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19/01/1990 | FRANCE | N°80839

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 19 janvier 1990, 80839


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er août 1986 et 28 novembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Colette X..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 7 mai 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 17 mai 1984, par laquelle le directeur départemental du travail et de l'emploi de Paris a rejeté le recours gracieux qu'elle avait présenté le 1er mars 1984 contre la décision du 18 novembre 1983 l'excluant

du bénéfice du revenu de remplacement à compter du 1er août 1983, ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er août 1986 et 28 novembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Colette X..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 7 mai 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 17 mai 1984, par laquelle le directeur départemental du travail et de l'emploi de Paris a rejeté le recours gracieux qu'elle avait présenté le 1er mars 1984 contre la décision du 18 novembre 1983 l'excluant du bénéfice du revenu de remplacement à compter du 1er août 1983, et disposant qu'elle serait soumise au reversement des allocations indûment perçues depuis le 1er mars 1982 ;
2°) annule pour excès de pouvoir la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi en date du 17 mai 1984 ;
3°) rétablisse Mme X... dans ses droits au revenu de remplacement à compter du 1er août 1983 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dutreil, Auditeur,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en indiquant, dans les motifs du jugement attaqué, que : "le contrôle de l'application des dispositions des articles R.351-1 et R.351-4 du code du travail a bien été mené par les services du travail et de l'emploi", le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré par Mme X... d'un détournement de procédure ; qu'en affirmant que "Mme X... ne peut être regardée pendant toute la période où elle a perçu des allocations comme étant à la recherche d'un emploi au sens des dispositions de l'article L.351-1 du code du travail", le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait lui réclamer le remboursement des allocations que depuis le mois de septembre 1982 et non depuis le 1er mars 1982 ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que, par décision du 17 mai 1984 rejetant le recours gracieux formé par l'intéressée, le directeur départemental du travail et de l'emploi de Paris a confirmé sa décision du 18 novembre 1983 par laquelle il avait, d'une part, exclu Mme X... du bénéfice du revenu de remplacement à compter du 1er août 1983, et, d'autre part, déterminé l'étendue de la période pendant laquelle le revenu de remplacement avait été indûment perçu ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions invoquées par Mme X..., de l'article R.351-33 du code du travail dans sa rédaction issue du décret du 22 novembre 1984, selon lesquelles la décision d'exclusion définitive du bénéfice du revenu de remplacement est prise par le commissaire de la République, n'étaient pas en vigueur à la date de la décision attaquée ; qu'à cette date, en vertu de l'article R.351-9 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret du 1er octobre 1979, le directeur départemental du travail et de l'emploi était compétent pour prononcer l'exclusion du bénéfice du revenu de remplacement ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.351-21 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "les opérations de contrôle de la recherche d'emploi prévue aux articles L.351-1 et L.351-7 sont effectuées par des agents publics placés sous l'autorité du ministre chargé du travail. Pour l'exercice de leur mission, ces agents ont accès aux renseignements détenus par les administrations sociales et fiscales" ; que ces dispositions permettaient aux services de la direction départementale du travail et de l'emploi de Paris d'utiliser les résultats d'un contrôle effectué le 23 septembre 1983 par des agents de la direction nationale d'enquête fiscale et concernant Mme X... ; qu'en agissant ainsi, lesdits services qui, contrairement à ce que soutient la requérante, ont effectivement procédé au contrôle de sa situation au regard du droit au revenu de remplacement, n'ont pas entaché d'irrégularité la procédure suivie ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.351-7 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, le droit au revenu de remplacement institué par l'article L.351-1 du même code au bénéfice des travailleurs involontairement privés d'emploi s'éteint en cas de fraude ou de fausse déclaration et les sommes indûment perçues donnent lieu à répétition ; qu'aux termes de l'article R.351-4 du même code : "Sont exclus du bénéfice du revenu de remplacement prévu par l'article L.351-1 ... 5° Les travailleurs qui, sciemment, ont fait des déclarations inexactes, présenté des attestations mensongères ou touché indûment le revenu de remplacement prévu à l'article L.351-1" ; qu'aux termes de l'article R.351-9 : "Si le contrôle conduit à constater qu'un travailleur ne peut légalement bénéficier du revenu de remplacement prévu par l'article L.351-1, le directeur départemental du travail et de l'emploi fait connaître à l'intéressé et aux institutions compétentes mentionnées à l'article L.351-2 sa décision motivée de l'exclure temporairement ou définitivement du bénéfice de ce revenu" ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la déclaration recueillie le 23 septembre 1983 par les agents de la direction nationale d'enquête fiscale et signée par Mme X..., que celle-ci, tout en percevant des allocations de chômage, exerçait depuis la fin du mois de septembre 1982 une activité professionnelle non déclarée pour le compte de la "Société de diffusion d'articles de sport et prêt à porter" (S.D.A.S.P.) ; qu'ainsi, depuis cette date, l'intéressée ne pouvait être regardée comme un travailleur privé d'emploi et percevait indûment le revenu de remplacement prévu à l'article L.351-1 du code du travail ; qu'il suit de là que c'est par une exacte application des dispositions précitées de ce code que le directeur départemental du travail et de l'emploi a, par la décision attaquée, exclu Mme X... du bénéfice du revenu de remplacement à compter du 1er août 1983 ;
Considérant, d'autre part, que s'il n'appartient qu'aux institutions visées à l'article L.351-2 du code du travail, qui sont chargées du service des allocations, de faire procéder à la restitution des sommes indûment perçues, Mme X... est cependant recevable à contester la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi, auquel incombe en vertu de l'article R.351-5 du code du travail, le contrôle de l'application des dispositions de l'article R.351-4, en tant que cette décision détermine l'étendue de la période pendant laquelle le revenu de remplacement a été indûment perçu ; qu'il n'est pas établi que Mme X... ait exercé l'activité professionnelle non déclarée susmentionnée avant le 30 septembre 1982 ; que, dès lors, la requérante est fondée à soutenir que la décision attaquée est illégale en tant qu'elle fixe au 1er mars 1982 le point de départ de la période pendant laquelle les allocations ont été indûment perçues ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 17 mai 1984 en tant que cette décision dispose qu'elle a perçu indûment les allocations de chômage entre le 1er mars 1982 et le 30 septembre 1982 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 mai 1986 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de Mme X... tendant à l'annulation de la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de Paris du 17 mai 1984 en tant que cette décision dispose que Mme X... a indûment perçu les allocations de chômage entre le 1er mars 1982 et le 30 septembre 1982. La décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de Paris du 17 mai 1984 est annulée en tant qu'elle dispose que Mme X... a perçu indûment les allocations de chômage entre le 1er mars 1982 et le 30 septembre 1982.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 80839
Date de la décision : 19/01/1990
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - POLITIQUES DE L'EMPLOI - INDEMNISATION DES TRAVAILLEURS PRIVES D'EMPLOI (1) Compétence de l'autorité administrative - Exclusion du bénéfice du revenu de remplacement - Répétition de l'indû - Répétition du revenu de remplacement indûment perçu - Recevabilité de l'intéressé à contester la décision du directeur départemental du travail en tant qu'elle détermine la période pendant laquelle le revenu de remplacement a été indûment perçu (1) - (2) - RJ2 Contentieux - Décision du directeur départemental du travail et de l'emploi soumettant un travailleur au versement du revenu de remplacement indûment perçu par lui - Compétence administrative (sol - impl - ) (2).

66-10-02(2) Le juge administratif est compétent pour connaître du recours formé contre la décision par laquelle le directeur départemental du travail et de l'emploi soumet un travailleur qui a indûment perçu le revenu de remplacement au versement des sommes irrégulièrement perçues.

66-10-02(1) S'il n'appartient qu'aux institutions visées à l'article L.351-2 du code du travail, qui sont chargées du service des allocations, de faire procéder à la restitution des sommes indûment perçues, l'intéressé est cependant recevable à contester la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi, auquel incombe en vertu de l'article R.351-5 du code du travail le contrôle de l'application des dispositions de l'article R.351-4, le soumettant à la restitution desdites sommes, en tant que cette décision détermine l'étendue de la période pendant laquelle le revenu de remplacement a été indûment perçu.


Références :

Code du travail R351-33, R351-9, L351-21, L351-7, L351-1, L351-2, R351-5, R351-4
Décret 79-857 du 01 octobre 1979
Décret 84-1026 du 22 novembre 1984

1.

Cf. 1989-04-28, Boniche, n° 70562. 2. Comp. 1989-04-28, Boniche, n° 70562 pour la recevabilité de l'intéressé à contester la décision en tant qu'elle informe l'intéressé de la restitution que l'ASSEDIC compétente peut exiger de lui


Publications
Proposition de citation : CE, 19 jan. 1990, n° 80839
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Dutreil
Rapporteur public ?: Mme de Clausade

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:80839.19900119
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