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13/12/1989 | FRANCE | N°63599

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 13 décembre 1989, 63599


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 25 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 7 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. H. Y... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti au titre des années 1972 et 1973,
2°) remette intégralement l'acte d'imposition contesté à la charge de M. Y...,
Vu les autres pièces du

dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux admi...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 25 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 7 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. H. Y... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti au titre des années 1972 et 1973,
2°) remette intégralement l'acte d'imposition contesté à la charge de M. Y...,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Falque-Pierrotin, Maître des requêtes,
- les observations de SCP Vier, Barthélemy, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats de la société à responsabilité limitée Vidal et compagnie, qui exploite une entreprise de négoce de matériaux, d'une part, au titre des années 1972 et 1973, des sommes correspondant à des achats regardés comme fictifs, d'autre part, au titre de l'année 1973, des sommes correspondant à des ventes occultes ; qu'après avoir mis en euvre la procédure prévue par les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, l'administration a regardé M. Y..., gérant de la société Vidal et compagnie, comme étant le bénéficiaire des revenus réputés distribués par cette société, et l'a assujetti à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de ces deux années et de majoration exceptionnelle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1973 ;
Considérant que la décision prise par la juridiction administrative dans un litige relatif à l'imposition d'une société à l'impôt sur les sociétés est, par elle-même, sans influence sur l'imposition du dirigeant ou de l'associé de cette société à l'impôt sur le revenu, alors même qu'il s'agirait d'un excédent de distribution révélé par un redressement des bases de l'impôt sur les sociétés que l'administration entend imposer à l'impôt sur le revenu entre les mains du bénéficiaire ; qu'il suit de là que M. Y... ne pouvait utilement se prévaloir, sur le terrain de la loi fiscale, d'une irrégularité de la procédure d'établissement des suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à la société à responsabilité limitée Vidal et compagnie, pour obtenir décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti ;

Considérant que les 12 et 13 du paragraphe 13-L-1311 de la documentation administrative de base éditée par la direction générale des impôts, comme la réponse ministérielle du 6 juillet 1962 à une question de M. X..., sénateur, disposent que les rappels d'impôts ou redressements des bases d'imposition assignés aux dirigeants doivent être "annulés" par voie de conséquence de "l'annulation des conclusions d'une vérification" de la société ; qu'ils ont donc trait aux conséquences de l'irrégularité d'une procédure d'imposition et ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale dont M. Y... pût se prévaloir, de manière pertinente, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif s'est à tort fondé, pour décharger M. Y... des impositions contestées, sur la constatation, confirmée par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux, rendue le 10 juillet 1989, que les suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société à responsabilité limitée Vidal et compagnie avaient été établis à la suite d'une vérification de comptabilité irrégulière ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif ;

Considérant que, sous la signature de M. Y..., son gérant, la société à responsabilité limitée Vidal et compagnie, en réponse à la demande que l'administration lui avait adressée, en application des dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts, a désigné ledit gérant comme bénéficiaire des excédents de distribution allégués ; que, dès lors, M. Y... doit être regardé comme ayant appréhendé les revenus réputés distribués, à défaut de preuve contraire apportée par lui devant le juge de l'impôt ; qu'en revanche, il appartient à l'administration de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bases de l'impôt sur les sociétés assigné à la société à responsabilité limitée Vidal et compagnie, qui sont à l'origine de cette distribution, dès lors que M. Y... a refusé, dans le délai légal, d'accepter les redressements qui lui ont été notifiés ;
Considérant que l'administration établit, en faisant état, notamment, des comptabilités occultes saisies dans les locaux de la société Transmétal, d'une part, que cette société a établi, en 1972, des factures au nom de la société à responsabilité limitée Vidal et compagnie, sans que la réalité des ventes correspondantes ait été justifiée, d'autre part, que la société à responsabilité limitée Vidal et compagnie a livré, en 1972, à la société Transmétal des matériaux récupérés, sans établir de factures, ni porter le montant de ces ventes dans sa comptabilité officielle ; que l'administration démontre aussi que les redressements qu'elle a apportés, à juste titre, aux résultats imposables de la société à responsabilité limitée Vidal et compagnie, au titre de l'année 1972, ne sont pas supérieurs aux montants des factures de complaisance et des ventes occultes ci-dessus mentionnées ; qu'ainsi l'administration apporte la preuve de l'existence et du montant des revenus réputés distribués à M. Y... en 1972 ;

Considérant, en revanche, que l'administration ne démontre pas que les factures délivrées en 1973 à la société Vidal par la société de récupération métallurgique de Romainville, seraient des factures de complaisance ; que, dès lors, elle ne justifie pas le bien-fondé des redressements effectués sur les revenus de M. Y... de 1973 au titre des relations commerciales entre lesdites sociétés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rétablissement de M. Y... aux rôles de l'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui avaient été assignés au titre de l'année 1972 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juin 1984 est annulé en tant qu'il concerne les revenus présumés distribués à M. Y... au titre de l'année 1972.
Article 2 : Le supplément d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auquel M. Y... avait été assujetti, au titre de l'année 1972, est remis intégralement à sa charge.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUES - NOTION DE REVENUS DISTRIBUES - IMPOSITION PERSONNELLE DU BENEFICIAIRE -Lien entre l'imposition personnelle de la personne morale distributrice et l'imposition personnelle du bénéficiaire - Indépendance des procédures d'imposition - Conséquence de l'annulation des conclusions d'une vérification de la société - Documentation de base 13-L-1311 et réponse Lafay, Sénateur, du 6 juillet 1962 (1).

19-04-02-03-01-01-02 L'administration a réintégré dans les résultats de la société, d'une part, au titre des années 1972 et 1973, des sommes correspondant à des achats regardés comme fictifs, d'autre part, au titre de l'année 1973, des sommes correspondant à des ventes occultes. Après avoir mis en oeuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article 117 du C.G.I., l'administration a regardé M. L., gérant de la société, comme étant le bénéficiaire des revenus réputés distribués par cette société, et l'a assujetti à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de ces deux années et de majoration exceptionnelle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1973. La décision prise par la juridiction administrative dans un litige relatif à l'imposition d'une société à l'impôt sur les sociétés est, par elle-même, sans influence sur l'imposition du dirigeant ou de l'associé de cette société à l'impôt sur le revenu, alors même qu'il s'agirait d'un excédent de distribution révélé par un redressement des bases de l'impôt sur les sociétés que l'administration entend imposer à l'impôt sur le revenu entre les mains du bénéficiaire. Il suit de là que M. L. ne pouvait utilement se prévaloir, sur le terrain de la loi fiscale, d'une irrégularité de la procédure d'établissement des suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à la société pour obtenir décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti. Les 12 et 13 du paragraphe 13-L-1311 de la documentation administrative de base éditée par la direction générale des impôts, comme la réponse ministérielle du 6 juillet 1962 à une question de M. Lafay, sénateur, disposent que les rappels d'impôts ou redressements des bases d'imposition assignés aux dirigeants doivent être "annulés" par voie de conséquence de "l'annulation des conclusions d'une vérification" de la société. Ils ont donc trait aux conséquences de l'irrégularité d'une procédure d'imposition et ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale dont M. L. pût se prévaloir, de manière pertinente, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du C.G.I., repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales.


Références :

CGI 117, 1649 quinquies E
CGI livre des procédures fiscales L80 A

1.

Rappr. Plénière, 1988-07-27, Machetto, p. 301, où la réponse Lafay est écartée par un motif différent


Publications
Proposition de citation: CE, 13 déc. 1989, n° 63599
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: Mme FalquePierrotin
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Formation : 9 / 7 ssr
Date de la décision : 13/12/1989
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 63599
Numéro NOR : CETATEXT000007627819 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1989-12-13;63599 ?
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