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08/12/1989 | FRANCE | N°80341

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 08 décembre 1989, 80341


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 juillet 1986 et 17 novembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Madeleine X... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 25 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier intercommunal de Longjumeau à réparer divers préjudices qu'elle avait subis au cours de son hospitalisation en 1978 dans cet établissement public hospitalier,
2° condamne le Centre hospitalier inter

communal de Longjumeau à lui verser une indemnité de 641 338 F, avec ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 juillet 1986 et 17 novembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Madeleine X... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 25 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier intercommunal de Longjumeau à réparer divers préjudices qu'elle avait subis au cours de son hospitalisation en 1978 dans cet établissement public hospitalier,
2° condamne le Centre hospitalier intercommunal de Longjumeau à lui verser une indemnité de 641 338 F, avec les intérêts de droit et à ce que les intérêts échus soient capitalisés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 modifiée par la loi n° 68-2 du 2 janvier 1968 ;
Vu l'arrêté du 6 janvier 1962 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Damien, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Hennuyer, avocat de Mme Madeleine X..., de Me Gauzès, avocat de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (C.N.R.A.C.L.) et de Me Cossa, avocat du centre hospitalier intercommunal de Longjumeau,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Sur le principe de la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'atteinte neurogène périphérique sévère du plexus brachial gauche dont Mme X... reste atteinte, est imputable à un hématome sus-claviculaire compressif qui s'est formé à la suite de l'échec des quatres tentatives de ponction auxquelles le personnel hospitalier chargé de l'anesthésie, a dû recourir avant de parvenir à réaliser l'anesthésie loco-régionale préalable à la réduction chirurgicale de la fracture de l'extrémité inférieure du radius gauche dont Mme X... venait d'être victime ; que les troubles graves provoqués par les conditions dans lesquelles a été opérée cette anesthésie, dont l'exécution n'était pas réservée par l'arrêté ministériel du 6 janvier 1962 alors en vigueur, à un médecin ou à des auxiliaires médicaux qualifiés agissant sous la responsabilité et la surveillance directe d'un médecin, révèlent une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service, qui engage la responsabilité du Centre hospitalier intercommunal de Longjumeau ; que Mme X... est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier soit condamné à réparer le préjudice qu'elle a subi ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'à la suite de l'accident dont a été victime Mme X... alors âgée de 28 ans, celle-ci reste atteinte d'une amyotrophie importante de tout le membre supérieur gauche et de la ceinture scapulaire, entraînant un déficit grave de la motricité ; que l'expert évalue à 45 % le taux d'incapacité permanente qui en résulte ; que le retentissement de cette invalidité est considérable tant sur le plan personnel que familial et que la victime n'a pu reprendre l'exercice de son métier d'infirmière et a dû renoncer à toute pratique d'un sport ;

Considérant qu'il sera fait une juste évaluation des troubles de toute nature subis par Mme X... dans ses conditions d'existence, y compris le préjudice d'agrément, en allouant à ce titre une indemnité de 300 000 F ; qu'il y a lieu d'accorder, en réparation de la douleur physique qualifiée de très importante par l'expert, une indemnité de 100 000 F et en réparation du préjudice esthétique, qualifié d'assez important, une indemnité de 50 000 F ;
Considérant que, si Mme X... n'a pas demandé une indemnité en réparation des pertes de revenus qu'elle a subies, celles-ci étant compensées par le versement par la caisse nationale de retraite des agents de collectivités locales d'une pension de retraite anticipée, il y a lieu, pour évaluer le préjudice global résultant de l'accident, d'ajouter aux sommes susmentionnées ladite pension de retraite qui sera versée par la caisse nationale de retraite des agents de collectivités locales jusqu'au 16 mai 2015, date à laquelle Mme X... atteindra la limite d'âge de son grade et dont le capital constitutif s'élève à la somme non contestée de 900 334,93 F ; qu'ainsi le préjudice total causé par la faute du service hospitalier s'élève à la somme de 1 350 334,93 F ;
Sur les droits de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales :
Considérant que le montant de l'indemnité sur laquelle peut s'exercer la créance de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales étant supérieur à cette créance, cette caisse a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'elle a subi ; que cette caisse a droit, dès lors, au remboursement de la somme de 900 334,93 F représentant le capital constitutif de la rente par elle versée à Mme X... ;
Sur les droits de Mme X... :

Considérant qu'après déduction des droits de la caisse nationale, la somme disponible pour dédommager Mme X... s'élève à 450 000 F ; que cette somme doit porter intérêts au taux légal à compter de la date de réception par le Centre hospitalier intercommunal de Longjumeau de la demande d'indemnité présentée par la victime le 9 mai 1979 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 16 juillet 1986 et 28 juin 1988 ; qu'a chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais de l'expertise, ordonnée par les premiers juges, doivent être mis à la charge du centre hospitalier intercommunal de Longjumeau ;
Article 1er : Le jugement du 25 octobre 1985 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : Le Centre hospitalier intercommunal de Longjumeau est condamné à verser à Mme X... la somme de 450 000 F, avec intérêt au taux légal à compter du 9 mai 1979. Les intérêts échus les 16 juillet 1986 et 28 juin 1988 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le Centre hospitalier intercommunal de Longjumeau est condamné à verser à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales la somme de 900 334,93 F.
Article 4 : Les frais de l'expertise sont mis à la charge du centre hospitalier intercommunal de Longjumeau.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête à Mme X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, au Centre hospitalier intercommunal de Longjumeau et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 80341
Date de la décision : 08/12/1989
Sens de l'arrêt : Annulation indemnité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE -Conditions dans lesquelles est opérée une anesthésie loco-régionale par du personnel para-médical.

60-02-01-01-01-01 Grave invalidité dont le malade reste atteint, imputable à un hématome susclaviculaire compressif qui s'est formé à la suite de l'échec des quatre tentatives de ponction auxquelles le personnel hospitalier chargé de l'anesthésie a dû recourir avant de parvenir à réaliser l'anesthésie loco-régionale préalable à la réduction chirurgicale d'une fracture. Ces troubles graves qui ont été provoqués par les conditions dans lesquelles a été opérée cette anesthésie, dont l'exécution n'était pas réservée par l'arrêté ministériel du 6 janvier 1962 alors en vigueur, à un médecin ou à des auxiliaires médicaux qualifiés agissant sous la responsabilité et la surveillance directe d'un médecin, révèlent une faute dans l'organisation ou le fonctionement du service, qui engage la responsabilité du centre hospitalier.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 1989, n° 80341
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Damien
Rapporteur public ?: M. Fornacciari
Avocat(s) : Mes Hennuyer, Gauzès, Cossa, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:80341.19891208
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