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06/07/1990 | FRANCE | N°77546

France | France, Conseil d'État, Section, 06 juillet 1990, 77546


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 avril 1986 et 8 août 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Clinique les Martinets, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 9 janvier 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'article 2 de la décision en date du 15 mars 1984 par lequel le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale lui a refusé

l'autorisation d'installer cinq postes d'hémodialyse supplémentaires, et ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 avril 1986 et 8 août 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Clinique les Martinets, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 9 janvier 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'article 2 de la décision en date du 15 mars 1984 par lequel le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale lui a refusé l'autorisation d'installer cinq postes d'hémodialyse supplémentaires, et contre la décision en date du 7 août 1984 par laquelle le ministre précité a rejeté son recours gracieux contre l'article 2 dudit arrêté ;
2°) annule pour excès de pouvoir lesdites décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 ;
Vu la loi n° 79-1740 du 29 décembre 1979 ;
Vu le décret n° 72-923 du 28 septembre 1972 ;
Vu le décret n° 73-54 du 11 janvier 1973 ;
Vu le décret n° 73-296 du 9 mars 1973 ;
Vu le décret n° 84-248 du 5 avril 1984 ;
Vu l'arrêté du 14 mars 1983 ;
Vu l'arrêté du 9 avril 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Daguet, Auditeur,
- les observations de Me Brouchot, avocat de la société anonyme Clinique les Martinets,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision ministérielle du 15 mars 1984 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant, d'une part, qu'en vertu des articles 31-2° et 33-1° de la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière, l'installation dans tout établissement sanitaire privé d'équipements matériels lourds est subordonnée à l'octroi d'une autorisation qui ne peut être légalement accordée que si l'opération répond aux besoins de la population, tels qu'ils résultent de la carte sanitaire ; que, par arrêté en date du 14 mars 1983, encore en vigueur le 15 mars 1984 et pris sur le fondement de l'article 1er du décret n° 73-54 du 11 janvier 1973 relatif à la carte sanitaire, le ministre de la santé a fixé, sur la base de 40 à 50 postes par million d'habitants, y compris les postes d'entraînement à la dialyse à domicile, l'indice des besoins afférents au traitement par hémodialyse de l'insuffisance rénale chronique de l'adulte ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 9 mars 1973, encore en vigueur le 15 mars 1984 et déterminant, en application du deuxième alinéa de l'article 34 de la même loi, les équipements pour lesquels l'autorisation susmentionnée ne peut être délivrée que par le ministre chargé de la santé, les besoins relatifs à l'hémodilyse périodique "sont évalués au plan national ou plurirégional" ; qu'ainsi, étant saisi d'une demande d'autorisation relative à la création ou à l'extension d'équipements d'hémodialyse périodique, le ministre devait faire application de l'indice susmentionné dans le cadre non d'un département ou d'une région sanitaire, mais soit de l'ensemble du territoire national, soit d'un groupe de régions, préalablement déterminé par voie réglementaire ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée du 15 mars 1984 que pour refuser à la société "Clinique les Martinets", par l'article 2 de cette décision, l'autorisation de créer cinq postes d'hémodialyse à Rueil-Malmaison, le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale s'est exclusivement fondé sur le fait que les besoins en équipement de ce type étaient couverts tant dans le département des Hauts-de-Seine et dans la région d'Ile de France que sur le plan plurirégional ; que, par suite, en l'absence d'une disposition réglementaire ayant préalablement constitué un groupement plurirégional pour l'appréciation des besoins en matière d'hémodialyse, le ministre a fait une inexacte application des dispositions législatives et réglementaires susmentionnées ;
Considérant, d'autre part, que, si le ministre se prévaut, devant la juridiction administrative, de ce qu'au plan national le taux de postes autorisés atteignait 43 postes par million d'habitants, cette situation n'avait pas pour conséquence, compte tenu de l'indice des besoins défini par l'arrêté précité du 14 mars 1983, de l'obliger à refuser l'autorisation sollicitée ; qu'un tel motif ne peut donc se substituer au motif juridiquement erroné retenu à l'appui de sa décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision du 15 mars 1984 ;

Sur la légalité de la décision ministérielle du 7 août 1984 :
Considérant que l'illégalité dont est entachée la décision de rejet du 15 mars 1984 n'entraîne pas nécessairement l'annulation de la décision en date du 7 août 1984 par laquelle le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale a rejeté le recours gracieux dont la société requérante l'avait saisi contre ladite décision ;
En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 7 août 1984 :
Sur le moyen relatif à la compétence du signataire :
Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 17 du décret du 28 septembre 1972, le directeur des hôpitaux, vice-président de la commission nationale de l'hospitalisation, pouvait régulièrement présider la séance de ladite commission du 12 janvier 1984 au cours de laquelle ont été examinées les demandes de la "Clinique les Martinets", dès lors que le président de la commission était empêché d'y participer ; que, d'autre part, M. de X..., directeur des hôpitaux, bénéficiait d'une délégation de signature qui lui avait été consentie par le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale ; que les pouvoirs ainsi attribués par les textes précités au directeur des hôpitaux l'autorisaient à signer, même après avoir présidé la séance au cours de laquelle la commission a formulé à l'intention du ministre son avis sur les demandes de la clinique, la décision du 7 août 1984 ;

Sur le moyen relatif à la régularité de la procédure consultative préalable :
Considérant qu'il résulte de l'alinéa 2 de l'article 34 de la loi précitée du 31 décembre 1970, tant avant qu'après la modification que lui a apportée la loi du 29 décembre 1979 et compte tenu des dispositions transitoires énoncées par l'article 11 de cette loi, que le ministre chargé de la santé doit consulter la commission nationale de l'hospitalisation avant de se prononcer sur les demandes d'autorisation prévues à l'article 33 de ladite loi lorsque celles-ci concernent les cas dont la liste est fixée par décret ; que cette liste, fixée par le décret précité du 9 mars 1973 puis par le décret du 5 avril 1984, comportait notamment les appareils d'hémodialyse périodique ; que, par suite, le ministre, en consultant la commission nationale de l'hospitalisation, a respecté les dispositions susanalysées ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision du 7 août 1984 :
Sur le moyen tiré de la violation des règles relatives à l'évaluation des besoins :
Considérant que le ministre était tenu d'appliquer la réglementation en vigueur à la date à laquelle, statuant sur le recours gracieux de la société requérante, il s'est prononcé sur la demande présentée par ladite société ; qu'à cette date, le décret précité du 9 mars 1973 avait été abrogé par le décret précité du 5 avril 1984 ; qu'en vertu de l'article 2 de ce décret, les besoins en matière de postes d'hémodialyse devaient être évalués par le ministre dans le cadre de chaque région sanitaire ; qu'en outre, l'arrêté précité du 14 mars 1983 avait été abrogé par l'arrêté du 9 avril 1984, qui fixait sur la base de 40 à 45 postes par million d'habitants, y compris les postes d'entraînement à la dialyse à domicile ou à l'autodialyse, l'indice des besoins afférents au traitement par hémodialyse ;

Considérant que le ministre s'est fondé sur la circonstance que le nombre de postes d'hémodialyse autorisés dans la région d'Ile-de-France avait atteint le chiffre de 47 par million d'habitants ; que la requérante ne conteste plus en appel ce chiffre, dont l'exactitude est établie par les pièces du dossier ;
Considérant qu'eu égard au dépassement constaté en Ile-de-France du taux autorisé par l'indice de besoins fixé par l'arrêté du 9 avril 1984, le ministre a fait, au jour de sa seconde décision, une exacte application des dispositions réglementaires susrappelées en rejetant la demande d'installation de cinq postes d'hémodialyse supplémentaires ; que la circonstance que le ministre se serait livré à une appréciation différente de l'évaluation des besoins en autorisant, le 21 janvier 1986, la clinique-hôpital La Roseraie à créer un centre d'hémodialyse de 12 postes à Aubervilliers, est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;
Sur le moyen tiré de la violation de la règle de l'antériorité :
Considérant que l'article 47 de la loi précitée du 31 décembre 1970 institue la caducité d'un refus d'autorisation motivé par l'existence d'un autre programme susceptible de couvrir les besoins définis par la carte sanitaire si ledit programme n'a pas fait l'objet d'un commencement d'exécution dans certains délais et prévoit que l'autorisation est alors accordée de plein droit, sous réserve des dispositions de l'article 33 de la loi, à l'auteur de la demande s'il la confirme ; que, d'après l'article 13 du décret précité du 28 septembre 1972, en cas de pluralité de demandes, l'autorisation de plein droit est accordée à celle qui a été enregistrée la première ;

Considérant que la société requérante ne justifie pas, et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, que la décision en date du 14 octobre 1983 par laquelle le ministre avait rejeté sa première demande d'installation de cinq postes d'hémodialyse supplémentaires ait été motivée par l'existence d'un autre programme susceptible de couvrir les besoins définis par la carte sanitaire ; que, dès lors, quelle qu'ait pu être la date de la demande présentée par la clinique La Roseraie, tendant à la création d'un centre d'hémodialyse de 12 postes et rejetée par le ministre le 29 décembre 1983, la requérante ne saurait, en tout état de cause, réclamer le bénéfice de l'antériorité dont elle se prévaut ni soutenir que le ministre aurait méconnu les règles précitées en autorisant ultérieurement, le 21 janvier 1986, la clinique La Roseraie à créer le centre précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société "Clinique les Martinets" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 7 août 1984 ;
Article 1er : Le jugement du 9 janvier 1986 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société "Clinique les Martinets" dirigées contre l'article 2 de la décision en date du 15 mars 1984 par lequel le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale a refusé d'autoriser la requérante à installer cinq postes d'hémodialyse supplémentaires.
Article 2 : L'article 2 de ladite décision ministérielle est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société "Clinique les Martinets" est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société "Clinique les Martinets" et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 77546
Date de la décision : 06/07/1990
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - TEXTE APPLICABLE - Autorité administrative statuant sur un recours gracieux contre une décision non créatrice de droits.

01-08-03 Saisie d'un recours gracieux contre une décision non créatrice de droits l'autorité administrative est tenue d'appliquer les textes en vigueur à la date à laquelle elle se prononce sur le recours.

SANTE PUBLIQUE - ETABLISSEMENTS PRIVES D'HOSPITALISATION - AUTORISATIONS DE CREATION - D'EXTENSION OU D'INSTALLATION D'EQUIPEMENTS MATERIELS LOURDS - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION - Dispositions applicables - Recours gracieux contre un refus d'autorisation - Application des dispositions en vigueur au jour de la seconde décision.

61-07-01-03 Saisi d'un recours gracieux contre sa décision du 15 mars 1984 refusant d'autoriser un établissement privé à créer cinq postes d'hémodialyse supplémentaires, le ministre chargé de la santé était tenu d'appliquer la réglementation en vigueur à la date à laquelle, statuant sur le recours gracieux de cet établissement, il s'est prononcé sur la demande présentée par ledit établissement. A cette date, le décret du 9 mars 1973 avait été abrogé par le décret du 5 avril 1984. En vertu de l'article 2 de ce décret, les besoins en matière de postes d'hémodialyse devaient être évalués par le ministre dans le cadre de chaque région sanitaire. En outre, l'arrêté du 14 mars 1983, encore en vigueur le 15 mars 1984 et pris sur le fondement de l'article 1er du décret du 11 janvier 1973 relatif à la carte sanitaire, par lequel le ministre de la santé avait fixé, sur la base de 40 à 50 postes par million d'habitants, y compris les postes d'entraînement à la dialyse à domicile, l'indice des besoins afférents au traitement par hémodialyse de l'insuffisance rénale chronique de l'adulte, avait été abrogé par l'arrêté du 9 avril 1984, qui fixait sur la base de 40 à 45 postes par million d'habitants, y compris les postes d'entraînement à la dialyse à domicile ou à l'autodialyse, l'indice des besoins afférents au traitement par hémodialyse. Eu égard au dépassement constaté en Ile-de-France du taux autorisé par l'indice de besoins fixé par l'arrêté du 9 avril 1984, le ministre a fait, au jour de sa seconde décision, une exacte application des dispositions réglementaires susrappelées en rejetant la demande d'installation de cinq postes d'hémodialyse supplémentaires.


Références :

Décret 72-923 du 28 septembre 1972 art. 17, art. 13
Décret 73-296 du 09 mars 1973 art. 1
Décret 73-54 du 11 janvier 1973 art. 1
Décret 84-248 du 05 avril 1984 art. 2
Loi 70-1318 du 31 décembre 1970 art. 31, art. 34 al. 2, art. 47, art. 33
Loi 79-1740 du 29 décembre 1979 art. 11, art. 33


Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 1990, n° 77546
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Daguet
Rapporteur public ?: M. Hubert
Avocat(s) : Me Brouchot, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:77546.19900706
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