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22/12/1989 | FRANCE | N°56905

France | France, Conseil d'État, Pleniere, 22 décembre 1989, 56905


Vu le recours du ministre du budget enregistré le 10 février 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 12 octobre 1983 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a accordé à M. X... une réduction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels a été assujetti au titre des années 1977 et 1978,
2°) décide que M. X... sera rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1977 et 1978 à raison de l'intégralité des droits qui lui avaient été assignés ;
Vu les autres pi

èces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux admi...

Vu le recours du ministre du budget enregistré le 10 février 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 12 octobre 1983 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a accordé à M. X... une réduction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels a été assujetti au titre des années 1977 et 1978,
2°) décide que M. X... sera rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1977 et 1978 à raison de l'intégralité des droits qui lui avaient été assignés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Medvedowsky, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne la déductibilité des frais de double résidence :
Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts relatif aux revenus entrant dans la catégorie des traitements et salaires : "le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés ... 3°) les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales ... la déduction à effectuer du chef des frais est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut. Elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu ... Les intéressés sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels ..." ; que dans le cas d'un foyer, les dépenses exposées par celui des époux qui doit pour des raisons professionnelles résider dans un lieu distinct de celui où réside sa famille, ont un caractère professionnel et sont, par suite, déductibles dès lors que la double résidence ne résulte pas d'un choix motivé par des convenances personnelles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., directeur du bureau de Niort du centre d'études et de formation industrielle (CEFI), a dû accepter, à la suite de la suppression de cet emploi, la fonction de secrétaire général de cet organisme dont le siège était à Boulogne-Billancourt ; que compte tenu des circonstances économiques propres à cette entreprise, ce nouvel emploi présentait dès l'origine un caractère précaire ; que ce changement dans le courant de l'année 1976 l'a conduit à s'installer à Boulogne-Billancourt dans une chambre meublée alors que sa famille continuait à résider à Niort, ville dans laquelle il possédait une maison et non loin de laquelle son épouse exerçait une activité à temps partiel de conseillère conjugale ; que d'ailleurs en juin 1980, le CEFI a été mis en règlement judiciaire par un jugement du tribunal de grande istance de Nanterre et en juillet 1980, M. X... a été licencié pour motifs économiques ; que dans les circonstances de l'espèce, le maintien, pendant la période considérée, par M. et Mme X... d'une double résidence peut être regardé, non comme imputable à un choix dicté par des convenances personnelles mais comme nécessité par l'exercice en des lieux distincts par chacun des conjoints du ménage d'une activité professionnelle dont l'une paraissait, à juste titre, menacée ; qu'ainsi, les frais de double résidence exposés par M. X... en 1977 et 1978 et qui ne sont pas contestés, sont déductibles dans les conditions prévues par l'article 83-3°) du code général des impôts ;
En ce qui concerne la déduction des intérêts d'emprunt :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : "1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut ... sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu" ; que l'article 156 du même code autorise sous certaines conditions que soit déduit du revenu global d'un contribuable le "déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus" et autorise le report sur le revenu global des années suivantes de l'excédent éventuel de ce déficit sur le revenu global de l'année ; qu'enfin, aux termes de l'article 83 du même code qui concerne l'imposition de revenus dans la catégorie des traitements et salaires : "le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés ... 3°) les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a assuré de 1970 à 1973 les fonctions de président du directoire de la société coopérative pour la promotion du transport individuel public, Procotip ; que pour obtenir les capitaux nécessaires à l'exploitation et au développement de cette entreprise qui venait de se créer, il s'est porté caution des engagements de cette entreprise envers la banque de celle-ci ; que la société Procotip a été mise en règlement judiciaire pour insuffisance d'actif et que la banque a alors appelé la caution que lui avait consentie M. X... ; que celui-ci a déduit de son revenu global des années 1977 et 1978 les intérêts de l'emprunt qu'il avait alors été obligé de contracter pour remplir son obligation ;

Considérant que l'engagement souscrit par M. X..., en se portant caution de la société Procotip se rattachait directement à sa qualité de président du directoire de cette société et avait été pris en considération de l'intérêt de cette société ; que si, à l'époque de la souscription, M. X... ne percevait pas encore de salaire de ladite société, cet engagement n'excédait pas trois fois le montant annuel des salaires que devaient lui assurer les fonctions qu'il prévoyait d'occuper à court terme au sein de la société et n'était donc pas hors de proportion avec ces salaires ; que, dans ces circonstances, la dépense dont s'agit a bien été effectuée par M. X... en vue de l'acquisition d'un revenu au sens de l'article précité du code général des impôts ; que, dès lors, cette dépense était déductible du revenu global de celui-ci sans que fasse obstacle à cette déductibilité la circonstance que M. X... n'a en fait perçu aucune rémunération de la société Procotip ;
Considérant, que M. X... a seulement demandé que fussent déduits de son revenu global les intérêts de l'emprunt qu'il avait contracté pour s'acquitter de son obligation et a limité sa réclamation à ces montants ; que rien ne s'oppose à ce que ces intérêts afférents à un emprunt souscrit pour faire face à des frais nécessités directement par la profession du contribuable, soient admis en déduction du montant des traitements et salaires perçus par M. X... au cours des années pendant lesquelles il les a supportés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a accordé à M. X... une réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt, sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1977 et 1978 dans les rôles de la commune de Niort ;
Article 1er : Le recours du ministre du budget est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 56905
Date de la décision : 22/12/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - Sommes versées en exécution d'un engagement de caution - Déduction des dépenses exposées en conséquence d'un engagement de caution accordé par un dirigeant - Déduction des intérêts afférents à un emprunt souscrit pour faire face à ces frais.

19-04-01-02-03, 19-04-02-07-02 M. B. a assuré les fonctions de président du directoire de la société P.. Pour obtenir les capitaux nécessaires à l'exploitation et au développement de cette entreprise qui venait de se créer, il s'est porté caution des engagements de cette entreprise envers la banque de celle-ci. La société P. a été mise en règlement judiciaire pour insuffisance d'actif et la banque a alors appelé la caution que lui avait consentie M. B.. Celui-ci a déduit de son revenu global les intérêts de l'emprunt qu'il avait été obligé de contracter pour remplir son obligation. L'engagement souscrit par M. B., en se portant caution de la société P., se rattachait directement à sa qualité de président du directoire de cette société et avait été pris en considération de l'intérêt de cette société. Si, à l'époque de la souscription, M. B. ne percevait pas encore de salaire de ladite société, cet engagement n'excédait pas trois fois le montant annuel des salaires que devaient lui assurer les fonctions qu'il prévoyait d'occuper à court terme au sein de la société et n'était donc pas hors de proportion avec ces salaires. Dans ces circonstances, la dépense dont s'agit a bien été effectuée en vue de l'acquisition d'un revenu au sens de l'article 13 du C.G.I.. Dès lors, cette dépense était déductible du revenu global de celui-ci sans que fasse obstacle à cette déductibilité la circonstance que M. B. n'a en fait perçu aucune rémunération de la société P.. Rien ne s'oppose à ce que les intérêts afférents à un emprunt souscrit pour faire face à des frais nécessités directement par la profession du contribuable soient admis en déduction du montant des traitements et salaires.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - TRAITEMENTS - SALAIRES ET RENTES VIAGERES - DEDUCTIONS POUR FRAIS PROFESSIONNELS - Frais réels - Engagement de caution accordé par un dirigeant salarié - Intérêts afférents à un emprunt souscrit pour faire face aux dépenses exposées en conséquence d'un engagement de caution - Déductibilité.


Références :

CGI 83, 13, 156


Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 1989, n° 56905
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Medvedowsky
Rapporteur public ?: M. Racine

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:56905.19891222
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