Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR enregistré le 21 avril 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande que le Conseil d'Etat :
1°- annule le jugement du 10 mars 1988 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 28 août 1987 enjoigant à M. de Sousa de quitter le territoire français,
2°- rejette la demande présentée par M. de Sousa devant le tribunal administratif de Versailles,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Devys, Auditeur,
- les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que si l'article 25, 2°, 3° et 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction résultant des lois du 29 octobre 1981 et 17 juillet 1984 interdisait l'expulsion des étrangers résidant habituellement en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de 10 ans, depuis plus de quinze ans ou qui n'ont pas été condamnés définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis ou bien à plusieurs peines d'emprisonnement sans sursis au moins égales, ces dispositions ont été modifiées par la loi du 9 septembre 1986 qui a limité l'interdiction "à l'étranger qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituellement en France depuis qu'il a atteint l'âge de dix ans ou depuis plus de dix ans et qui n'a pas été condamné définitivement pour crime ou délit à une peine au moins égale à six mois d'emprisonnement sans sursis ou un an avec sursis ou à plusieurs peines d'emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes durées" ;
Considérant que l'expulsion d'un étranger n'a pas le caractère d'une sanction, mais d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics ; que, dès lors, les dispositions précitées de la loi du 9 septembre 1986, publiées au Journal Officiel le 12 septembre suivant, qui sont entrées en vigueur dans le délai prévu par le décret du 5 novembre 1870, pouvaient dès l'expiration de ce délai être appliquées à des étrangers remplissant les conditions fixées par elles, qu'elle que fût la date des condamnations retenues à leur encontre ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la circonstance que les condamnations retenues à l'encontre de M. De Sousa étaient antérieures à l'intervention de la loi précitée pour annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 28 août 1987 prononçant l'expulsion de l'intéressé ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. De Sousa devant le tribunal administratif de Versailles ;
Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée "sous réserve des dispositions de l'article 25, l'expulsion peut être prononcée par arrêté du ministre de l'intérieur si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace pour l'ordre public" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, et notamment du lourd passé délictueux de l'intéressé, que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public, le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. De Sousa devant le tribunal administratif de Versailles ;
Article 1er : Le jugement du 10 mars 1988 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. De Sousa devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. De Sousa.