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30/04/1990 | FRANCE | N°109790

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 30 avril 1990, 109790


Vu la requête, enregistrée le 14 août 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Patrick X..., demeurant à Saint-Paul (La Réunion) et M. Paul C..., demeurant ... (La Réunion), MM. X... et C... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 14 juin 1989 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté leur protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 12 et 19 mars 1989 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Saint-Paul,
2°) annule lesdites opér

ations électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code éle...

Vu la requête, enregistrée le 14 août 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Patrick X..., demeurant à Saint-Paul (La Réunion) et M. Paul C..., demeurant ... (La Réunion), MM. X... et C... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 14 juin 1989 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté leur protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 12 et 19 mars 1989 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Saint-Paul,
2°) annule lesdites opérations électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Chatelier, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de MM. X... et C... et de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de M. Y... Moussa,
- les conclusions de M. de Guillenchmidt, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne les opérations du premier tour de scrutin :
Considérant qu'aux termes de l'article R.119 du code électoral : "Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine de nullité, dans les cinq jours qui suivent le jour de l'élection, au secrétariat de la mairie, ou à la sous-préfecture ou à la préfecture" ;
Considérant que les protestations de MM. X... et C... ont toutes deux été déposées au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion le 24 mars 1989 ; que, dès lors, lesdites protestations, dirigées contre les opérations du premier tour de scrutin qui se sont déroulées le 12 mars 1989, étaient tardives ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a déclaré irrecevables leurs protestations en tant qu'elles tendent à l'annulation des opérations du premier tour de scrutin ;
En ce qui concerne les opérations du second tour de scrutin :
Sur les griefs relatifs à l'établissement des listes électorales :
Considérant que si le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur la régularité des inscriptions sur la liste électorale, il lui appartient en revanche d'apprécier tous les faits revêtant à cette occasion des man euvres ou des irrégularités susceptibles d'avoir altéré la sincérité du scrutin ;
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que des lettres adressées aux électeurs de la commune, postérieurement à l'établissement des listes électorales et fondées sur les indications contenues dans celles-ci, ont été retournées à l'expéditeur par la poste, notamment avc la mention "n'habite pas à l'adresse indiquée", "adresse incomplète" et "inconnu", n'établit pas à elle seule l'existence d'une mano euvre destinée à fausser le scrutin, alors qu'au surplus les requérants n'ont pas contesté les inscriptions sur les listes électorales devant le juge judiciaire ; que l'inégalité qui en serait résultée en ce qui concerne les moyens de propagande électorale n'est pas établie, eu égard notamment à l'utilisation qui a été faite par les différentes listes des divers moyens de communication ;

Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les doubles inscriptions qui se seraient produites auraient permis aux électeurs concernés de voter deux fois, ou que le maintien sur les listes électorales de personnes décédées ait entraîné des votes frauduleux ; que l'absence ou l'imprécision de certaines dates et lieux de naissance d'électeurs, ainsi que les erreurs commises dans l'inscription de certaines adresses, n'ont pas été de nature, en l'espèce, à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en admettant même que les partisans du maire sortant aient incité plusieurs familles supposées favorables à sa liste à s'inscrire sur les listes électorales de la commune de Saint-Paul, le maire ne saurait avoir commis une irrégularité dès lors qu'au surplus il n'est pas établi, ni même allégué que les intéressés ne répondaient pas aux conditions posées par le code électoral pour figurer sur lesdites listes ;
Sur le grief tiré de l'inéligibilité de M. B... :
Considérant qu'il est constant que M. A... était inscrit sur les listes électorales de la commune de Saint-Paul pour l'année 1989 ; qu'il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier, en dehors du cas où cette inscription constituerait une man euvre, si un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement la condition de domicile exigée par l'article L.11 du code électoral ; que, dès lors, ce grief doit être rejeté ;
Sur les griefs relatifs au déroulement de la campagne électorale :

Considérant que la circonstance que la commune ait d'abord fait procéder d'octobre 1988 à janvier 1989 à un recensement systématique des habitations de la commune et de la situation de ses occupants ; qu'elle ait, ensuite organisé une réception le 2 janvier 1989 pour l'ensemble des employés de la commune et réalisé le 7 janvier 1989 un important rassemblement de jeunes ne peuvent, compte tenu de la période à laquelle ces faits ont eu lieu, être regardés comme constitutifs d'une man euvre de nature à porter atteinte à la sincérité dudit scrutin ;
Considérant que les requérants soutiennent, sans apporter d'éléments de preuve à l'appui de leurs allégations, que la commune aurait embauché 650 personnes, au début de l'année 1989, pour soutenir la campagne du maire sortant ; qu'il n'est pas contesté cependant que le recrutement de personnels à titre temporaire, dont M. Z... affirme que le nombre n'a pas dépassé 250, était justifié par les besoins urgents nés du passage du cyclone "Firinga" le 28 janvier 1989, et n'a donc pas constitué une man euvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant qu'en vertu des articles L.68 et R.71 du code électoral, les délégués des candidats ou des listes en présence avaient la faculté de consulter les listes d'émargement en sous-préfecture, notamment entre les deux tours de scrutin ; qu'il n'est au surplus pas établi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que la vingtaine de personnes qui auraient, pour le compte du maire sortant, relevé les noms des abstentionnistes au premier tour, seraient des employés communaux ;
Sur les griefs tirés de la corruption et des pressions exercées sur les électeurs :

Considérant que les requérants soutiennent que le maire, dans les semaines précédents le scrutin, aurait fait distribuer 25 000 bons et divers matériaux de construction aux habitants de la commune ; que, cependant, les pièces produites à l'appui de ces allégations ne permettent pas d'établir l'importance, ou même la réalité, des distributions alléguées ;
Considérant que si le maire sortant a annoncé le 14 décembre 1988 que la gratuité des transports interurbains serait accordée pour 1989 aux personnes âgées de la commune, il résulte de l'instruction que la dépense correspondante a été inscrite au budget primitif du centre communal d'action sociale au titre de l'année 1989 ; que la décision ainsi prise, alors même que sa mise en euvre aurait été faite en méconnaissance de certaines dispositions du code des marchés, n'a pas constitué en l'espèce un acte de pression sur les personnes âgées de la commune, dès lors que cette mesure a revêtu un caractère permanent pour l'année 1989 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Z... avait annoncé, quelques jours avant le premier tour de scrutin, qu'il avait le projet d'attribuer au personnel communal, à partir de 1989, une prime de vie chère, équivalant à 35 % de leur rémunération ; que cette promesse, contrairement à ce que soutiennent les requérants, n'a pas eu le caractère d'une man euvre susceptible d'altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant que si le versement aux habitants de condition modeste de la commune d'une aide à l'amélioration de l'habitat a été effectué les 27 et 28 février 1989, il résulte de l'instruction que le retard apporté à la distribution de cette aide a été indépendant de la volonté du maire ; que, par ailleurs, le fait que certains de ses bénéficiaires effectifs ne remplissaient pas les conditions posées pour pouvoir percevoir cette aide, n'est pas établi ; que, dans ces circonstances, ladite distribution n'a pas constitué une man euvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant que le grief tiré de ce que les partisans de M. Z... auraient distribué des dons d'argent pour corrompre certains électeurs de la commune n'est pas établi ;
Considérant que MM. X... et C... soutiennent que plusieurs tracts injurieux et diffamatoires pour ce dernier ont été massivement distribués la veille du second tour du scrutin ; que, cependant, les requérants n'apportent aucun élément susceptible d'établir la date et l'importance de la diffusion desdits tracts ; que, dès lors, cette diffusion, pas davantage que l'envoi aux personnes s'étant abstenues au premier tour de scrutin d'une lettre du maire sortant les invitant à voter en sa faveur, n'a été de nature à fausser les résultats du scrutin ;
Sur les griefs relatifs au déroulement du scrutin :
Considérant, d'une part, que le maire sortant de la commune a organisé le 19 mars 1989 le transport en hélicoptère des habitants du cirque de Mafate et a prévu un pique-nique à leur intention ; qu'il résulte de l'instruction que cette opération, qui n'a porté que sur une centaine d'électeurs, n'a pu avoir, compte tenu de l'écart de voix enregistré entre les deux listes, une influence sur les résultats du scrutin ;
Considérant, d'autre part, que le grief tiré de ce qu'un certain nombre d'électeurs de la commune aurait voté avec des enveloppes préparées à l'avance, dont l'usage était contrôlé par des partisans de M. Z..., n'est corroboré par aucune des pièces du dossier ; que, dans ces conditions, cette irrégularité n'est pas établie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. Jean-Patrick X... et Paul C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté leurs protestations contre les opérations électorales qui se sont déroulées les 12 et 19 mars 1989 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Saint-Paul de la Réunion ;
Article 1er : La requête MM. X... et C... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à M. C..., à M. Z... et au ministre des départements et territoiresd'outre-mer.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 109790
Date de la décision : 30/04/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - OPERATIONS PRELIMINAIRES A L'ELECTION - INSCRIPTION SUR LA LISTE ELECTORALE.

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - CAMPAGNE ET PROPAGANDE ELECTORALES - CAMPAGNE ELECTORALE - PRESSIONS SUR LES ELECTEURS.


Références :

Code électoral R119, L11, L68, R71


Publications
Proposition de citation : CE, 30 avr. 1990, n° 109790
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Le Chatelier
Rapporteur public ?: de Guillenchmidt

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:109790.19900430
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