Vu la requête, enregistrée le 20 février 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE ANONYME DE CREDIT A L'INDUSTRIE FRANCAISE (CALIF), dont le siège social est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 6 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant : d'une part à ce que la commune de Torcy (Seine-et-Marne) soit condamnée à lui verser une indemnité de 200 000 F en réparation du préjudice subi à raison du refus de la commune de s'acquitter des obligations de garantie mises à sa charge par la convention de cautionnement du 27 octobre 1982 ; d'autre part à l'annulation de la décision de la chambre régionale des comptes de l'Ile-de-France du 5 novembre 1984 ayant rejeté sa demande d'inscription d'office au budget de la commune de Torcy de la somme de 174 639,41 F représentant le montant de la première échéance de prêt consenti à l'association Tennis-Club de Marne-la-Vallée ;
2°) condamne la commune de Torcy à lui verser l'indemnité compensatrice de 200 000 F, augmentée des intérêts de droit, et des intérêts des intérêts, et annule la décision de la chambre régionale des comptes de l'Ile-de-France en date du 5 novembre 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Sauzay, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, avocat de la SOCIETE ANONYME DE CREDIT A L'INDUSTRIE FRANCAISE (CALIF) et de Me Choucroy, avocat de la commune de Torcy,
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Torcy au versement d'une indemnité de 200 000 F :
Considérant que, par convention en date du 27 octobre 1982, la SOCIETE ANONYME DE CREDIT A L'INDUSTRIE FRANCAISE (CALIF) a consenti un prêt d'un million de francs à l'association "Tennis-Club de Marne-la-Vallée", la commune s'engageant par le même contrat, en vertu d'une délibération de son conseil municipal en date du 24 juin 1982, à garantir le paiement des sommes dues à la société CALIF par l'association au cas où celle-ci serait défaillante ; que, la première échéance de ce prêt n'ayant pas été réglée, la SOCIETE ANONYME DE CREDIT A L'INDUSTRIE FRANCAISE (CALIF) a demandé que la commune de Torcy soit condamnée à lui verser une indemnité de 200 000 F en réparation des préjudices subis par elle en raison du refus de la commune de s'acquitter de ses obligations, et en raison de la créance née de l'enrichissement sans cause de la commune ;
Considérant que la convention de prêt, passée entre deux personnes privées, est un contrat de droit privé ; que l'engagement de garantie pris par la commune n'a pas pour objet l'exécution d'une mission de service public ; que la stipulation selon laquelle, dans la délibération du conseil municipal du 24 juin 1982 et lors de la signature de la convention, la commune s'engageait à créer et à mettre en recouvrement, pendant toute la durée de l'emprunt, en cas de besoin, les impositions directes nécessaires pour assurer le remboursement des annuités en cas de défaillance de l'emprunteur, n'a pas le caractère d'une clause exorbitante du droit commun ; qu'il en résulte que l'engagement de garantie de la commune est un contrat de droit privé dont les difficultés d'exécution qui ont conduit à la demande de la société requérante fondée sur ce que la commune n'aurait pas respecté ses obligations contractuelles et sur l'enrichissement sans cause dont cette collectivité aurait bénéficié, relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par son jugement du 6 décembre 1985, le tribunal administratif de Versailles s'est reconnu compétent pour statuer sur la requête de la société CALIF ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France :
Considérant qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article L.122-21 du code des communes "Sauf disposition contraire dans la délibération du conseil municipal portant délégation, les décisions prises en application de celle-ci doivent être signées personnellement par le maire nonobstant les dispositions des articles L.122-11 et L.122-13 "Sauf disposition contraire dans la délibération, les décisions relatives aux matières ayant fait l'objet de la délégation sont prises, en cas d'empêchement du maire, par le conseil municipal" ; que, si la délibération en date du 24 juin 1982 du conseil municipal de Torcy avait expressément autorisé le maire à signer la convention par laquelle la commune garantissait le prêt consenti par la SOCIETE ANONYME DE CREDIT A L'INDUSTRIE FRANCAISE (CALIF) au Tennis-Club de Marne-la-Vallée, il est constant que le contrat porte la signature d'un adjoint au maire qui n'avait pas qualité pour engager la commune ; qu'ainsi cette convention, signée par une autorité incompétente, n'a pu conférer aux sommes que la commune s'était engagée à garantir le caractère d'une dette exigible ;
Considérant que si la chambre régionale des comptes de l'Ile-de-France s'est également fondée sur la circonstance que la convention du 27 octobre 1982 n'ayant pas été transmise à la sous-préfecture de Meaux, aurait été privée de caractère exécutoire vis-à-vis de la commune de Torcy, il résulte des pièces du dossier qu'elle aurait pris la même décision, si elle n'avait retenu que le motif tiré de l'incompétence du signataire de la convention ; que, dans ces conditions, la chambre régionale des comptes, n'a pas entaché sa décision d'illégalité en rejetant la demande de la SOCIETE ANONYME DE CREDIT A L'INDUSTRIE FRANCAISE (CALIF) tendant à l'inscription d'office au budget communal comme dépense obligatoire, d'une dette non exigible ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ANONYME DE CREDIT A L'INDUSTRIE FRANCAISE (CALIF) n'est pas fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 novembre 1984 de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France ;
Article 1er : Le jugement en date du 6 décembre 1985 est annulé en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Versailles s'est reconnu compétent pour examiner les conclusions de la demande de la société CALIF enregistrées sous le n° 85-9109.
Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE ANONYME DE CREDIT A L'INDUSTRIE FRANCAISE (CALIF) devant le tribunal administratif de Versailles, tendant à la condamnation de la commune de Torcy, est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ANONYME DE CREDIT A L'INDUSTRIE FRANCAISE (CALIF) est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME DE CREDIT A L'INDUSTRIE FRANCAISE (CALIF), à la commune de Torcy, à la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France et au ministre de l'intérieur.