La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/1990 | FRANCE | N°60877

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 20 juillet 1990, 60877


Vu la décision en date du 15 février 1989 pour laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur les requêtes présentées pour le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE FREJUS SAINT RAPHAEL et tendant 1°) sous le n° 60 877, à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 27 avril 1984 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamné à réparer les conséquences dommageables du décès de M. X... et rejette la demande présentée par Mme X... et ses enfants devant le tribunal administratif de Nice ; et 2°) sous le n° 73 053, à ce que le Conseil d'Etat annule le jugemen

t du 20 août 1985 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a...

Vu la décision en date du 15 février 1989 pour laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur les requêtes présentées pour le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE FREJUS SAINT RAPHAEL et tendant 1°) sous le n° 60 877, à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 27 avril 1984 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamné à réparer les conséquences dommageables du décès de M. X... et rejette la demande présentée par Mme X... et ses enfants devant le tribunal administratif de Nice ; et 2°) sous le n° 73 053, à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 20 août 1985 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamné à verser aux consorts X... diverses indemnités en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait du décès de M. X..., a ordonné une expertise en vue : 1° de déterminer s'il existe un lien direct de cause à effet entre la radiculographie subie par M. X..., le 31 juillet 1978 et son décès le lendemain ; 2° d'indiquer les raisons médicales du délai de 8 jours recommandé par le fabricant du Dimer-X entre une ponction lombaire et la radiculographie opérée au moyen de ce produit ; 3° de déterminer s'il existe un lien de causalité entre le décès de M. X... et le fait qu'un délai de six jours seulement ait été observé ; 4° de dire si l'oedème cérébral qui a entraîné la mort de M. X... pouvait être décelé pendant son sommeil ; 5° de préciser si un tel constat aurait permis d'éviter une issue fatale ; 6° de donner toute appréciation susceptible d'éclairer le juge sur les manquements aux règles de l'art de lacunes dans l'organisation du service hospitalier ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Maugüé, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE FREJUS-SAINT-RAPHALEL et de la S.C.P. Le Bret, Laugier, avocat des consorts X...,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décision en date du 15 février 1989, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a ordonné qu'il soit procédé avant-dire droit à une expertise médicale en vue de déterminer, en particulier, s'il existait un lien direct de cause à effet entre l'examen de radiculographie subi par M. X... le 31 juillet 1978 et son décès le lendemain et, d'une façon générale, de donner toute appréciation technique de nature à éclairer le juge sur les manquements aux règles de l'art et les lacunes dans l'organisation du service hospitalier qu'invoquent les consorts X... ; que le professeur Y..., expert commis par le président de la setion du Contentieux du Conseil d'Etat, a déposé son rapport le 24 janvier 1990 ;
Sur le principe de la responsabilité :
Considérant que M. Manuel X... qui souffrait de douleurs lombosciatiques consécutives à une chute de deux mètres survenue quatre mois plus tôt dans l'exercice de ses activités a été admis au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE FREJUS-SAINT-RAPHALEL le 24 juillet 1978 ; qu'il y a subi une ponction lombaire le 26 juillet et une radiculographie, examen consistant dans l'injection intrarachidienne d'un produit de contraste, pour l'exécution d'une radiographie destinée à déceler une éventuelle hernie discale, le 31 juillet à onze heures ; qu'il y est décédé le lendemain de cet examen, le 1er août 1978 à six heures, d'un oedème cérébral ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport de l'expert commis par le Conseil d'Etat, que l'origine de la complication à laquelle a succombé M. X... doit être recherchée dans la présence chez le patient de lésions intrarachidiennes préexistantes à son hospitalisation et qui, occasionnées par la chute de M. X... le 29 mars 1978, n'ont été décelées que postérieurement à son décès à l'occasion de l'autopsie ;

Considérant qu'en prescrivant une radiculographie, le médecin n'a pas pris de risque injustifié ; qu'en effet, eu égard aux symptômes que présentait le patient, aucun expert n'a mis en doute l'indication de la radiculographie comme moyen d'établir un diagnostic ; qu'en outre, le praticien ne pouvait présumer l'existence des lésions affectant M. X..., que seule l'autopsie a permis de découvrir, ni prévoir la réaction négative au produit injecté ; qu'au demeurant, l'examen pratiqué ne présente qu'exceptionnellement des risques de complication grave dès lors que sont observées les précautions d'usage, ce qui a été le cas en l'espèce ; qu'il ressort de ce qui précède que, compte tenu des circonstances de l'espèce, l'indication de la radiculographie était légitime ;
Considérant que l'examen a été pratiqué suivant les règles de l'art ; qu'il résulte du rapport de l'expert que le délai de six jours observé entre la ponction lombaire et la radiculographie était, dans l'espèce, suffisant pour permettre la cicatrisation de la plaie interne et la reconstitution physiologique du liquide céphalo-rachidien ; qu'ainsi l'instruction ne fait pas apparaître d'élément suceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier sur la base de la faute médicale lourde ;
Considérant qu'aucune négligence ou lacune n'est à relever dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier ; que la discontinuité de la surveillance ne saurait constituer une faute, eu égard à l'absence d'incidents majeurs dans la période de six à huit heures consécutive à l'examen, au caractère banal des douleurs dont s'était plaint le patient, à l'absence, enfin, de tout symptôme anormal annonciateur d'une complication postradiculographique ; qu'au demeurant, le malade a reçu sept visites entre dix-neuf heures et trois heures du matin ; que la circonstance que l'oedème se soit installé à bas bruit, pendant le sommeil du malade, si elle peut expliquer l'absence de manifestation décelable, est sans effet sur la responsabilité du service ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE FREJUS-SAINT-RAPHALEL est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués du 27 avril 1984 et du 20 août 1985, le tribunal administratif de Nice l'a condamné à verser aux consorts X... diverses indemnités en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait du décès de M. X... ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise exposés devant le Conseil d'Etat à la charge des consorts X... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Var ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 avril 1984 et les articles 1 à 3 du jugement de ce tribunal administratif du 20 août 1985 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par les consorts X... devant le tribunal administratif de Nice ainsi que les conclusions dela caisse primaire d'assurance maladie du Var sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés devant le Conseil d'Etat sont mis à la charge des consorts X... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE FREJUS-SAINT-RAPHAEL, aux consorts X..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award