétend correspondre à la charge du dédit qu'elle a versé pour la résiliation, en 1977, de quatre ventes de vin conclues, en 1976, avec la maison Perraud, doit être déduite des charges de l'exercice 1977 ;
Considérant, en revanche, que la requérante justifie, ainsi que l'admet l'administration, de la déduction de taxes foncières de 28 391 F et de charges d'entretien d'immeubles affectés à l'exploitation de 4 083 F pour l'exercice 1976 ;
Sur la compensation opposée par l'administration :
Considérant que l'administration est fondée à invoquer à son profit la compensation entre le dégrèvement résultant de la réduction de la base d'imposition de l'année 1976 de 32 474 F, total des taxes foncières de 28 391 F et des charges d'entretien de 4 083 F ci-dessus, reconnu justifié par la présente décision et l'insuffisance d'imposition résultant de ce qu'une indemnité d'assurance de 92 250 F versée à l'indivision en réparation d'un sinistre subi par l'exploitation le 8 août 1976, que le service avait primitivement rattachée à l'exercice 1975 avant d'accorder le dégrèvement ci-dessus, aurait dû être imposée au titre de l'année 1976 ; que la base d'imposition de cette dernière année demeure, en conséquence, inchangée ;

Considérant que, de ce qui précède, il résulte que Mme Veuve X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon ne lui a accordé, par le jugement susvisé, que des réductions qu'elle estime insuffisantes des impositions demeurant encore à sa charge ;
Article 1er : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête susvisée de Mme Veuve X... en ce qui concerne la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et les pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1975 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1977 et 1978, respectivement, de 15 880 F et 15 385 F en droits simples et de 3 573 F et de 2 077 F en pénalités, dont il a été accordé dégrèvement.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée de Mme Veuve X... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Veuve X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Non-lieu à statuer rejet surplus
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-02-02-09 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT - NOUVELLE NOTIFICATION -Notification rectificative faisant revivre la notification antérieure.

19-01-03-02-02-09 Par une notification rectificative du 16 juin 1981, l'administration a adopté un nouveau mode de calcul qui a eu pour effet de porter à 1 118 477 F le chiffre du bénéfice au lieu des 545 480 F qui avaient été primitivement fixés par la notification du 14 décembre 1979, sans pour autant préciser les bases et éléments de ce nouveau calcul. La notification rectificative est, mais dans la seule mesure où elle procède à un rehaussement des bases primitivement notifiée, entachée d'une irrégularité.


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales L80 A
. CGIAN3 38 sexdecies Q, 38 sexdecies N I
CGI 69 A, 69 quinquies, 69 quater, 38 2 bis, 1649 quinquies E
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 3 III
Loi 78-1239 du 29 décembre 1978 art. 84


Publications
Proposition de citation: CE, 29 nov. 1989, n° 67288
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Honorat
Rapporteur public ?: Mme Liébert-Champagne

Origine de la décision
Formation : 9 / 7 ssr
Date de la décision : 29/11/1989
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 67288
Numéro NOR : CETATEXT000007628909 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1989-11-29;67288 ?
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