La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/1990 | FRANCE | N°108415

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 25 mai 1990, 108415


Vu la requête, enregistrée le 30 juin 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Mario P..., demeurant ... de la Réunion (97400) ; M. P... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 31 mai 1989 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 12 mars 1989 dans la commune de Saint-Leu de la Réunion, en vue de la désignation des conseillers municipaux,
2°) annule lesdites opérations électorales ;
Vu les au

tres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 88-1262 du 3...

Vu la requête, enregistrée le 30 juin 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Mario P..., demeurant ... de la Réunion (97400) ; M. P... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 31 mai 1989 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 12 mars 1989 dans la commune de Saint-Leu de la Réunion, en vue de la désignation des conseillers municipaux,
2°) annule lesdites opérations électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Chatelier, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Mario P... et de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de M. Jean-Luc XB... et ses 32 colistiers,
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;

Sur les griefs relatifs au décompte des suffrages :
Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au juge de l'élection de tirer les conséquences des irrégularités commises au cours du scrutin, en rectifiant, le cas échéant, les résultats de l'élection ; que lorsqu'il est impossible de déterminer sur quelle liste s'est portée la voix à retrancher ou à ajouter aux suffrages exprimés, le juge de l'élection procède au calcul des résultats qui seraient constatés dans chacune des hypothèses, en vérifiant si la liste arrivée en tête conserve la majorité absolue des suffrages ; qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a fait une exacte application des principes ci-dessus rappelés ;
Considérant, en second lieu, d'une part, que, le juge de l'élection devant examiner la validité de l'ensemble des votes émis dès lors que l'irrégularité de certains d'entre eux est invoquée devant lui, le tribunal administratif a pu à bon droit prononcer aux 10ème et 13ème bureau l'annulation de suffrages qui n'étaient pas contestés, mais dont l'irrégularité ressortait du dossier ; d'autre part, que la déchirure que comportait le bulletin de la liste de M. XB... tenu pour nul au 13ème bureau a été justement regardée comme constituant en l'espèce un signe de reconnaissance ;
Considérant, en troisième lieu, en ce qui concerne les votes émis avec des circulaires électorales que, d'une part, ni la légère différence existant entre l'intitulé des circulaires de la liste de M. P... et celui des bulletins de vote de cette liste, ni la circonstance que le nom de tous les candidats de la liste n'y figurait pas n'étaient de nature à créer un doute ur la volonté des électeurs qui les avaient utilisées pour voter ; que, d'autre part, il ressort de l'examen des bulletins annexés au procès-verbal que deux votes, et non un seul comme l'ont estimé les premiers juges, ont été valablement émis au moyen de circulaires en faveur de la liste de M. XB..., dont le nombre de suffrages se trouve ainsi porté à 5 089 voix ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'à la suite des rectifications opérées par le tribunal administratif, le nombre de suffrages obtenus par la liste de M. XB... s'établissait, compte tenu de la validation des cinq votes émis en sa faveur au moyen de professions de foi et du vote supplémentaire dont elle devait bénéficier au 9ème bureau, non à 4 708 voix comme l'ont indiqué les premiers juges, mais à 4 710 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu des 376 suffrages obtenus par la liste de M. XZ..., le nombre des suffrages exprimés a été de 10 175, la majorité absolue étant de 5 088 ; qu'avec 5 089 suffrages la liste de M. XB... conserve la majorité absolue nécessaire pour que des candidats puissent être proclamés élus au premier tour ; que la répartition des sièges opérée par le bureau de vote entre les différentes listes au vu des résultats proclamés le 12 mars 1989 ne se trouve pas modifiée ;
Sur le grief relatif à la diffusion tardive d'un tract :
Considérant que le requérant soutient qu'un tract anonyme a été diffusé dans la nuit du 11 au 12 mars 1989 précédant le premier tour du scrutin ; que ce document se borne à faire état de la titularisation d'un agent communal par le maire sortant et à indiquer que M. H..., l'un des colistiers de M. P..., avait publiquement exprimé son désaccord sur cette mesure ; que, toutefois, ledit tract ne comportait pas d'imputations injurieuses ou diffamatoires et n'excédait pas les limites de la polémique électorale ; qu'en outre, il ne peut être tenu pour établi au vu du dossier que la diffusion du document litigieux a été effectuée à une date trop tardive pour que M. P... puisse, s'il le jugeait utile, y répondre de manière appropriée ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, la diffusion dudit tract n'a pas faussé les résultats du scrutin ;
Sur le grief relatif à la destruction d'un procès-verbal par un des colistiers de M. XB... :

Considérant que s'il n'est pas contesté qu'un colistier de M. XB..., M. XH..., a déchiré pendant le déroulement du scrutin, vers 14 heures, le procès-verbal du douzième bureau de vote, il résulte de l'instruction et de l'examen dudit procès-verbal, qui est joint au dossier, que les assesseurs de ce bureau l'avaient irrégulièrement revêtu par avance de leur signature, sans attendre la clôture des opérations du scrutin et, qu'ainsi le geste de M. XH... a eu pour seul motif le désir d'éviter une irrégularité ; que la suspension des opérations de vote qui est résultée de cet incident n'a pas excédé quelques minutes et n'a pas empêché les électeurs de participer ensuite régulièrement au scrutin ; qu'enfin le rapprochement du procès-verbal déchiré et du procès-verbal définitif ne révèle pas d'incohérence, susceptible de jeter un doute sur l'authenticité des énonciations de ce dernier ; que, dans ces conditions et en l'absence de man euvres, le geste de M. XH... alors même qu'il est regrettable que M. XH... ait déchiré le procès-verbal au lieu d'attendre la fin du scrutin pour y porter une observation relative à l'irrégularité constituée par sa signature anticipée, n'a pas porté atteinte à la sincérité du scrutin ;
Sur le grief relatif aux actions de corruption dont se serait rendu coupable M. XB... :
Considérant que M. P... prétend que M. XB... aurait remis à certains électeurs, dans les jours précédant le premier tour du scrutin, des paniers de vivres et des sommes d'argent en leur demandant de voter pour la liste qu'il conduisait, en violation des dispositions de l'article L.106 du code électoral ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que si de nombreuses distributions de secours ont été effectuées dans la commune de Saint-Leu, à l'initiative aussi bien de la municipalité sortante que du conseil général, alors que la campagne électorale était en cours, ces distributions étaient rendues nécessaires par le passage en janvier 1989 du cyclone Firinga ; que M. P..., qui se borne à faire état de cinq attestations d'électeurs, d'ailleurs rédigées dans des termes similaires, n'apporte pas la preuve de ses allégations suivant lesquelles M. XB... aurait été à l'origine de distributions irrégulières ; qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de l'existence d'actes de corruption de la part de M. XB... doit être écarté ;
Sur l'éligibilité de M. C... :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.231-8°, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 1988, sont inéligibles dans le ressort où ils exercent leurs fonctions, les membres du cabinet du président du conseil général et du président du conseil régional, les directeurs généraux, les directeurs, directeurs adjoints, chefs de service et chefs de bureau de conseil général et de conseil régional ; que M. C..., qui est un agent de catégorie B, exerce les fonctions de chef de la circonscription de Saint-Leu de sa direction départementale des affaires sanitaires et sociales du département de la Réunion ; qu'il résulte de l'instruction que les fonctions de l'intéressé n'ont pas pour effet de lui conférer par elles-mêmes la qualité de chef de service ou de chef de bureau du conseil général du département de la Réunion, au sens des dispositions susrappelées de l'article L.231-8° du code électoral ; que, par suite, M. C... était éligible au conseil municipal de la ville de Saint-Leu, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. P... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 12 mars 1989 dans la ville de Saint-Leu ;
Article 1er : La requête de M. P... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. P..., à M.Poudroux, René Marcel G..., Jacky Joseph XH..., Guy XF..., Guy François C..., Morille Mario XX..., Marie-Yvonne Y... née E..., Henri-Paul Jean P..., Jean-Baptiste Roger O..., Joseph Alain M... Lucas, Stéphane Z..., à Mmes Marie-Noëlle Monique U..., Hélène O... née V..., à M. Louis Julien N..., à Mme Marie-Claude XI... née XA..., à MM. Marius XW...
T..., Jean-Daniel XC..., Jean-Pierre XG..., Patrick Joseph Christian I..., Jean-Narcisse Q..., Georges Henri XD...
F..., Jean Basile K..., René L..., Maximin Raphaël XY..., Louis Valère S..., Jean-Maurice X..., à Mme Marie-Roselyne P..., à MM. XE...
XG..., Jean-Marie Benjamin D..., Barnabé R..., Collin Jacques Bernard A..., Joseph J...
XJ..., Pierre-Johny B... et au ministre des départements et territoires d'outre-mer.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 108415
Date de la décision : 25/05/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - ELIGIBILITE - INELIGIBILITES - AGENTS DU CONSEIL GENERAL ET DU CONSEIL REGIONAL.

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - CAMPAGNE ET PROPAGANDE ELECTORALES - PROPAGANDE ELECTORALE - TRACTS.

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - OPERATIONS ELECTORALES - DEPOUILLEMENT - DECOMPTE DES BULLETINS - SIGNES DE RECONNAISSANCE.

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - OPERATIONS ELECTORALES - DEPOUILLEMENT - PROCES-VERBAL.

ELECTIONS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS DU JUGE - CONSEQUENCES TIREES PAR LE JUGE DES IRREGULARITES - RECTIFICATION DES RESULTATS ELECTORAUX.


Références :

Code électoral L106, L231 8°
Loi 88-1262 du 30 décembre 1988


Publications
Proposition de citation : CE, 25 mai. 1990, n° 108415
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Le Chatelier
Rapporteur public ?: Toutée

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:108415.19900525
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award