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11/06/1990 | FRANCE | N°92991

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 11 juin 1990, 92991


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 décembre 1987 et 5 avril 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Crédit Lyonnais, société anonyme dont le siège social est ..., représentée par le président de son conseil d'administration ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 5 octobre 1987 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le minis

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 décembre 1987 et 5 avril 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Crédit Lyonnais, société anonyme dont le siège social est ..., représentée par le président de son conseil d'administration ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 5 octobre 1987 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre des affaires sociales et de l'emploi sur son recours hiérarchique contre la décision du 7 novembre 1986 par laquelle l'inspecteur du travail de Béziers (Hérault) lui a refusé l'autorisation de licencier pour faute M. X..., délégué du personnel, de son emploi de chargé de la gestion de comptes de particuliers ;
2°) annule pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Daguet, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Vier, Barthélémy, avocat de la société anonyme Crédit Lyonnais,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 : "Sont amnistiés les faits commis avant le 22 mai 1988 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles. Toutefois, si ces mêmes faits ont donné lieu à une condamnation pénale, l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles est subordonnée à l'amnistie de la condamnation pénale. Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article, les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes m eurs ou à l'honneur ..." et qu'aux termes de l'article 15 de la loi "Sont amnistiés, dans les conditions fixées à l'article 14, les faits retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société anonyme Crédit Lyonnais a demandé l'autorisation de licencier M. X..., délégué du personnel, le 28 octobre 1986, aux motifs que l'intéressé s'était rendu coupable de pratiques frauduleuses en tirant un chèque le 3 juillet 1986 sur le compte d'une cliente, pour lequel il ne détenait pas de procuration, en imitant sa signature et que ces pratiques irrégulières s'étaient poursuivies, à l'insu de la banque, pendant sept ans ; que ces faits, qui sont établis et reconnus par M. X..., consituent des manquements à l'honneur et se trouvent par suite exclus du bénéfice de l'amnistie en vertu des dispositions précitées ; que la requête n'est dès lors pas devenue sans objet ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.425-1 du code du travail : "tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement" ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant qu'en dépit des circonstances particulières ayant incité M. X... à se croire investi d'une procuration de fait sur le compte de sa concubine et à procéder pendant de nombreuses années à toutes les opérations bancaires courantes dans des conditions irrégulières, son expérience professionnelle et sa position hiérarchique de chargé de la gestion des comptes de particuliers sont de nature à conférer aux faits incriminés, malgré le remboursement rapide de la somme en cause et l'absence d'intention frauduleuse, le caractère de faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement demandé ;

Considérant que cette demande est sans rapport avec le mandat de délégué du personnel dont M. X... était investi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société anonyme Crédit Lyonnais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre des affaires sociales et de l'emploi confirmant le refus de l'inspecteur du travail de Béziers en date du 7 novembre 1986 d'autoriser le licenciement pour faute de M. X... ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 octobre 1987, la décision du 7 novembre 1986 de l'inspecteur du travail de l'Hérault et la décision implicite confirmative du ministre des affaires sociales et de l'emploi sont annulés ;
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Crédit Lyonnais, à M. X... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 92991
Date de la décision : 11/06/1990
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

AMNISTIE - GRACE ET REHABILITATION - AMNISTIE - BENEFICE DE L'AMNISTIE - AMNISTIE DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES OU PROFESSIONNELLES - FAITS CONTRAIRES A LA PROBITE - AUX BONNES MOEURS - OU A L'HONNEUR - Pratiques frauduleuses d'un employé de banque.

07-01-01-02-02, 66-07-01-05-02 Délégué du personnel s'étant rendu coupable de pratiques frauduleuses en tirant un chèque le 3 juillet 1986 sur le compte d'une cliente, pour lequel il ne détenait pas de procuration, en imitant sa signature, ces pratiques irrégulières s'étant poursuivies, à l'insu de la banque, pendant sept ans. Ces faits, qui sont établis et reconnus par l'intéressé, constituent des manquements à l'honneur et se trouvent par suite exclus du bénéfice de l'amnistie.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE - Autres faits - Employé de banque ayant procédé à des opérations bancaires dans des conditions irrégulières.

66-07-01-04-02-01 En dépit des circonstances particulières ayant incité un employé de banque à se croire investi d'une procuration de fait sur le compte de sa concubine et à procéder pendant de nombreuses années à toutes les opérations bancaires courantes dans des conditions irrégulières, son expérience professionnelle et sa position hiérarchique de chargé de la gestion des comptes de particuliers au sein de la société qui l'employait sont de nature à conférer aux faits incriminés, malgré le remboursement rapide de la somme en cause et l'absence d'intention frauduleuse, le caractère de faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - EFFETS DE L'AMNISTIE - Faits entrant dans le champ d'application de l'amnistie - Absence.


Références :

Code du travail L425-1
Loi 88-828 du 20 juillet 1988 art. 14, art. 15


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 1990, n° 92991
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Daguet
Rapporteur public ?: M. Tuot
Avocat(s) : SCP Vier, Barthélémy, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:92991.19900611
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