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29/06/1990 | FRANCE | N°90541

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 29 juin 1990, 90541


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, les 19 août 1987 et 21 décembre 1987 présentés pour M. Aristide Y..., demeurant ..., M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 14 août 1986 par laquelle le ministre des affaires sociales et de l'emploi a annulé la décision de l'inspecteur du travail du Rhône en date du 27 mars 1986 et autorisé la société l'Auxiliaire à le licenci

er ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
Vu les aut...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, les 19 août 1987 et 21 décembre 1987 présentés pour M. Aristide Y..., demeurant ..., M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 14 août 1986 par laquelle le ministre des affaires sociales et de l'emploi a annulé la décision de l'inspecteur du travail du Rhône en date du 27 mars 1986 et autorisé la société l'Auxiliaire à le licencier ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu le décret n° 47-233 du 23 janvier 1947 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dutreil, Auditeur,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. Y... et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la société l'Auxiliaire,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par la décision contestée en date du 14 août 1986, le ministre des affaires sociales et de l'emploi a annulé le refus d'autorisation prononcé le 27 mars 1986 par l'inspecteur du travail du département du Rhône et a autorisé la société mutuelle d'assurance l'Auxiliaire à licencier pour faute M. Aristide Y..., inspecteur d'assurance de ladite société et secrétaire du comité d'entreprise ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 436-1 du code du travail, les membres du comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité administrative compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée ;
Considérant qu'en vertu de l'article R. 436-6 du code du travail, "le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet" ; que, d'autre part, aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 23 janvier 1947, dans sa rédaction applicable à la date de la décision ministérielle contestée : "les ministres peuvent, par arrêté, donner délégation pour signer tous actes individuels ou réglementaires, à l'exception des décrets ... 2°) aux fonctionnaires de leur administration centrale ayant au moins le grade d'administrateur civil de 2ème classe, ou un grade équivalent, en ce qui concerne les affaires des services relevant de leur autorité" ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l'article R. 436-6 du code du travail n'ont pas pour effet d'attribuer au ministre une compétence strictement personnelle ; qu'il s'ensuit que le ministre des affaires sociales et de l'emploi était en droit de donner délégation, dans le cadre des dispositions réglementaires relatives aux délégations, pour signer les actes mentionnés par ledit article R. 436-6 ;
Considérant, en second lieu, que par arrêté du 7 avril 1986, publié au Journal Officiel du 9 avril, le ministre des affaires sociales et de l'emploi a délégué sa signature à Mme Martine X..., directeur des relations du travail, et, en cas d'absence ou d'empêchement de celle-ci, à M. Jacques Z..., chef de service ; que la délégation ainsi consentie par le ministre à M. Z..., en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Martine X..., n'a pas le caractère d'une subdélégation donnée par cette dernière ; qu'il n'est pas établi, ni même allégué par le requérant, que le directeur des relations du travail n'ait pas été empêché de signer la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par M. Y... de ce que M. Z... était incompétent pour signer la décision du 14 août 1986 autorisant son licenciement ne peut être accueilli ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant que M. Y... a signé le 1er juillet 1982 avec son employeur une convention en vertu de laquelle, d'une part, il s'engageait à ne pas participer, pendant ou à l'occasion de son activité d'inspecteur à la société l'Auxiliaire, à la gestion du bureau de courtage d'assurance que son épouse avait l'intention d'ouvrir, et, d'autre part, ledit bureau de courtage s'interdisait toute démarche auprès de la clientèle existante ou potentielle de la société l'Auxiliaire, ladite clientèle s'entendant de toute personne ou organisme exerçant une profession se rattachant directement ou indirectement à l'industrie du bâtiment et des travaux publics ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en méconnaissance de cette convention, M. Y... a participé personnellement et activement, pendant son activité d'inspecteur à l'Auxiliaire, à la gestion du bureau de courtage d'assurance susmentionné, qui avait d'ailleurs été inscrit le 28 juin 1982 sous son propre nom, et non sous celui de son épouse, au registre du commerce de Mâcon ; qu'en outre, ledit bureau de courtage avait dans sa clientèle des entreprises relevant du secteur des bâtiments et des travaux publics ; qu'ainsi, M. Y... n'a pas respecté les engagements qu'il avait pris à l'égard de la société l'Auxiliaire et a exercé une activité concurrente susceptible de nuire aux intérêts commerciaux de cette société ; que ces faits, qui sont sans rapport avec les fonctions représentatives de l'intéressé, étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre des affaires sociales et de l'emploi du 14 août 1986 autorisant son licenciement pour faute ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à la société l'Auxiliaire et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 90541
Date de la décision : 29/06/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - DELEGATIONS - SUPPLEANCE - INTERIM - DELEGATION DE SIGNATURE.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - MODALITES DE DELIVRANCE OU DE REFUS DE L'AUTORISATION - AUTORITE COMPETENTE.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE.


Références :

Code du travail L436-1, R436-6
Décret 47-233 du 23 janvier 1947 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 1990, n° 90541
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Dutreil
Rapporteur public ?: Tuot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:90541.19900629
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