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11/07/1990 | FRANCE | N°95476

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 11 juillet 1990, 95476


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 février 1988 et 22 juin 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société anonyme "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION", dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la société anonyme "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 26 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre les décisions du 10 mars 1986 par lesquelles l'inspecteur du travail de

la 4ème section de Nantes a exigé la modification des articles 2-6-3 et...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 février 1988 et 22 juin 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société anonyme "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION", dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la société anonyme "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 26 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre les décisions du 10 mars 1986 par lesquelles l'inspecteur du travail de la 4ème section de Nantes a exigé la modification des articles 2-6-3 et 4-4-6 de son règlement intérieur,
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Charzat, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de la société anonyme "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION",
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-34 du code du travail : "Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement ; les règles générales et permanentes relatives à la discipline ..." ; qu'en vertu de l'article L. 122-35 du même code : "Le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements ... Il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" ; qu'aux termes de l'article L. 122-37, "l'inspecteur du tavail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L. 122-34 et L. 122-35" ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION a eu communication du mémoire en défense du ministre des affaires sociales et de l'emploi enregistré le 8 septembre 1986 au greffe du tribunal administratif de Nantes, auquel elle a d'ailleurs répondu ; qu'à supposer même que la société n'ait pas eu communication du mémoire du ministre enregistré le 2 février 1987, cette circonstance est sans influence sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal dès lors que, par ledit mémoire, le ministre des affaires sociales et de l'emploi se bornait à faire connaître que le mémoire en réplique de la sciété n'appelait aucune observation de sa part ;

Sur la légalité des décisions de l'inspecteur du travail en date du 10 mars 1986 :
En ce qui concerne l'article 2-6-3 du règlement intérieur :
Considérant que l'article 2-6-3 du règlement intérieur établi par la société "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION" dispose que : "Sauf exercice des droits reconnus aux représentants du personnel et représentants syndicaux dans les conditions et selon les modalités fixées par la législation en vigueur, il est interdit : - de quitter son poste de travail sans autorisation du chef de service, une autorisation écrite est nécessaire pour s'absenter hors de l'entreprise ; - d'introduire dans l'entreprise des personnes étrangères au service ; - de séjourner dans les locaux en dehors des heures de travail ; - de diffuser dans les emprises de l'établissement journaux, tracts, pétitions, de procéder à des affichages non autorisés par la direction" ;
Considérant, d'une part, que ces dispositions, qui fixent des règles générales et permanentes relatives à la discipline, n'apportent pas des restrictions injustifiées aux libertés individuelles des salariés de l'entreprise ; que si l'employeur, qui n'y était d'ailleurs pas tenu, n'a pas fait figurer à cet article du règlement intérieur, mais à l'article 4-4-5, un rappel des dispositions du code du travail relatives au droit de tout salarié de se retirer d'une situation de travail qu'il estime dangereuse, cette circonstance ne saurait avoir pour conséquence de priver de ce droit les salariés de l'entreprise ;
Considérant, d'autre part, qu'en énonçant que les prescriptions qu'il édicte s'appliquent "sauf exercice des droits reconnus aux représentants du personnel et représentants syndicaux dans les conditions et selon les modalités fixées par la législation en vigueur", l'article 2-6-3 du règlement intérieur a pour objet et pour effet de réserver expressément l'application de toutes les dispositions législatives et réglementaires relatives notamment à l'exercice du droit syndical et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel, y compris du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, sans qu'il soit nécessaire de mentionner distinctement chacune de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 2-6-3 du règlement intérieur litigieux ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 122-35 du code du travail ; que, par suite, la société "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 10 mars 1986 de l'inspecteur du travail de la 4ème section de Nantes en tant qu'elles exigeaient la modification dudit article ;
En ce qui concerne l'article 4-4-6 du règlement intérieur :
Considérant que l'article 4-4-6 du règlement intérieur litigieux, relatif à l'utilisation des sièges, dispose que : "Conformément à l'article R. 232-29 du code du travail, des sièges sont mis à la disposition du personnel dans la salle de repos. Sauf urgence, l'accès à la salle de repos est autorisé lors de chaque pause ou après accord du chef de service. Le personnel de caisse est soumis aux mêmes règles ; néanmoins l'utilisation du siège attenant à la caisse est permis aux femmes enceintes ou à tout autre cas particulier après acceptation de la chef de caisse" ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.231-2 du code du travail : "Des règlements d'administration publique déterminent : 1°/ les mesures générales de protection et de salubrité applicables à tous les établissements assujettis ..." ; et qu'aux termes de l'article R. 232-29 du même code : "Un siège approprié est mis à la disposition de chaque travailleur à son poste de travail lorsque l'exécution du travail est compatible avec la station assise, continue ou intermittente. Toutefois, dans les cas où la station assise ne peut être qu'intermittente, le siège peut être installé à proximité du poste de travail si la nature du travail s'y prête. Des sièges en nombre suffisant sont mis à la disposition collective des travailleurs à proximité des postes de travail lorsque l'exécution du travail n'est pas compatible avec la station assise. - Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, l'usage des sièges doit être autorisé dans toute la mesure où il est compatible avec l'exécution du travail" ;

Considérant que l'inspecteur du travail, estimant que l'exécution du travail du personnel de caisse n'était pas incompatible avec la station assise continue, a, par les décisions attaquées, exigé que l'article 4-4-6 du règlement intérieur soit modifié en vue d'énoncer que "des sièges appropriés soient mis à la disposition des personnels de caisse à leur poste de travail" ; que, pour contester ces décisions, la société " SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION" soutient, d'une part, que l'inspecteur du travail s'est illégalement immiscé dans les pouvoirs de gestion de l'employeur, et, d'autre part, que "le travail de caisse en station debout permet une meilleure surveillance, notamment par la vérification beaucoup plus facile du contenu des chariots de marchandises" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il incombait à l'inspecteur du travail, en vertu des dispositions des articles L. 122-35 et L. 122-37 précitées du code du travail, de vérifier si la clause litigieuse du règlement intérieur était conforme à la règle d'hygiène fixée par l'article R. 232-29 dudit code et, par suite, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si l'exécution du travail du personnel de caisse était ou non incompatible avec la station assise continue ; qu'en second lieu, compte tenu notamment des justifications susmentionnées apportées par la société requérante, une telle incompatibilité ne résulte pas des pièces du dossier ; que, dès lors la société "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions de l'inspecteur du travail en tant qu'elles exigeaient la modification de l'article 4-4-6 de son règlement intérieur ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 novembre 1987 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la société anonyme "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION" dirigées contre les décisions en date du 10 mars 1986 de l'inspecteur du travail de la 4ème section de Nantes en tant qu'elles exigent la modification de l'article 2-6-3 du règlement intérieur de ladite société. Les décisions susmentionnées de l'inspecteur du travail sont annulées en tant qu'elles exigent la modification de l'article 2-6-3 dudit règlement intérieur.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION" est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "SAINT-HERBLAIN DISTRIBUTION" et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 95476
Date de la décision : 11/07/1990
Sens de l'arrêt : Annulation partielle rejet surplus
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-03-01-01 TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - REGLEMENT INTERIEUR - CONTROLE PAR L'INSPECTEUR DU TRAVAIL -Pouvoirs de l'inspecteur du travail - Non conformité d'une clause du règlement avec une règle d'hygiène fixée par l'article R.232-29 du code du travail - Légalité de la décision de l'inspecteur du travail exigeant la modification de la clause.

66-03-01-01 Aux termes de l'article R.232-29 du code du travail : "Un siège approprié est mis à la disposition de chaque travailleur à son poste de travail lorsque l'exécution du travail est compatible avec la station assise, continue ou intermittente". L'inspecteur du travail, estimant que l'exécution du travail du personnel de caisse n'était pas incompatible avec la station assise continue, a, par les décisions attaquées, exigé que l'article 4-4-6 du règlement intérieur de la société Saint-Herblain Distribution soit modifié en vue d'énoncer que "des sièges appropriés soient mis à la disposition des personnels de caisse à leur poste de travail". Pour contester ces décisions la société Saint-Herblain Distribution soutient, d'une part, que l'inspecteur du travail s'est illégalement immiscé dans les pouvoirs de gestion de l'employeur, et, d'autre part, que "le travail de caisse en station debout permet une meilleure surveillance, notamment par la vérification beaucoup plus facile du contenu des chariots de marchandises". En premier lieu, il incombait à l'inspecteur du travail, en vertu des dispositions des articles L.122-35 et L.122-37 du code du travail, de vérifier si la clause litigieuse du règlement intérieur était conforme à la règle d'hygiène fixée par l'article R.232-29 dudit code et, par suite, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si l'exécution du travail du personnel de caisse était ou non incompatible avec la station assise continue. En second lieu, compte tenu notamment des justifications susmentionnées apportées par la société requérante, une telle incompatibilité ne résulte pas des pièces du dossier. Rejet de la requête.


Références :

Code du travail L122-34, L122-35, L122-37, L231-2, R232-29


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 1990, n° 95476
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: Mme Charzat
Rapporteur public ?: M. Tuot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:95476.19900711
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