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12/02/1990 | FRANCE | N°60557

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 12 février 1990, 60557


Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société anonyme "Etablissements Brunella Luxeuil Garage", ayant son siège 29, bis rue Edouard Herriot à Saint-Sauveur (70300), représentée par son président-directeur général en exercice domicilié audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 9 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en réduction de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1976 à 197

9 dans les rôles de la commune de Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône) ;
2°) la dé...

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société anonyme "Etablissements Brunella Luxeuil Garage", ayant son siège 29, bis rue Edouard Herriot à Saint-Sauveur (70300), représentée par son président-directeur général en exercice domicilié audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 9 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en réduction de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1976 à 1979 dans les rôles de la commune de Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône) ;
2°) la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Medvedowsky, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;

Sur la pension versée à M. X... :
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 39-1-1° du code général des impôts qui visent : "les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre ..." ; que sont déductibles, pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, toutes les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre régulièrement exposées dans l'intérêt de l'entreprise ; que si les cotisations versées par les entreprises au titre des régimes de retraites résultant d'obligations légales et contractuelles ou même au titre des régimes institués par l'employeur lui-même, si ceux-ci s'appliquent statutairement à l'ensemble du personnel salarié ou à certaines catégories de salariés, doivent être regardées comme exposées dans l'intérêt de l'entreprise, en revanche les pensions ou avantages particuliers que les entreprises allouent à un ancien dirigeant à raison des services rendus ne sont déductibles qu'à titre exceptionnel et notamment lorsqu'elles ont pour objet d'accorder à l'intéressé ou à ses ayants droit une aide correspondant à leurs besoins ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une délibération en date du 6 septembre 1975, le conseil d'administration de la société anonyme "Etablissements Brunella Luxeuil Garage" a alloué à M. X..., son ancien président-directeur général, qui quittait ses fonctions, une "pension complémentaire" dont le montant annuel pour les années 1976, 1977, 1978 et 1979, faisant l'objet du présent litige au regard de l'impôt sur les sociétés, s'élèvait respectivement à 72 000 F, 72 000 F, 90 288 F et 91 206 F ; que cette allocation s'ajoutait à des pensions perçues par le bénéficiaire au titre de régimes collectifs de retraites pour la durée des services rendusà l'entreprise et à des bénéfices industriels et commerciaux que M. X... retirait de la location de locaux commerciaux à ladite société ; qu'ainsi la situation de ce dernier, quelles qu'aient pu être la durée et la qualité des services rendus par lui, ne constituait pas un cas exceptionnel justifiant que, par dérogation aux règles rappelées ci-dessus concernant la déductibilité des dépenses de personnel, la société requérante puisse être autorisée à faire figurer dans ses charges déductibles le versement d'une "pension" à son ancien président-directeur général ;

Considérant, il est vrai, que la société se prévaut de l'interprétation de la loi fiscale qui serait contenue dans une réponse du ministre des finances à un parlementaire en date du 8 mars 1955 ; que toutefois, il résulte des termes de cette réponse qu'elle subordonne la déductibilité d'une dépense de la nature de celles dont s'agit à l'examen de circonstances de fait que le service local est seul à même d'apprécier ; qu'il suit de là que cette réponse ne peut être regardée comme contenant une interprétation formelle du texte fiscal qui serait opposable à l'administration en vertu des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ;
Sur l'indemnité d'éviction :
Considérant que les frais de premier établissement, qui n'ont pas pour contrepartie l'acquisition d'un élément d'actif, constituent une charge déductible des seuls résultats de l'exercice au cours duquel ils ont été exposés ou de ceux des exercices qui les suivent immédiatement ;
Considérant que le versement, le 26 avril 1978, au locataire des locaux où elle devait s'installer, d'une indemnité d'éviction, de 500 000 F a permis à la société requérante d'occuper lesdits locaux avant la date d'expiration du bail qui venait à échéance le 10 décembre 1980 ; que cette indemnité, dont le versement avait pour seul objet d'avancer la date de l'entrée en jouisance effective desdits locaux, ne saurait de ce fait être regardée comme un complément du prix d'acquisition de cet immeuble devant être inclus dans les valeurs d'actif et susceptible d'un amortissement sur une durée équivalente à celle de l'immeuble ; que cette indemnité est, dans les circonstances de l'espèce, au nombre des charges dont la déduction intégrale et immédiate est admise par les dispositions précitées ;

Considérant qu'il suit de là que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en tant qu'elle visait à la décharge, au titre de l'année 1978, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui avaient été assignées à raison de l'indemnité d'éviction qu'elle avait versée ;
Article 1er : Le bénéfice retenu pour le calcul de l'impôtsur les sociétés dû par la société anonyme "Etablissements Brunella Luxeuil Garage", au titre de l'année 1978, sera calculé sous déduction de la somme de 500 000 F correspondant à l'indemnité d'éviction versée par la société.
Article 2 : La société anonyme "Etablissements Brunella Luxeuil Garage" est déchargée de la différence entre la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de 1978 et celle qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 9 mai 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme "Etablissements Brunella Luxeuil Garage" est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "Etablissements Brunella Luxeuil Garage" et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - AMORTISSEMENT - Eléments amortissables ou non - Immobilisations corporelles - Eléments d'actif non amortissables - Indemnité d'éviction ayant la nature non d'un complément du prix d'acquisition de l'immeuble mais de frais de premier établissement.

19-04-02-01-04-03, 19-04-02-01-04-09 Les frais de premier établissement, qui n'ont pas pour contrepartie l'acquisition d'un élément d'actif, constituent une charge déductible des seuls résultats de l'exercice au cours duquel ils ont été exposés ou de ceux des exercices qui les suivent immédiatement. Le versement en 1978 au locataire des locaux où elle devait s'installer, d'une indemnité d'éviction a permis à la société d'occuper lesdits locaux avant la date d'expiration du bail qui venait à échéance fin 1980. Cette indemnité, dont le versement avait pour seul objet d'avancer la date de l'entrée en jouissance effective desdits locaux, ne saurait de ce fait être regardée comme un complément du prix d'acquisition de cet immeuble devant être inclus dans les valeurs d'actif et susceptible d'un amortissement sur une durée équivalente à celle de l'immeuble. L'indemnité est, dans les circonstances de l'espèce, au nombre des charges dont la déduction intégrale et immédiate est admise.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - CHARGES DIVERSES - Charges en principe non déductibles - Dépenses ayant pour contrepartie un accroissement de l'actif - Absence - Indemnité d'éviction ayant pour objet de s'installer dans les locaux ainsi récupérés.


Références :

CGI 39 par. 1, 1649 quinquies E
CGI Livre des procédures fiscales L80 A


Publications
Proposition de citation: CE, 12 fév. 1990, n° 60557
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Medvedowsky
Rapporteur public ?: M. Racine

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 12/02/1990
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 60557
Numéro NOR : CETATEXT000007625358 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1990-02-12;60557 ?
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