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08/12/1989 | FRANCE | N°68586

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 08 décembre 1989, 68586


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 13 mai 1985 et 6 septembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme FAIENCERIES ET EMAUX DE LONGWY et M. X..., dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences de son président-directeur général et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 21 mars 1985 par lequel le tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à lui payer une somme de 79 688 F majorée des intérêts de droit à compter du 26 octobre 1983 ;
2°) por

te le montant de cette indemnité, à la somme de 8 128 000 F ;
Vu les autre...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 13 mai 1985 et 6 septembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme FAIENCERIES ET EMAUX DE LONGWY et M. X..., dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences de son président-directeur général et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 21 mars 1985 par lequel le tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à lui payer une somme de 79 688 F majorée des intérêts de droit à compter du 26 octobre 1983 ;
2°) porte le montant de cette indemnité, à la somme de 8 128 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Damien, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la société anonyme FAIENCERIES ET EMAUX DE LONGWY, et de M. X...

- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que si la société anonyme FAIENCERIES ET EMAUX DE LONGWY a obtenu une ordonnance du Président du tribunal de Grande Instance de Briey en date du 22 janvier 1982 ordonnant l'expulsion de ses locaux du personnel gréviste ainsi que de tout étranger à l'entreprise après l'expiration d'un délai de 48 heures à dater de la signification de cette ordonnance, il est constant que le 12 février 1982 puis le 17 février 1982, dates auxquelles la société a demandé le concours de la force publique pour assurer l'exécution de cette ordonnance, celle-ci n'avait pas été signifiée aux occupants ; qu'elle n'a été signifiée que le 23 février 1982 ; qu'il appartenait aux propriétaires de renouveler leur demande auprès de l'autorité de police, lorsque l'ordonnance d'expulsion est devenue exécutoire du fait de sa signification ; que cette demande n'a été présentée par M. Y..., syndic de l'entreprise désigné à ces fonctions par le tribunal de commerce de Briey, que le 5 mars 1982 par une lettre adressée au sous-préfet de Briey ;
Considérant que l'usine ayant été évacuée le 8 avril, l'occupation irrégulière s'est poursuivie pendant une durée de 1 mois et 3 jours après que l'autorité de police eût été valablement saisie ; que tout justiciable nanti d'une décision judiciaire exécutoire est en droit de compter sur l'appui de la force publique pour en assurer l'exécution ; que si l'autorité administrative a le devoir d'apprécier les conditions d'octroi du concours de la force publique et a la possibilité de refuser son concours quand elle estime qu'il y a un danger pour l'ordre et la sécurité, le préjudice qui peut résulter de ce refus pour le demandeur, ne saurait être regardé comme une charge incombant à l'intéressé si la situation s'est prolongée au-delà du délai normal dont l'administration dispose compte tenu des circonstances de la cause pour exercer son action ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, le délai au delà duquel la carence de l'administration engage la responsabilité de l'Etat expirait le 20 mars 1982 ; que la société requérante est donc fondée à demander une indemnité en réparation du préjudice résultant pour elle de l'occupation illicite de l'usine du 20 mars au 8 avril 1982 ;
Considérant que, s'agissant des salaires et des charges sociales, supportés au profit des personnels empêchés de pénétrer dans l'usine, il y a lieu, compte tenu des pièces justificatives produites par la requérante, de fixer cette indemnité à la somme de 72 972 F ;
Considérant que, compte tenu des difficultés économiques graves rencontrées par l'entreprise qui l'avaient déjà amenée à prononcer des licenciements économiques autorisés par l'autorité administrative, il n'est pas établi que le licenciement du personnel avec indemnité ait eu pour cause le refus de concours de la force publique pendant la période retenue à la charge de l'administration, alors surtout que l'occupation de l'usine s'était produite le 16 décembre 1981 ; qu'ainsi la société requérante ne saurait obtenir le remboursement par l'Etat des indemnités de licenciement qu'elle a versées à son personnel ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les vols de matériel dont se plaint la société requérante se soient produits pendant la période ouvrant droit à indemnité et que le préjudice commercial résultant de la désaffection de la clientèle soit imputable à la prolongation de l'occupation de l'usine pendant la même période ; qu'en ce qui concerne les dépenses de gestion, les dépenses de consommation d'eau, d'électricité, de téléphone, la société ne précise pas le décompte, période par période, des sommes réclamées et ne met pas le juge à même de calculer l'indemnité qui pourrait lui être due pour la période écoulée du 20 mars au 8 avril 1982 ; que, s'agissant des charges financières, les intérêts complémentaires des emprunts et les sommes afférentes à la taxe professionnelle et l'assurance, qui constituent des frais fixes à la charge de l'entreprise, que celle-ci fonctionne ou non, ne sauraient être indemnisés, s'agissant d'une période de non fonctionnement de 18 jours ; qu'en revanche la location d'un local parisien nécessaire à l'activité de l'entreprise pour permettre de gérer ce qui restait du patrimoine, doit être mise à la charge de l'Etat pendant la durée de l'occupation des lieux donnant droit à indemnisation ; que compte tenu des éléments du dossier, il y a lieu de fixer cette indemnité à 4 539,47 F ;

Considérant qu'il n'est pas établi que les remboursements de la société requérante à la Compagnie d'Assurances pour le Commerce Extérieur, à la suite de l'annulation, par l'effet du règlement judiciaire, des contrats "d'assurance-foire" contractés avec cette Compagnie, soient imputables à la carence de l'administration, le fait générateur du remboursement étant lié à la mise en règlement judiciaire de l'entreprise provoquée par des difficultés financières antérieures à l'occupation de l'usine par les grévistes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice indemnisable doit être évalué à la somme de 77 511,47 F ; que la société anonyme FAIENCERIES ET EMAUX DE LONGWY n'est, dès lors, pas fondée à demander que l'indemnité, d'un montant de 79 688 F qui lui a été allouée par le tribunal administratif de Nancy, soit majorée ; qu'en revanche, le ministre de l'intérieur et de la décentralisation est fondé à demander, par la voie de l'appel incident, que le montant de cette indemnité soit ramené à 77 511,47 F ;
Considérant que, conformément aux conclusions de la demande, le tribunal administratif a fixé le point de départ des intérêts au 26 octobre 1983 ; que le jugement n'est pas contesté sur ce point ; que la société requérante ne saurait demander la capitalisation automatique des intérêts par année échue ; qu'elle n'est fondée à demander cette capitalisation qu'à la date où elle en fait la demande et à condition qu'une année d'intérêts soit alors due ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 13 mai 1985 ; qu'à cette date il était dû une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : La somme, que l'Etat a été condamné à verserà la société anonyme FAIENCERIES ET EMAUX DE LONGWY par le jugement du tribunal administratif du 21 mars 1985, est ramenée à 77 511,47 F.Les intérêts échus le 13 mai 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme FAIENCERIES ET EMAUX DE LONGWY et le surplus des conclusions du recours incident du ministre de l'intérieur sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme FAIENCERIES ET EMAUX DE LONGWY, à M. X... et au ministre del'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 68586
Date de la décision : 08/12/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - EXECUTION DES JUGEMENTS - CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - ABSTENTION DES FORCES DE POLICE.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 1989, n° 68586
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Damien
Rapporteur public ?: Fornacciari

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:68586.19891208
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