Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 19 février 1987 et 5 juin 1987, présentés pour la société anonyme Creusot-Loire Entreprise (C.L.E.), dont le siège social est 170, place Henri Régnault Tour Technip Cedex 23 à Paris La Défense (92026), représentée par son président-directeur général en exercice ;
La société anonyme Creusot-Loire Entreprise (C.L.E.) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 1987, par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. Paul X..., la décision du 25 octobre 1984 de l'inspecteur du travail de la section n° 13 des Hauts-de-Seine autorisant son licenciement pour motif économique, ensemble la décision confirmative du 7 février 1985 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle rejetant le recours hiérarchique de M. X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la société anonyme Creusot-Loire Entreprise (C.L.E.),
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris :
Considérant que ni la société anonyme Creusot-Loire Entreprise (C.L.E.), ni le ministre des affaires sociales et de l'emploi n'apportent la preuve - qui incombe à ce dernier et ne ressort pas non plus des pièces du dossier - que la décision du 7 février 1985 par laquelle le ministre rejetait le recours hiérarchique formé le 22 novembre 1984 par M. X... contre la décision du 25 octobre 1984 de l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine autorisant son licenciement pour motif économique, ait été notifiée à M. X... plus de deux mois avant le 23 avril 1985, date à laquelle sa demande a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris ; que, dès lors, cette demande ne pouvait être regardée comme atteinte par la forclusion ; qu'en conséquence, le moyen tiré par la société anonyme Creusot-Loire Entreprise (C.L.E.) de la tardiveté de la requête de première instance ne saurait être accueilli ;
Sur la légalité de l'autorisation de licenciement :
Considérant qu'aux termes de l'article L.321-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "dans les entreprises ou établissements agricoles, industriels ou commerciaux ( ...) où sont occupés habituellement au moins cinquante salariés, les employeurs qui projettent d' effectuer un licenciement pour motif économique d'ordre conjoncturel ou structurel, sont tenus de réunir et de consulter le comité d'entreprise ..., lorsque le nombre des licenciements envisagés est au moins égal à dix dans une même période de trente jours ..." ; qu'aux termes de l'article L.321-8 : "l'employeur ne peut saisir l'autorité administrative compétente d'une demande d'autorisation de licenciement collectif ( ...) qu'au terme de la procédure d'information et de consultation du personnel telle qu'elle est organisée par les articles L.321-4 et L.321-5 et éventuellement précisée par des accords contractuels" ; qu'enfin, en vertu de l'article L.321-9 : "pour toutes les demandes de licenciements collectifs portant sur les cas visés à l'article L.321-3 ( ...), l'autorité administrative compétente dispose d'un délai de trente jours, à compter de la date d'envoi de la demande de licenciement, pour vérifier les conditions d'application de la procédure de concertation ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si le comité central d'entreprise et les comités d'établissement de la société anonyme Creusot-Loire Entreprise (C.L.E.) ont bien été consultés les 5 et 26 juillet 1984 sur le projet de licenciement pour motif économique de 167 salariés appartenant à cette entreprise, les mandats de leurs membres respectifs - qui étaient parvenus à expiration le 12 mai 1984 - n'avaient fait l'objet d'aucune prorogation expresse notamment dans le protocole d'accord conclu le 2 juillet 1984 entre la direction et les organisations syndicales, qui n'avait pour objet que de reporter au 21 novembre 1984 la date à laquelle devait se dérouler le premier tour des élections aux comités précités ; que, dans ces conditions, la procédure de consultation préalable ayant été substantiellement viciée, l'inspecteur du travail était légalement tenu de refuser l'autorisation de licenciement sollicitée ; qu'en rejetant le recours hiérarchique formé par M. X... contre la décision illégale susmentionnée de l'inspecteur du travail, le ministre des affaires sociales et de l'emploi a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société anonyme Creusot-Loire Entreprise (C.L.E.) n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 25 octobre 1984 de l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine autorisant le licenciement pour motif économique de M. X... ainsi que la décision du 7 février 1985 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle rejetant le recours hiérarchique de l'intéressé ;
Article 1er : La requête de la société anonyme Creusot-Loire Entreprise (C.L.E.) est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Creusot-Loire Entreprise (C.L.E.), à M. X... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.