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23/05/1990 | FRANCE | N°50916

France | France, Conseil d'État, 8 / 7 ssr, 23 mai 1990, 50916


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 26 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) à titre principal annule l'article 2 du jugement en date du 24 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Nice a déchargé M. X... des compléments de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels il a été assujetti pour la période du 1er janvier 1972 au 31 août 1976, par avis de mise en recouvrement des 26 mai et 18 août 1977 et des pénalités y afférents ; b) remette à la charge de M. X...

les droits et pénalités contestés ;
2°) à titre subsidiaire annule...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 26 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) à titre principal annule l'article 2 du jugement en date du 24 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Nice a déchargé M. X... des compléments de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels il a été assujetti pour la période du 1er janvier 1972 au 31 août 1976, par avis de mise en recouvrement des 26 mai et 18 août 1977 et des pénalités y afférents ; b) remette à la charge de M. X... les droits et pénalités contestés ;
2°) à titre subsidiaire annule l'article 2 dudit jugement, déclare la demande devant le tribunal administratif irrecevable à concurrence de 8 419,78 F de droits et 638,07 F et d'indemnités de retard, remette ces sommes à la charge de M. X..., réforme en ce sens le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Dominique Laurent, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne la taxe afférente à la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1975 :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par procès-verbal du 23 avril 1975, ont été constatées à la charge de M. X... des ventes sans factures effectuées pendant les années 1972 à 1975 ; que par un jugement en date du 23 avril 1976 le tribunal de grande instance de Nice a condamné M. X... à raison des mêmes faits ; que le service était, dès lors, en droit de rectifier d'office le chiffre d'affaires de l'exploitation de M. X... pour la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1975 ; qu'ainsi, les irrégularités dont la vérification de comptabilité à laquelle l'administration fiscale a procédé par la suite a pu être entachée, sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition pour ce qui concerne les redressements correspondant à la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1975, lesquels n'ont pas trouvé leur origine dans cette seule vérification ;
Considérant, en second lieu, que M. X... se trouvant en situation de rectification d'office et aucune disposition alors applicable ne prévoyant une telle notification, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur le fait que la notification de redressement adressée à M. X... le 12 novembre 1976 était insuffisamment motivée pour prononce la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. X... a été assujetti pour la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1975 et à demander sur ce point la réformation dudit jugement ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. X... devant le tribunal administratif ;
En ce qui concerne l'activité de ventes en gros de boissons :
Considérant que le ministre en appel ne demande le rétablissement des impositions mises en recouvrement de ce chef qu'à concurrence des droits afférents aux recettes de boissons reconstituées par l'expert commis par le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 24 janvier 1983 dans l'instance relative à l'impôt sur le revenu de M. X..., et s'élevant toutes taxes comprises à 1 161 640 F pour 1972, 1 405 690 F pour 1973, 3 021 736 F pour 1974, et 3 068 569 F pour 1975 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que ledit expert a reconstitué les recettes procurées par les ventes en gros de boissons en dégageant des coefficients moyens, pondérés par catégorie de ventes pour déterminer un coefficient global ; que le coefficient global de bénéfice brut ainsi dégagé a été de 1,40 pour les années 1972 et 1973 et 1,43 pour les années 1974 et 1975 ; qu'il appartient à M. X..., dont le chiffre d'affaires a été, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, régulièrement rectifié d'office, d'apporter la preuve que ces coefficients sont excessifs et qu'il convient de les abaisser à 1,34 pour toutes les années ;
Considérant, en premier lieu, que si M. X... critique la méthode de l'expert qui, pour déterminer la valeur des achats correspondants aux ventes de septembre 1975, a retenu la moyenne, par catégorie de produits, des prix des achats des mois de juin, juillet et août 1975, et non de ceux de septembre, il n'apporte pas la preuve que cette méthode ait eu pour conséquence la minoration desdits achats et, par suite, une exagération du coefficient retenu ;

Considérant, en second lieu, que si M. X... soutient que l'expert, en retenant pour la période correspondant aux années 1974 et 1975, un coefficient supérieur à celui retenu pour la période antérieure n'a pas pris en compte les modifications intervenus dans ses conditions d'exploitation et tenant au développement de ventes à faible marge auprès de collectivités, il résulte de l'instruction qu'en retenant comme mois de référence le mois de septembre 1975, date à laquelle ces modifications étaient déjà intervenues, l'expert a nécessairement pris en compte ledit développement ;
Considérant, enfin, que la preuve de l'exagération desdits coefficients n'est pas davantage apportée par la référence à un coefficient moyen figurant dans une monographie professionnelle relative, au surplus, aux commerces de boissons au détail ;
En ce qui concerne la reconstitution des recettes du centre équestre :
Considérant que si M. X... soutient que la reconstitution des recettes procurées par le centre équestre qu'il exploitait, effectuée par le service pour 1972, 1973 et 1974 à partir des recettes déclarées en 1975, lesquelles représentent 6 heures de sortie par cheval et par semaine, il n'apporte pas la preuve, en faisant valoir que le manège ne fonctionnait que 3 jours par semaine, du caractère exagéré de ladite reconstitution ; que les rappels de taxes correspondant auxdites recettes doivent être remis à la charge de M. X... ;
En ce qui concerne les redressements relatifs à des erreurs de taux et au rejet de déductions pratiquées à tort :

Considérant que les conclusions de la demande relatives aux redressements mentionnés ci-dessus n'étaient assorties d'aucune justification de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé et n'étaient, par suite, pas recevables ; que les rappels de droits correspondant soit 8 419,78 F doivent donc être rétablis ;
En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des emballages consignés non rendus :
Considérant qu'aux termes de l'article 261-3 du code général des impôts : "Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée ... : 1° ... les ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leur exploitation" ; que si M. X... soutient que les emballages consignés à ses clients lui ont été eux-mêmes consignés par ses fournisseurs dont ils étaient la propriété et à qui il devait les rendre, il résulte de l'instruction que certains de ses clients à qui il livrait les boissons dans lesdits emballages consignés, les ont, pour un montant évalué par le service à 70 000 F, purement et simplement conservés ; qu'en pareille hypothèse, le montant de la consignation entre dans les recettes définitivement acquises au profit de l'exploitation et que, par suite, la livraison moyennant consignation des bouteilles et casiers dont s'agit constituait une "affaire" au sens de la législation sur la taxe sur la valeur ajoutée sans pouvoir être regardée dans les circonstances de l'espèce comme portant sur des biens usagés au sens des dispositions de l'article 261-3 précité ;
En ce qui concerne les pénalités afférentes à la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1975 :

Considérant, d'une part, que l'administration a appliqué aux droits rappelés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1972 une majoration de 50 % sur le fondement de l'article 1731 du code général des impôts ; que, toutefois, ladite majoration n'a pas été constatée dans la notification de redressement en date du 12 novembre 1976 mais seulement dans l'avis de mise en recouvrement de l'imposition litigieuse en date du 26 mai 1977 ; que M. X... est donc fondé à soutenir qu'à cette date le délai de la prescription prévue à l'article 1736 du code général des impôts était expiré et à demander la décharge de ladite pénalité ; qu'il y a lieu, toutefois, dans la limite du montant de cette pénalité, d'y substituer les indemnités de retard correspondantes ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard à l'utilisation de factures fictives et à la pratique de ventes sans facture, l'administration établit la mauvaise foi du contribuable ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION est fondé a demander le rétablissement des pénalités prévues à l'article 1731 du code général des impôts et afférentes aux droits rappelés pour la période du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1975 ;
En ce qui concerne la taxe afférente à la période du 1er janvier 1976 au 31 août 1976 :
Considérant que les redressements correspondant à la période du 1er janvier 1976 au 31 août 1976, laquelle est postérieure aux constatations des ventes sans factures effectuées dans les conditions susindiquées sur le fondement de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, n'ont pu trouver leur origine que dans la vérification de comptabilité dont l'exploitation de M. X... a fait l'objet ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code général des impôts relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez les contribuables ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que, toutefois, sur la demande écrite au contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration qui en devient dépositaire ; qu'en ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées ; qu'en outre, cette pratique ne peut avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles 1649 septies et 1649 septies F du code et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
Considérant que si M. X... a signé une pièce dans laquelle il déclare autoriser le vérificateur à emporter ses documents comptables, il résulte des termes mêmes de cette pièce et des conditions dans lesquelles elle a été établie que M. X... ne peut être regardé comme ayant demande au vérificateur d'emporter ces documents ; que, d'ailleurs, l'agent vérificateur n'a rencontré le contribuable qu'à deux reprises, le 22 septembre 1976 lorsqu'il a emporté les documents comptables et le 2 novembre 1976 pour l'informer des conclusions de la vérification ; que, compte tenu de ces circonstances M. X..., qui a été démuni des documents comptables de son exploitation pendant toute la durée de la vérification, a été privé de la possibilité de voir s'instaurer sur place le débat oral et contradictoire prévu par la loi ; qu'ainsi la procédure d'imposition dont sont issus les redressements relatifs à la période du 1er janvier au 31 août 1976 est irrégulière et le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice en a accordé la décharge à M. X... ;
Article 1er : Les compléments de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 14 809,06 F au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1972, de 6 981,42 F au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1973, de 34 020,36 F au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1974 et de 27 738,45 F au titrede la période du 1er janvier au 31 décembre 1975 sont remis à la charge de M. X....
Article 2 : Les compléments de taxe sur la valeur ajoutée dont M. X... est redevable au titre de la période couvrant l'année 1972seront assortis des indemnités de retard dans la limite de la majoration primitivement appliquée. Les compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. X... est assujetti au titre de la période du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1975 seront assortis de lamajoration prévue à l'article 1731 du code général des impôts .
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 24 janvier 1983 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du ministre est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 50916
Date de la décision : 23/05/1990
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE


Références :

CGI 261 par. 3, 1731, 1736, 1649 septies, 1649 septies F
Ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945


Publications
Proposition de citation : CE, 23 mai. 1990, n° 50916
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Laurent
Rapporteur public ?: Racine

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:50916.19900523
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