La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/1990 | FRANCE | N°70865

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 02 février 1990, 70865


Vu 1°) la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 juillet 1985 et 25 novembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 70 865, présentés pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, dont le siège social est ... Cedex (83082), représentée par le président de son conseil d'administration ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 21 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier général de Toulon

soit condamné à lui rembourser les frais qu'elle a du engager du f...

Vu 1°) la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 juillet 1985 et 25 novembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 70 865, présentés pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, dont le siège social est ... Cedex (83082), représentée par le président de son conseil d'administration ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 21 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier général de Toulon soit condamné à lui rembourser les frais qu'elle a du engager du fait de l'erreur de diagnostic commise à l'égard de Mlle X... à la suite de son hospitalisation ;
- condamne le centre hospitalier général de Toulon à lui verser la somme de 73 142,61 F avec les intérêts ;
Vu 2°) la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 août 1985 et 23 décembre 1985, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 71 665 présentés pour Mlle Edith X..., demeurant à Toulon (83000) avenue Joseph Gasquet Immeuble "La Prairie" ; Mlle X... demande que le Conseil d'Etat :- annule le jugement du 21 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Nice a limité à 35 000 F la somme que le centre hospitalier général de Toulon est condamné à lui verser en réparation du préjudice subi à la suite de l'erreur de diagnostic commise à son sujet le 29 août 1980 ;
- condamne le centre hospitalier général de Toulon à lui verser la somme de 200 000 F ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lasvignes, Auditeur,
- les observations de la SCP Rouvière, Lepitre, Boutet, avocat de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, de la SCP Le Prado, avocat du centre hospitalier général de Toulon et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard avocat de Mlle X...,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR et de Mlle X... sont relatives aux conséquences d'un même accident et sont dirigées contre un même jugement du tribunal administratif de Nice ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que par un jugement du 27 octobre 1983 devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a déclaré que du fait d'une erreur de diagnostic, le centre hospitalier général de Toulon était partiellement responsable des séquelles dont reste atteinte Mlle X... à la suite de son accident et a odonné une expertise afin de déterminer le montant du préjudice indemnisable ; que par son jugement en date du 21 mai 1985, le tribunal administratif de Nice, statuant après expertise, a condamné le centre hospitalier général de Toulon à verser à Mlle X... la somme de 35 000 F et a rejeté les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR ; que sous le n° 70 865 la caisse primaire d'assurance maladie demande l'annulation de ce jugement et la condamnation du centre hospitalier à lui rembourser les frais qu'elle a dû engager pour son assuré ; que sous le n° 71 665 Mlle X... demande que la somme que le centre hospitalier a été condamné à lui verser soit portée de 35 000 F à 200 000 F ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les moyens tirés de ce que les premiers juges n'auraient pas visé certains des mémoires produits par les parties et n'auraient pas répondu à l'ensemble des conclusions présentées par Mlle X..., en première instance, manquent en fait ;
Sur l'évaluation du préjudice :
En ce qui concerne les pertes de revenus :

Considérant qu'il est constant qu'à la date de l'accident, Mlle Edith X... était étudiante et n'exerçait qu'un travail temporaire ; que la perte de salaire qu'elle a subie du 30 août au 18 octobre 1980, résultant de son incapacité temporaire totale, est entièrement imputable à l'accident à la suite duquel elle a été hospitalisée ; que la perte de revenu dont elle demande la réparation n'est donc pas imputable à l'erreur de diagnostic commise par le centre hospitalier général de Toulon et ne saurait donc être mise à la charge de cet établissement ;
En ce qui concerne les autres chefs de préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges que l'erreur de diagnostic commise par le centre hospitalier régional de Toulon a notablement allongé le délai de consolidation de la blessure qui avait justifié l'hospitalisation de Mlle X..., a nécessité de nombreuses séances de rééducation fonctionnelle, prolongeant la durée de l'incapacité temporaire partielle d'environ d'un an et été à l'origine d'une incapacité permanente partielle double de celle qui aurait normalement résulté de son accident du travail ; qu'en revanche, il n'est pas établi que la perte, de son travail en août 1988, soit huit ans après l'accident, soit imputable à l'augmentation du degré d'invalidité causée par la faute commise par l'administration hospitalière ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par la victime dans ses conditions d'existence résultant de la faute de l'hôpital en évaluant le préjudice subi, de ce chef, par Mlle X... à 50 000 F, dont la moitié répare les troubles physiologiques subis par la victime ; qu'il y a lieu d'y ajouter une somme de 15 000 F au titre de l'indemnisation des souffrances physiques endurées par Mlle X... et du préjudice esthétique qu'elle a subi ;

Considérant que les frais d'hospitalisation correspondent uniquement à la période qui a immédiatement suivi l'accident ; que la caisse primaire d'assurance maladie n'établit pas que ces frais ne sont pas la conséquence directe de l'accident subi par la victime mais correspondent à un surcroît de frais de soins imputables à l'erreur de diagnostic commise par l'hôpital ; qu'ainsi ces frais ne doivent pas être inclus dans le préjudice global ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice total dont la somme doit être mise à la charge du centre hospitalier général de Toulon s'élève à la somme de 65 000 F ;
Sur les droits de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR et de Mlle X... :
Considérant qu'aux termes de l'article L.470 alinéa 3 du code de la sécurité sociale applicable aux accidents du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 27 décembre 1973 : "Si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime à l'exclusion de la part d'indemnité du caractère personnel correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et du préjudice esthétique et d'agrément ..." ; que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR a droit dans les limites ainsi indiquées au remboursement des sommes qu'elle a versées à Mlle X..., dans la mesure seulement où ces frais sont imputables à la faute de l'hôpital ; qu'il résulte de ce qui précède que les frais médicaux remboursés par la caisse d'assurance maladie et les indemnités journalières qu'elle a versées à la victime n'ont pas pour cause la faute de l'hôpital ; que la caisse ne peut, dès lors, demander que le remboursement des arrérages et du capital de la rente d'accident du travail qu'elle paie et dans la limite du surcroît occasionné par la faute de l'hôpital ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'erreur de diagnostic commise par le centre hospitalier a entraîné une aggravation de l'incapacité permanente partielle de la victime et qu'en l'absence d'une telle faute, cette incapacité n'aurait été que de 6 % ; que la caisse primaire d'assurance maladie qui a accordé à la victime une rente d'accident du travail correspondant à une incapacité permanente partielle de 10 %, a donc droit au remboursement, d'une part, de 40 % des arrérages échus au 15 août 1987 - dernière date à laquelle la caisse a indiqué ce montant - de la rente versée à Mlle Edith X... et, d'autre part, au remboursement au fur et à mesure de leurs échéances, de 40 % des arrérages d'une rente, déterminée par application des barèmes fixant le capital représentatif d'une rente d'accident du travail, dont le capital constitutif ne peut être supérieur à la différence entre la part d'indemnité mise à la charge du centre hospitalier sur laquelle peut s'exercer la créance de la caisse et le montant des sommes versées par la caisse au 15 août 1987 ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie justifie de débours s'élevant à 18 587,42 F au titre des arrérages échus au 15 août 1987 de la rente d'accident du travail qu'elle verse à Mlle Edith X... ; que le total de 40 % de cette somme et du capital constitutif de la rente qui s'élève à 62 844,72 F est supérieur à la somme de 25 000 F sur laquelle peut s'exercer la créance de cette caisse ; que dès lors celle-ci a droit, d'une part au remboursement de la somme de 7 435 F et d'autre part au remboursement, au fur et à mesure de leurs échéances postérieures au 15 août 1987 de 40 % des arrérages d'une rente dont le capital constitutif, calculé comme il est dit ci-dessus, sera de 17 565 F ; qu'il y a lieu de réformer en conséquence le jugement attaqué ;
Sur les droits de Mlle X... :

Considérant que les droits de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR ci-dessus déterminés absorbant l'intégralité de la somme de 25 000 F sur laquelle peut s'exercer la créance de la caisse, Mlle Edith X... ne peut prétendre qu'au paiement de la somme de 25 000 F correspondant à la part de l'indemnité pour troubles dans les conditions d'existence ne réparant pas des troubles physiologiques et de la somme de 15 000 F qui lui est allouée en compensation de la souffrance physique et du préjudice esthétique, soit la somme de 40 000 F ; qu'il y a lieu de porter de 35 000 F à 40 000 F la condamnation prononcée à son profit par le jugement attaqué ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mlle X... a droit aux intérêts de la somme de 40 000 F à compter du 19 août 1981, date de la réception de sa demande par le centre hospitalier ; que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR a droit aux intérêts des sommes correspondant d'une part aux arrérages versés de la rente, d'autre part, aux arrérages à échoir au fur et à mesure de leur échéance ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par Mlle X... le 22 août 1985 et le 19 août 1987 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : La somme de 35 000 F que le centre hospitalier général de Toulon a été condamné à verser à Mlle X... est portée à 40 000 F, elle portera intérêts au taux légal à compter du 19 août 1981.
Article 2 : Les intérêts afférents à la somme que le centre hospitalier général de Toulon a été condamné à verser à Mlle X... seront capitalisés le 22 août 1985 et le 19 août 1987 pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le centre hospitalier général de Toulon est condamnéà payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR d'une part une indemnité de 7 435 F représentative des arrérages échus au 15 août 1987 de la rente qu'elle verse à Mlle X... et portant intérêts à chacune des échéances de cette rente et, d'autre part, au fur et à mesure de leurs échéances postérieures au 15 août 1987, 40 %des arrérages d'une rente d'accident du travail dont le capital constitutif est fixé à 17 566,32 F et portant intérêts à chaque échéance.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 21 mai 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mlle Edith X... et de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier général de Toulon, à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, à Mlle X... et au ministre de la solidarité, de lasanté et de la protection sociale.


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award