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01/06/1990 | FRANCE | N°39447

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 01 juin 1990, 39447


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 janvier 1982 et 14 mai 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Marcel Y..., demeurant ... ; M. Y... demande à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 19 novembre 1981 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1971, 1972, 1973 et 1974, du complément d'imposition à la majoration exceptionnelle de l'année 1973 mis à sa charge et des pénal

ités correspondantes ;
2°) le décharge des impositions contestées et d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 janvier 1982 et 14 mai 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Marcel Y..., demeurant ... ; M. Y... demande à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 19 novembre 1981 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1971, 1972, 1973 et 1974, du complément d'imposition à la majoration exceptionnelle de l'année 1973 mis à sa charge et des pénalités correspondantes ;
2°) le décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les impositions à l'impôt sur le revenu que conteste M. Y..., établies à son nom, au titre des années 1971 à 1974, procèdent des rehaussements des bénéfices industriels et commerciaux réalisés pendant les exercices clos au cours desdites années par l'entreprise individuelle de négoce en vêtements de confection et articles de prêt-à-porter féminin exploitée par Mme Y..., née X..., son épouse ; que, pour rectifier d'office les résultats de ladite entreprise individuelle, l'administration s'est fondée sur l'existence d'une comptabilité occulte portant sur les exercices d'imposition saisie à l'occasion d'une perquisition opérée, le 2 juillet 1975, sur le fondement des dispositions de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, alors en vigueur, par des agents de la brigade départementale du contrôle et de recherche, agissant à la requête du directeur départemental de la concurrence et des prix, dans les locaux de la société ;
Considérant que si le ministre se prévaut de ce que les services fiscaux étaient en droit, en application des dispositions de l'article 1987 du code général des impôts, de prendre connaissance des documents saisis dans les conditons ci-dessus rappelées et de les utiliser dans le cadre d'une vérification fiscale, il est constant qu'aucune suite pénale autre qu'en matière de fraude fiscale n'a été donnée à l'intervention de la brigade économique ; qu'en revanche l'administration s'est fondée, pour rectifier d'office les résultats de l'entreprise, sur les documents saisis à l'occasion de ladite intervention ;

Considérant qu'en l'absence de toute indication, devant le juge de l'impôt, sur la nature et le sérieux des soupçons d'infracton à la législation économique qui auraient été nécessaires pour légitimer une intervention administrative forcée au siège de l'entreprise de l'épouse du contribuable, il ressort manifestement de l'ensemble des circonstances ci-dessus indiquées que l'administration fiscale, qui ne disposait alors, pour les besoins du contrôle en matière d'impôt directs, d'aucune procédure légale d'intervention forcée dans des locaux professionnels, a en réalité utilisé la procédure de l'ordonnance du 30 juin 1945 à seule fin de rechercher les preuves d'infractions à la législation relative à l'impôt sur le revenu ; qu'elle a ainsi commis un détournement de procédure qui entache d'irrégularité la procédure à la suite de laquelle ont été établies les impositions litigieuses ; que, dès lors, M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des impositions contestées ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Lyon en date du 19 novembre 1981 est annulé.
Article 2 : Il est accordé à M. Y... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti au titre, respectivement, des années 1971, 1972, 1973 et 1974 et de l'année 1973 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 39447
Date de la décision : 01/06/1990
Sens de l'arrêt : Décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-01-01,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - DROIT DE COMMUNICATION -Irrégularité de l'exercice du droit de communication - Existence - Enquête procédant d'un détournement de procédure à des fins de contrôle fiscal - Existence (1).

19-01-03-01-01 Pour rectifier d'office les résultats de l'entreprise, l'administration s'est fondée sur l'existence d'une comptabilité occulte saisie à l'occasion d'une perquisition opérée sur le fondement des dispositions de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, alors en vigueur, par des agents de la brigade départementale du contrôle et de recherche, agissant à la requête du directeur départementale de la concurrence et des prix, dans les locaux de la société. Si le ministre se prévaut de ce que les services fiscaux étaient en droit, en application des dispositions de l'article 1987 du C.G.I., de prendre connaissance des documents saisis dans les conditions ci-dessus rappelées et de les utiliser dans le cadre d'une vérification fiscale, il est constant qu'aucune suite pénale autre qu'en matière de fraude fiscale n'a été donnée à l'intervention de la brigade économique. En l'absence de toute indication, devant le juge de l'impôt, sur la nature et le sérieux des soupçons d'infraction à la législation économique qui auraient été nécessaires pour légitimer une intervention administrative forcée au siège de l'entreprise, il ressort manifestement de l'ensemble des circonstances ci-dessus indiquées que l'administration fiscale, qui ne disposait alors, pour les besoins du contrôle en matière d'impôts directs, d'aucune procédure légale d'intervention forcée dans des locaux professionnels, a en réalité utilisé la procédure de l'ordonnance du 30 juin 1945 à seule fin de rechercher les preuves d'infractions à la législation relative à l'impôt sur le revenu. Elle a ainsi commis un détournement de procédure qui entache d'irrégularité les impositions litigieuses (1).


Références :

CGI 1987
Ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945

1.

Cf. Plénière 1987-02-11, Bon, n° 40565, p. 40


Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 1990, n° 39447
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: Mme Bechtel
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:39447.19900601
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