Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 19 avril 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. René X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 8 février 1985, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 1976 ;
2°) lui accorde décharge des impositions contestées, ou à titre subsidiaire, le bénéfice du prélèvement libératoire prévu à l'article 235 quater du code, ainsi que le remboursement des frais exposés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Y.... Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 35-A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux profits réalisés en 1976 : "... les profits réalisés par les personnes qui cèdent des immeubles ou fractions d'immeubles bâtis... qu'elles ont acquis ou fait construire depuis moins de dix ans sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux, à moins qu'elles justifient que l'achat ou la construction n'a pas été fait dans une intention spéculative. Cette dernière condition est notamment réputée remplie lorsque l'immeuble a été, depuis son acquisition ou son achèvement, occupé personnellement par l'acquéreur ou le constructeur ou par son conjoint, ses ascendants ou descendants, et que sa cession est motivée par une meilleure utilisation familiale ou un changement de résidence du redevable" ;
Considérant que M. X... a revendu le 16 mars 1976, pour le prix de 600 000 F, une résidence secondaire sise à Paron (Yonne) qu'il avait acquise le 12 mai 1967 pour le prix de 100 000 F ; que le profit ainsi réalisé a été regardé par l'administration comme imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en vertu des dispositions précitées de l'article 35-A du code ; que M. X..., qui ne prétend pas pouvoir bénéficier de la présomption instituée par le deuxième alinéa dudit article, ne peut échapper à l'imposition qui lui a été assignée qu'en justifiant que l'achat de l'immeuble n'a pas été fait dans une intention spéculative ;
Considérant que, pour apporter cette justification, M. X... fait valoir qu'il a été contraint de revendre sa résidence de Paron à la suite de la mise en règlement judiciaire le 1er octobre 1973, puis de la liquidation de biens, le 11 février 1976, de la société aonyme X... dont il était le président-directeur général ; que, toutefois, les circonstances ainsi invoquées, qui ont trait aux causes de la vente de l'immeuble, n'établissent pas que l'acquisition de celui-ci, en 1967, ait été exclusive de toute intention spéculative ;
Mais sur l'application de la doctrine administrative :
Considérant que M. X... se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, reprises à l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, d'une instruction administrative du 20 septembre 1972 prévoyant "l'exonération des mutations motivées par un cas de force majeure ou par des événements totalement imprévisibles lors de l'acquisition, sans qu'il y ait lieu de se préoccuper de l'intention originelle du vendeur" ; que le fait allégué par M. X... que la cession de sa résidence de Paron a été motivée par les difficultés financières de l'entreprise qu'il dirigeait peut être regardé comme entrant dans les prévisions de l'instruction précitée, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 mai 1980, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que ces difficultés ne sont apparues qu'en 1969 et qu'elles étaient totalement imprévisibles lors de l'acquisition du bien en 1967 ; qu'ainsi et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'imposition contestée ;
Sur la demande de remboursement des frais :
Considérant que si M. X... demande le remboursement des frais exposés tant en première instance qu'en appel, cette demande qui n'est assortie d'aucune précision, ne peut qu'être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du 8 février 1985 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : M. X... est déchargé du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1976, ainsi que des pénalités y ajoutées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... etau ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.