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31/01/1990 | FRANCE | N°84898

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 31 janvier 1990, 84898


Vu la requête, enregistrée le 4 février 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD, dont le siège est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 3 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD sur la réclamation formée par la société des automobiles Peugeot le 31 décembre 1985, en tant que cette décision s'oppos

e au principe même du remboursement du versement destiné aux transports...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD, dont le siège est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 3 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD sur la réclamation formée par la société des automobiles Peugeot le 31 décembre 1985, en tant que cette décision s'oppose au principe même du remboursement du versement destiné aux transports en commun pour les années 1980 à 1984, et a ordonné une expertise contradictoire aux fins de déterminer les effectifs de salariés transportés collectivement par la société Peugeot et l'effectif global de l'entreprise pour chacune desdites années, calculer le ratio annuel effectif transporté/effectif global et préciser le montant du versement acquitté chaque année par la société,
2°) rejette les conclusions de la société Peugeot accueillies par ce jugement,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 73-640 du 11 juillet 1973 ;
Vu la loi n° 85-2 du 2 janvier 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Hubert, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat du DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD et de la SCP Desaché, Gatineau, avocat de la société des automobiles Peugeot,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la société des automobiles Peugeot a demandé au DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD de lui rembourser les versements destinés aux transports en commun qu'elle a effectués au titre des années 1980, 1981, 1982, 1983 et 1984, à hauteur des sommes correspondant aux effectifs des salariés dont ladite société a assuré le transport collectif depuis un point de ramassage situé à moins de 500 mètres du domicile de ces salariés ; que, le tribunal administratif de Besançon a, par l'article 1er du jugement attaqué, annulé la décision implicite du DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD rejetant cette demande "en tant que ledit district s'oppose au principe même du remboursement", et, par l'article 2 du même jugement, a ordonné une expertise avant dire droit sur les conclusions pécuniaires de la société des automobiles Peugeot ; qu'ainsi le jugement attaqué n'a prononcé aucune condamnation pécuniaire au profit de ladite société ; que, dès lors, le DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD n'est pas fondé à soutenir que, par ledit jugement, le tribunal administrtif a statué au-delà des conclusions dont il était saisi par la société des automobiles Peugeot ;
Au fond :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1973 autorisant certaines communes et établissements publics à instituer un versement destiné aux transports en commun, dans sa rédaction en vigueur pendant la période litigieuse et codifié à l'article L.233-64 du code des communes, le produit de la taxe "est versé au budget de la commune ou de l'établissement public qui rembourse les versements effectués : 1°) aux employeurs qui justifient avoir assuré le logement permanent sur les lieux de travail ou effectué intégralement le transport collectif de tous leurs salariés ou de certains d'entre eux, au prorata des effectifs transportés ou logés par rapport à l'effectif total" ; qu'il ne résulte pas de cette disposition que, pour bénéficier du remboursement qu'elle prévoit, les employeurs ne doivent exiger des salariés qu'ils logent ou qu'ils transportent aucune participation au coût de la prestation fournie ; que si la loi du 2 janvier 1985, modifiant l'article L.233-64 du code des communes, a subordonné le remboursement prévu par cet article à la condition que les employeurs effectuent le transport collectif de leurs salariés "à titre gratuit", cette disposition législative, qui n'a pas de caractère interprétatif et est dépourvue de portée retroactive, n'était pas applicable à l'époque des faits qui ont donné naissance au présent litige ; qu'il suit de là que le tribunal administratif a jugé à bon droit qu'en rejetant la demande de remboursement de la société des automobiles Peugeot au motif que les salariés transportés par ses soins ne l'étaient pas gratuitement, le DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD a introduit une condition nouvelle ne figurant pas dans la loi ;

Mais considérant, en second lieu, que la décision de rejet du district était également et subsidiairement fondée sur ce que la société des automobiles Peugeot ne saurait prétendre au remboursement des versements correspondant aux salariés transportés par la société dont le domicile est situé à plus de 250 mètres du point de ramassage le plus proche ; que si l'article L.233-64 du code des communes dispose que les versements destinés au transport en commun sont remboursés aux employeurs qui justifient avoir effectué "intégralement" le transport collectif de tout ou partie de leurs salariés, ce texte, qui ne doit pas être entendu comme subordonnant le remboursement à la condition que le transport soit assuré de porte à porte entre le domicile des salariés concernés et leur lieu de travail et inversement, ne fait pas obstacle à ce que la commune ou l'établissement public bénéficiaire des versements détermine, en tenant compte des circonstances locales, une distance maximum entre le domicile du salarié et le point de ramassage le plus proche au-delà de laquelle le transport ne peut plus être regardé comme effectué "intégralement" par l'employeur et ne lui ouvre pas droit au remboursement ; qu'ainsi, d'une part, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD avait irrégulièrement ajouté à la loi en fixant une condition de distance maximum entre le domicile des salariés et le point de ramassage le plus proche ; que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que le district se soit livré à une appréciation manifestement erronée des circonstances locales en fixant cette distance à 250 mètres ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si le DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé sa décision implicite rejetant la demande de la société des automobiles Peugeot en tant que cette décision refusait le remboursement des versements effectués au titre du transport collectif des salariés demeurant à 250 mètres au plus du point de ramassage le plus proche, il est, en revanche, fondé à soutenir que le tribunal a annulé à tort ladite décision en tant qu'elle refusait le remboursement demandé au titre du transport collectif des salariés demeurant à plus de 250 mètres dudit point de ramassage ;
En ce qui concerne la mission de l'expert :
Considérant que l'article 4 du jugement attaqué donne mission à l'expert désigné par le tribunal administratif de "déterminer les effectifs de salariés transportés collectivement par la société des automobiles Peugeot au cours de chacune des années 1980, 1981, 1982, 1983 et 1984" ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société des automobiles Peugeot ne peut prétendre au remboursement des versements destinés au transport en commun qu'au titre des transports collectifs des salariés demeurant à 250 mètres au plus du point de ramassage le plus proche ; qu'il y a lieu, par suite, de réformer sur ce point le jugement attaqué en limitant la mission de l'expert à la détermination, au cours des années 1980 à 1984, des effectifs de salariés transportés collectivement par la société des automobiles Peugeot et demeurant à 250 mètres au plus du point de ramassage le plus proche ;

Considérant, en revanche, qu'en vertu de l'article L.233-64 du code des communes, le remboursement dû à l'employeur s'effectue "au prorata des effectifs transportés ou logés par rapport à l'effectif total" ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient le DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD, le tribunal administratif a fait une exacte application de cette disposition et n'a pas statué au-delà des conclusions dont il était saisi par la société des automobiles Peugeot en donnant mission à l'expert, par l'article 4 du jugement attaqué, de "calculer, pour chaque période, le ratio effectifs transportés/effectif global" ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du 3 décembre 1986 du tribunal administratif de Besançon est annulé en tant qu'il a annulé la décision implicite par laquelle le DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD a refusé de rembourser à la société des automobiles Peugeot les versements destinés aux transports en commun pour les années 1980 à 1984 en tant que ce refus concernait le remboursement demandé au titre du transport collectif des salariés demeurant à plus de 250 mètres du point de ramassage le plus proche.
Article 2 : Les conclusions de la société des automobiles Peugeot présentées devant le tribunal administratif de Besançon et tendant à l'annulation de la décision implicite du DISTRICT URBAIN DUPAYS DE MONTBELIARD refusant de rembourser à ladite société les versements destinés aux transports en commun effectués pour les années 1980, 1981, 1982, 1983 et 1984, en tant que ce refus concernait le remboursement demandé au titre du transport collectif des salariés demeurant à plus de 250 mètres du point de ramassage le plus proche, sont rejetées.
Article 3 : En ce qui concerne la détermination des effectifs des salariés transportés collectivement par la société des automobiles Peugeot au cours de chacune des années 1980, 1981, 1982, 1983 et 1984, la mission de l'expert délégué par le tribunal administratif est limitée aux salariés demeurant à 250 mètres au plus du point de ramassage le plus proche. L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 3 décembre 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions du DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au DISTRICT URBAIN DU PAYS DE MONTBELIARD, à la société des automobiles Peugeot et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 84898
Date de la décision : 31/01/1990
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - MOTIFS - ERREUR MANIFESTE - ABSENCE - Transports - Remboursement des versements transport aux employeurs qui effectuent intégralement le transport collectif de leurs employés - Notion de transport intégral - Fixation d'une distance maximale entre le domicile du salarié et le point de ramassage le plus proche.

01-05-04-02, 65-02-01, 66-03 Si l'article L.233-64 du code des communes dispose que les versements destinés au transport en commun sont remboursés aux employeurs qui justifient avoir effectué "intégralement" le transport collectif de tout ou partie de leurs salariés, ce texte, qui ne doit pas être entendu comme subordonnant le remboursement à la condition que le transport soit assuré de porte à porte entre le domicile des salariés concernés et leur lieu de travail et inversement, ne fait pas obstacle à ce que la commune ou l'établissement public bénéficiaire des versements détermine, en tenant compte des circonstances locales, une distance maximum entre le domicile du salarié et le point de ramassage le plus proche au-delà de laquelle le transport ne peut plus être regardé comme effectué "intégralement" par l'employeur et ne lui ouvre pas droit au remboursement. Ainsi, d'une part, le District urbain du Pays de Montbéliard n'a pas irrégulièrement ajouté à la loi en fixant une condition de distance maximum entre le domicile des salariés et le point de ramassage le plus proche et, d'autre part, le district ne s'est pas livré à une appréciation manifestement erronée des circonstances locales en fixant cette distance à 250 mètres.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTROLE DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR - APPRECIATIONS SOUMISES A UN CONTROLE RESTREINT - Travail - emploi - Remboursement des versements transport aux employeurs qui effectuent intégralement le transport collectif de leurs employés - Notion de transport intégral - Fixation d'une distance maximale entre le domicile du salarié et le point de ramassage le plus proche.

54-07-02-04 Si l'article L.233-64 du code des communes dispose que les versements destinés au transport en commun sont remboursés aux employeurs qui justifient avoir effectué "intégralement" le transport collectif de tout ou partie de leurs salariés, ce texte, qui ne doit pas être entendu comme subordonnant le remboursement à la condition que le transport soit assuré de porte à porte entre le domicile des salariés concernés et leur lieu de travail et inversement, ne fait pas obstacle à ce que la commune ou l'établissement public bénéficiaire des versements détermine, en tenant compte des circonstances locales, une distance maximum entre le domicile du salarié et le point de ramassage le plus proche au-delà de laquelle le transport ne peut plus être regardé comme effectué "intégralement" par l'employeur et ne lui ouvre pas droit au remboursement. La décision fixant la distance maximum entre le domicile des salariés et le point de ramassage le plus proche est soumise au contrôle restreint du juge de l'excès de pouvoir.

TRANSPORTS - TRANSPORTS ROUTIERS - TRANSPORTS EN COMMUN DE VOYAGEURS - Financement - Versement destiné au financement du transport en commun (articles L - 233-58 à L - 233-69 du code des communes) - Remboursement - Remboursement des versements transport aux employeurs qui effectuent intégralement le transport collectif de leurs employés - Notion de transport intégral - Fixation d'une distance maximale entre le domicile du salarié et le point de ramassage le plus proche - Erreur manifeste d'appréciation - Absence.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - Versement transport - Remboursement des versements transport aux employeurs qui effectuent intégralement le transport collectif de leurs employés - Notion de transport intégral - Fixation d'une distance maximale entre le domicile du salarié et le point de ramassage le plus proche - Erreur manifeste d'appréciation - Absence.


Références :

Code des communes L233-64
Loi 73-640 du 11 juillet 1973 art. 5
Loi 85-2 du 02 janvier 1985


Publications
Proposition de citation : CE, 31 jan. 1990, n° 84898
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Hubert
Rapporteur public ?: M. Tuot, c. du. g.

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:84898.19900131
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