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14/03/1990 | FRANCE | N°88591

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 14 mars 1990, 88591


Vu 1°) sous le n° 88 591, le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DES TRANSPORTS enregistré le 19 juin 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement du 28 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à M. Pierre X... une indemnité de 450 000 F en réparation du préjudice résultant de l'obligation de démolir une construction édifiée à Cavalaire en exécution d'un permis de construire annulé par jugement du 20 juin 1975 du

tribunal administratif de Nice ;
- réduise le montant de l'indemnit...

Vu 1°) sous le n° 88 591, le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DES TRANSPORTS enregistré le 19 juin 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement du 28 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à M. Pierre X... une indemnité de 450 000 F en réparation du préjudice résultant de l'obligation de démolir une construction édifiée à Cavalaire en exécution d'un permis de construire annulé par jugement du 20 juin 1975 du tribunal administratif de Nice ;
- réduise le montant de l'indemnité mise à la charge de l'Etat,
Vu 2°) sous le n° 89 273, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 juillet 1987 et 10 novembre 1987, présentés pour M. Pierre X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement du 28 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 450 000 F, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice résultant de l'obligation de démolir le bâtiment qu'il avait édifié à Cavalaire en vertu d'un permis de construire annulé par jugement du 20 juin 1975 du tribunal administratif de Nice ;
- condamne l'Etat à lui verser la somme de 2 681 370,27 F ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lamy, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DES TRANSPORTS et la requête de M. X... présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a obtenu, les 20 janvier et 3 juin 1972, deux permis de construire successifs l'autorisant à édifier un bâtiment d'habitation sur un terrain de 1 589 m2 qu'il avait acquis le 22 septembre 1971 ; que, par un premier jugement du 7 février 1973, le tribunal administratif de Nice a ordonné le sursis à exécution du permis de construire du 3 juin 1972, lequel s'était substitué au précédent, puis, par un second jugement du 20 juin 1975, il en a prononcé l'annulation pour le motif que la densité de la construction autorisée atteignait 0,57 alors que le coefficient d'occupation du sol applicable dans la zone avait été fixé à 0,30 ;
Considérant que la délivrance par l'administration d'un permis de construire illégal a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il ne saurait, en revanche, être reproché à M. X... d'avoir, dans sa demande de permis de construire, déclaré être propriétaire d'une parcelle de 1 589 m2, non située dans un lotissement, alors qu'il n'a su qu'ultérieurement que ces indications étaient inexactes, ni d'avoir poursuivi l'exécution des travaux de construction jusqu'à l'intervention du jugement du 7 février 1973 prononçant le sursis à exécution de son permis de construire ; que, par suite, l'Etat doit être déclaré entièrement responsable du préjudice résultant directement de l'illégalité commise ;

Considérant que la nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique du chef d'un dommage dont la responsabilité lui est imputée ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige si elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public ; qu'en l'espèce, l'Etat ne saurait être tenu pour responsable ni du fait que M. X... avait implanté la quasi totalité de son bâtiment sur une partie du terrain dont le tribunal de grande instance de Draguignan a, par jugement du 28 juillet 1978, constaté qu'il n'avait pu acquérir la propriété et qui constituait le lot n° 1 d'un lotissement, ni de ce que la démolition de ce bâtiment, qui était implanté sur le sol d'autrui et, en outre, ne respectait pas le cahier des charges du lotissement, a été ordonnée par l'autorité judiciaire et effectivement réalisée en 1981 ; que l'illégalité commise par l'administration en autorisant la construction d'un immeuble dont la densité atteignait presque le double de celle que permettait le coefficient d'occupation du sol a eu seulement pour conséquence d'accroître le coût de la construction et celui de la démolition du bâtiment et, par suite, le préjudice qu'aurait normalement dû subir M. X... à raison de la condamnation à démolir prononcée contre lui ; que la surdensité de l'immeuble a été connue le 20 juin 1975, date à laquelle le tribunal administratif a annulé, pour ce motif, le permis de construire délivré à M. X... ; que c'est, par suite, à cette date que doivent être appréciées les conséquences dommageables de la faute commise par l'administration ; qu'il résulte de l'instruction que le montant des travaux effectués par M. X... s'élevait, en 1972, à 802 112 F, dont 211 396 F pour l'aménagement du terrain et le terrassement, et que le coût de la démolition du bâtiment a été fixé, en 1980, à 529 200 F ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant pour M. X... de l'illégalité de son permis de construire en fixant à 295 358 F en 1972, soit 417 617 F en 1975, le coût de la construction de la partie excédentaire de son bâtiment et à 176 400 F en 1980, soit 106 956 F en 1975, le prix de sa démolition ; qu'ainsi, l'indemnité à laquelle M. X... est fondé à prétendre s'élève à 524 573 F ;

Considérant qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'illégalité commise en 1972 par l'administration et la circonstance que les possibilités de construction sur la parcelle de 936 m2 dont M. X... demeure propriétaire sont désormais réduites, dès lors que le coefficient d'occupation du sol a été ramené de 0,30 à 0,20 ; que M. X... n'est, par suite, pas fondé à demander réparation à l'Etat de ce préjudice ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant de l'indemnité que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à M. X... doit être porté à 524 573 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 524 573 F à compter du jour de la réception par le commissaire de la République du Var de sa demande en date du 3 octobre 1984 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 10 juillet 1987, 23 août 1988 et 28 août 1989 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : Le montant de la somme de 450 000 F que l'Etat a été condamné à verser à M. X... par le jugement du tribunal administratif de Nice du 28 avril 1987 est porté à 524 573 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par le commissaire de la République du Var de la demande du 3 octobre 1984. Les intérêts échus les 10 juillet 1987, 23 août 1988 et 28 août 1989 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 28 avril 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... et le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DES TRANSPORTS sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - PERMIS DE CONSTRUIRE.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - APPLICATION DES REGLES FIXEES PAR LES P - O - S - REGLES DE FOND - COEFFICIENTS D'OCCUPATION DES SOLS.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation: CE, 14 mar. 1990, n° 88591
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Lamy
Rapporteur public ?: Daël

Origine de la décision
Formation : 4 / 1 ssr
Date de la décision : 14/03/1990
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 88591
Numéro NOR : CETATEXT000007797481 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1990-03-14;88591 ?
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