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06/12/1989 | FRANCE | N°58366

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 06 décembre 1989, 58366


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 11 avril 1984, présentée pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire en exercice, demeurant en cette qualité à l'Hôtel de Ville de Paris (75004), à ce dûment autorisé par délibération du Conseil de Paris ; la ville demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 25 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a déclaré la VILLE DE PARIS responsable de l'intégralité des dommages subis par les immeubles sis ... (16ème), condamné en conséquence la ville à payer a

ux syndicats des copropriétaires de ces immeubles diverses indemnités, la ...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 11 avril 1984, présentée pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire en exercice, demeurant en cette qualité à l'Hôtel de Ville de Paris (75004), à ce dûment autorisé par délibération du Conseil de Paris ; la ville demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 25 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a déclaré la VILLE DE PARIS responsable de l'intégralité des dommages subis par les immeubles sis ... (16ème), condamné en conséquence la ville à payer aux syndicats des copropriétaires de ces immeubles diverses indemnités, la Régie Autonome des Transports Parisiens étant condamnée, par ailleurs, à garantir la ville à concurrence de la moitié des condamnations prononcées contre celle-ci ;
2°) rejette la demande des syndicats des copropriétés en cause, et les condamne à rembourser à la ville les sommes qui auraient pu leur être payées, avec les intérêts de droit à compter de ce 11 avril 1984 ;
3°) subsidiairement, condamne la Régie Autonome des Transports Parisiens à garantir la ville, en totalité, de toutes les condamnations mises à sa charge ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pochard, Maître des requêtes,
- les observations de Me Foussard, avocat de la VILLE DE PARIS, de la S.C.P Célice, Blancpain, avocat de la société Sitraba et de l'Entreprise urbaine de travaux, de la S.C.P. Waquet, Farge, avocat du syndicat des copropriétaires du ... (16ème) et autres et de la S.C.P. Coutard, Mayer, avocat de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP),
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'injections de coulis de ciment exécutés en juillet et août 1979 pour le compte de la Régie Autonome des Transports Parisiens, afin de stabiliser les fondations des colonnes qui supportent la voie aérienne de la ligne n° 6 du métropolitain au-dessus de la rue de l'Alboni à Paris, les sous-sols des immeubles situés au 4 de cette rue et aux 16 et 18 du square de l'Alboni ont été inondés par le refoulement d'eaux usées ; que ces refoulements ont été provoqués par l'obstruction de la canalisation qui servait de branchement unique à l'ensemble des immeubles en cause sur le réseau public des égouts de la VILLE DE PARIS, par suite d'un mauvais état d'entretien de cette canalisation, dont certains éléments cassés ou déboîtés ont été obturés par l'infiltration des coulis de ciment ; que les propriétaires intéressés ont demandé à la ville, au motif que l'entretien de la canalisation lui incombait, l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis, et notamment le remboursement des frais d'installation de nouvelles canalisations qu'ils ont dû exposer ;
Sur les conclusions de la VILLE DE PARIS :
Considérant que la VILLE DE PARIS fait valoir que la canalisation dont il s'agit, construite par les propriétaires dans le sous-sol de la rue de l'Alboni, qui était alors une voie privée, pour le raccordement à l'égout public, avait le caractère d'un branchement particulier dont l'entretien incombait aux intéressés ;
Mais considérant que la rue de l'Alboni, qui a fait l'objet d'une expropriation en 1902, a désormais le caractère d'une voie publique ; qu'aux termes de l'article L.34 du code de la santé publique, les parties de branchement reliant un immeuble à un réseau public d'égout qui sont situées sous la voie publique "sont incorporées au réseau public propriété de la commune qui en assure désormais l'entretien" ; qu'il appartenait ainsi à la VILLE DE PARIS d'assurer l'entretien de la canalisation située sous cette voie ; que, dès lors, sa responsabilité est engagée du fait des dommages subis par les propriétaires riverains et résultant d'un mauvais entretien de cette canalisation ; qu'ainsi la VILLE DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été condamnée à indemniser les propriétaires de ces dommages, dont elle ne conteste pas l'évaluation qui en a été faite par le tribunal administratif ;
Sur le recours incident des syndicats de copropriétaires :
Sur le montant des indemnités :

Considérant que les propriétaires ont droit à être indemnisés des troubles de jouissance qu'ils ont subi du fait de l'obstruction de la canalisation qui a entraîné le refoulement d'eaux usées dans leurs immeubles ; que toutefois si les syndicats de copropriétaires ont demandé, par la voie de l'appel incident, le relèvement des indemnités qui leur ont été accordées, à ce titre, par les premiers juges, il n'apportent pas de précisions suffisantes à l'appui de leurs conclusions ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que les syndicats de copropriétaires des ..., 16 et 18 square de l'Alboni ont demandé le 17 avril 1985 la capitalisation des intérêts afférents aux indemnités que le tribunal administratif de Paris leur a accordées ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 et de condamner la VILLE DE PARIS à payer aux syndicats des copropriétaires des ... (16ème) la somme de 10 000 F exposée par eux et non comprise dans les dépens ;
Sur le recours incident de la Régie Autonome des Transports Parisiens :

Considérant que la VILLE DE PARIS avait demandé que la Régie Autonome des Transports Parisiens la garantisse des condamnations prononcées à son encontre, au motif que la Régie n'avait pas pris les précautions nécessaires pour que le ciment qu'elle injectait ne risque pas d'obturer les canalisations ; que le tribunal administratif a condamné la Régie à garantir la ville à concurrence de la moitié des condamnations mises à la charge de cette dernière ; que la Régie demande, par la voie de l'appel incident, à être déchargée de cette condamnation ;
Considérant que les dommages ont été provoqués non par l'exécution des travaux réalisés par la Régie, mais par le mauvais état de la canalisation qui aurait dû normalement être étanche et dont il a été dit ci-dessus que son entretien incombait à la seule VILLE DE PARIS ; qu'ainsi la Régie est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à garantir la ville à concurrence de la moitié des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur les conclusions de la société Entreprise urbaine de travaux et de la société Entreprise Sitraba :
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné lesdites sociétés, qui avaient effectué les travaux dont il s'agit, à garantir la Régie Autonome des Transports Parisiens des condamnations prononcées à son encontre résultant de l'obligation de garantir la ville mise à la charge de la Régie ; qu'il résulte de la présente décision que le jugement doit être annulé en tant qu'il a condamné la Régie à garantir la ville ; que, dès lors, les conclusions de la société Entreprise urbaine de travaux et de la société Entreprise Sitraba et relatives à la garantie à laquelle elles ont été condamnées par ledit jugement à l'égard de la Régie sont devenues sans objet ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 25 janvier 1984 est annulé en tant qu'il a condamné la Régie Autonome des Transports Parisiens à garantir la VILLE DE PARIS de la moitié des condamnations prononcées à l'encontre de cettedernière par ledit jugement.
Article 2 : Les intérêts afférents aux indemnités que la VILLE DE PARIS a été condamnée à verser aux syndicats de copropriétaires des ..., 16 et 18 square de l'Alboni, par le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 25 janvier 1984 et échus le 17 avril 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La VILLE DE PARIS versera aux syndicats de copropriétaires des ... XVème une somme de 10 000 F au titre de l'article 1er du décretdu 2 septembre 1988.
Article 4 : Les conclusions de l'appel principal de la VILLE DE PARIS et le surplus des conclusions de l'appel incident des syndicatsde copropriétaires des ..., 16 et 18 square de l'Albonià Paris (16ème) sont rejetées.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Entreprise urbaine de travaux et de l'entreprise Sitraba relatives à la garantie à laquelle elles ont été condamnées à l'égardde la Régie Autonome des Transports Parisiens par le jugement du tribunal administratif de Paris du 25 janvier 1984.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE PARIS, au syndicat des copropriétaires du ..., au syndicat des copropriétaires du 16 square de l'Alboni, au syndicat des copropriétaires du 18 square de l'Alboni, à la Régie Autonome desTransports Parisiens, à la société Entreprise urbaine de travaux, à la société Entreprise Sitraba et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 58366
Date de la décision : 06/12/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DEPENS - APPLICATION DE L'ARTICLE 1ER DU DECRET N - 88-907 DU 2 SEPTEMBRE 1988.

TRAVAUX PUBLICS - NOTION DE TRAVAIL PUBLIC ET D'OUVRAGE PUBLIC - OUVRAGE PUBLIC - OUVRAGE PRESENTANT CE CARACTERE - Canalisation de raccordement à un réseau public d'égoût située sous la voie publique.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DE L'OUVRAGE - Canalisation d'évacuation des eaux usées - Défaut d'entretien normal.


Références :

Code civil 1154
Code de la santé publique L34
Décret 88-907 du 02 septembre 1988 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 1989, n° 58366
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Pochard
Rapporteur public ?: Toutée

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:58366.19891206
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