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12/01/1990 | FRANCE | N°57755

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 12 janvier 1990, 57755


Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 19 mars 1984 et 19 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Y..., Mme Daniele X..., M. Jean-Jacques X..., Mme Anita X..., M. Thierry X..., agissant en qualité d'héritiers de M. Marcel X... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 18 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. Marcel X... avait été assujetti au titre de l'a

nnée 1980 dans les rôles de la commune de Brest ;
2°) leur accorde...

Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 19 mars 1984 et 19 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Y..., Mme Daniele X..., M. Jean-Jacques X..., Mme Anita X..., M. Thierry X..., agissant en qualité d'héritiers de M. Marcel X... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 18 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. Marcel X... avait été assujetti au titre de l'année 1980 dans les rôles de la commune de Brest ;
2°) leur accorde la décharge desdites cotisations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Challan-Belval, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Vier, Barthélémy, avocat de Mme Y... et autres, agissant en qualité d'héritiers de M. Marcel X...,
- les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;

Sur le bien- fondé de l'imposition :
Considérant qu'à la suite de la cession en 1974 par M. X... à la société anonyme Agrippine France dont il était le président directeur général, de brevets d'invention concernant un dispositif de pose de tentures murales, pour un prix forfaitaire de 2 800 000 F payable en 5 versements égaux de 560 000 F, le premier à la signature du contrat et les 4 autres les 31 décembre 1974, 1975, 1976 et 1977, l'administration a estimé que la valeur de ces brevets lors de leur acquisition par la société n'excédait pas 850 000 F et que par suite le règlement du prix de cession fait par la société à son président, dans la mesure où il avait excédé le prix normal de 850 000 F, avait le caractère d'une distribution de bénéfices sociaux ; qu'elle a en conséquence assujetti M. X... à raison de la somme de 1 950 000 F à une imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre de l'année 1974 ;
Considérant que ces redressements correspondant ayant été refusés par le contribuable, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du caractère excessif du prix de cession versé par la société ;
Considérant que la valeur d'un brevet lors de son acquisition, qui dépend des profits que l'acquéreur du brevet peut escompter de l'exploitation de celui-ci, ne peut être déterminée rétrospectivement en se fondant, comme l'a fait l'administration, sur l'évolution du chiffre d'affaires réalisé par l'acquéreur ; qu'elle doit être appréciée en fonction des perspectives de profits que, à la date d'acquisition, ce dernier pouvait raisonnablement espérer réaliser ;

Considérant, d'une part, qu'eu égard aux circonstances dans lesquelles la société requérante a acquis les brevets dont M. X... était détenteur, ainsi qu'au rôle joué par ce dernier à la tête de la société, l'administration établit que le prix stipulé pour la cession des brevets ne peut être regardé comme le résultat d'une véritable négociation ;
Considérant, d'autre part, que si les requérants se réfèrent à un rapport d'expertise réalisé à la demande de la société Aggrippine France par un cabinet spécialisé, et qui prend en compte différents paramètres tels que l'évolution du marché, la part de celui-ci susceptible d'être gagnée par la société, la durée de protection du brevet et le taux de redevance revenant normalement à l'inventeur, cette expertise, non contradictoire, est contestée sur divers points par l'administration qui critique notamment le pourcentage de 1 % du marché du tissu mural susceptible d'être capté par le procédé objet du brevet d'invention en cause et qui fait valoir à juste titre que l'étude de marché sur laquelle s'est fondée la société pour fixer le montant du prix de cession de l'invention en cause était insuffisante ;
Considérant que si l'administration, compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, rapporte la preuve du caractère excessif du prix de 2 800 000 F convenu entre les parties, elle n'établit pas qu'il y ait lieu de le ramener à 850 000 F ; que dans les circonstances de l'espèce le prix normal de cette cession devait être évalué à 1 800 000 F ; que, dès lors, seules les sommes versées en excèdent de ce prix, et s'élevant à 1 million de francs, doivent être regardées comme une distribution de bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu au nom de l'inventeur et dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions précitées de l'article 109 du code général des impôts ;
Sur l'année d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 au code général des impôts, "l'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année" et qu'aux termes du 3 de l'article 158 du même code" : "Les revenus de capitaux de mobiliers ... lorsqu'ils sont payables en espèces ... sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année soit de leur paiement en espèces ou par chèques, soit de leur inscription au crédit d'un compte" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant global du prix des droits cédés a été inscrit en 1974 au crédit d'un compte courant ouvert au nom de M. X... dans la société ayant acquis les brevets ; qu'eu égard au fait qu'il était président-directeur général de la société, M. X... ne pouvait ignorer cette inscription ; qu'ainsi les sommes inscrites à son compte courant doivent être regardées comme ayant été mises à sa disposition dès celle-ci ; que si les requérants soutiennent que les sommes inscrites à ce compte courant n'étaient pas en réalité disponibles du fait du paiement échelonné en 5 versements et de l'inscription d'une partie des sommes à un compte de dette à plus d'un an, il résulte de l'instruction que ces modifications à l'accord initial ne sont intervenues qu'au cours de l'année 1975 ; que les requérants n'établissent pas qu'à la date d'inscription des sommes litigieuses en compte courant, l'état de la trésorerie de la société aurait empêché M. X... de disposer des sommes inscrites à ce compte et qu'il n'aurait pu en droit ou en fait disposer de sa créance ; que par suite en application des dispositions précitées des articles 12 et 158-3 du code général des impôts, la fraction imposable de ladite somme doit être soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1974 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... et autres sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que pour la partie du prix de cession du brevet comprise entre 850 000 et 1 800 000 F, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande et à demander dans cette mesure la réformation du jugement attaqué ;
Article 1er : L'impôt sur le revenu au titre de l'année 1974 de M. X... sera calculé en tenant compte d'un prix de cession des brevets d'invention vendus à la société Aggrippine France de 1 800 000 F au lieu de 850 000 F.
Article 2 : Mme Y... et autres sont déchargés de la différence entre le montant de l'impôt sur le revenu auquel a été assujetti M. X... au titre de 1974 et celui résultant de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 18 janvier 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y..., de M. Daniel X..., de M. Jean-Jacques X..., Mme Anita X..., M. Thierry X..., agissant en qualité d'héritiers de M. Marcel X..., est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Y..., à M. Daniel X..., à M. Jean-Jacques X..., à Mme Anita X..., à M. Thierry X..., agissant en qualité d'héritiers de M. Marcel X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 57755
Date de la décision : 12/01/1990
Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

CGI 109, 12, 158 3


Publications
Proposition de citation : CE, 12 jan. 1990, n° 57755
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Challan-Belval
Rapporteur public ?: Racine

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:57755.19900112
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