Vu la requête, enregistrée le 11 mai 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la S.A. CONSORTIUM DE MAINTENANCE ET DE TECHNOLOGIE -C.O.M.A.T.E.C.-, dont le siège est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° prononce le sursis à exécution du jugement en date du 15 mars 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du directeur-adjoint du travail auprès du ministre des transports en date du 11 juin 1986 autorisant le licenciement de M. Djilali Y..., délégué du personnel, et la décision implicite confirmative du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer,
2° annule le jugement précité,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988, portant amnistie ;
Vu le décret n° 83-470 du 8 juin 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Salesse, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la S.A. CONSORTIUM DE MAINTENANCE ET DE TECHNOLOGIE - C.O.M.A.T.E.C. - et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. Y... et du syndicat C.F.D.T-R.A.T.P
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 : "Sont amnistiés les faits commis avant le 22 mai 1988 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles ... sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes m eurs ou à l'honneur ..." ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Y..., délégué du personnel de la société COMATEC, s'est, le 7 mai 1986, rendu coupable de violences sur la personne de M. X... qui se proposait de rejoindre son poste de travail en dépit du mouvement de grève observé par une partie du personnel de l'entreprise ; que, dans les circonstances de l'espèce, ces faits, qui portent atteinte à la liberté du travail, constituent un manquement à l'honneur, exclu du bénéfice de l'amnistie ;
Considérant que ces faits, tels qu'ils ressortent notamment des témoignages de la victime et de ceux recueillis par l'administration, et à supposer même que M. X... n'ait pas été "frappé" par M. Y..., sont d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif que les faits n'étaient pas établis pour annuler la décision du directeur-adjoint du travail auprès du ministre des transports, en date du 11 juin 1986, et la décision implicite du ministre des transports qui l'a confirmée, autorisant le licenciement de M. Y... ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant les premiers juges ;
Considérant que la décision du 11 juin 1986 indique les raisons de fait et de droit qui fondent l'autorisation de licenciement litigieuse ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.436-1 du code du travail dans la rédaction que lui a donné le décret du 8 juin 1983, applicable à la date des décisions attaquées : "L'entretien prévu à l'article L.122-14 précède la consultation du comité d'entreprise" ; qu'il résulte du dossier que M. Y..., convoqué à l'entretien préalable pour le 13 mai 1986, a refusé de s'y rendre ; qu'il ne peut, dès lors, invoquer que la procédure de licenciement a été irrégulière ;
Considérant que M. Y... a été convoqué à la réunion du comité d'entreprise du 20 mai 1986 au cours de laquelle le comité était appelé à donner un avis sur son licenciement ; qu'il résulte du dossier qu'il s'est volontairement abstenu d'assister à cette réunion ; que l'employeur n'était pas tenu de fournir, sur le licenciement de l'intéressé, un dossier à chacun des membres du comité ; que M. Y... n'établit pas que l'avis donné par le comité l'aurait été dans des conditions irrégulières ; que le moyen tiré de ce que le procès-verbal de la réunion n'aurait pas été remis à l'inspecteur du travail manque en fait ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le licenciement de M. Y... serait en rapport avec l'exercice de son mandat ; que le directeur adjoint du travail n'était pas tenu de faire apparaître, dans les motifs de la décision, qu'il avait procédé à une recherche tirée de ce que le départ de M. Y... pourrait ou non affaiblir la représentation syndicale de l'entreprise ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que la société COMATEC est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions présentées par M. Y... devant les premiers juges ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 15 mars 1988 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à la société anonyme CONSORTIUM DE MAINTENANCE ET DE TECHNOLOGIE (COMATEC) et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.