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19/09/1990 | FRANCE | N°74934

France | France, Conseil d'État, 2 /10 ssr, 19 septembre 1990, 74934


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 janvier 1986 et 20 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE MANOSQUE (Alpes-de-Haute-Provence), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 28 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Degremont au titre des difficultés de fonctionnement de la station d'épuration ;
2°) condamne la société Degremont à lui verser une indemnité en réparation du p

réjudice subi, ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts ;
Vu ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 janvier 1986 et 20 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE MANOSQUE (Alpes-de-Haute-Provence), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 28 octobre 1985 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Degremont au titre des difficultés de fonctionnement de la station d'épuration ;
2°) condamne la société Degremont à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi, ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Devys, Auditeur,
- les observations de Me Bouthors, avocat de la VILLE DE MANOSQUE et de la S.C.P. Nicolay, de Lanouvelle, avocat de la société Degrémont,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en raison du fonctionnement jugé par elle défectueux de la station d'épuration construite pour son compte par la société Degrémont et mise en service en janvier 1978, la VILLE DE MANOSQUE a refusé la réception définitive de cet ouvrage et retenu la caution de garantie constituée, puis saisi le tribunal administratif de Marseille ; qu'elle fait appel du jugement par lequel ledit tribunal a rejeté l'essentiel de ses conclusions et l'a condamnée à restituer à l'entrepreneur la caution de garantie, sous déduction d'une somme de 12 515,46 F correspondant à l'installation, en février 1981, de condensateurs électriques et au surcoût de consommation d'énergie électrique résultant de leur absence pendant la période antérieure ; que la société Degremont a formé un appel incident sur ce dernier point ;
Sur le recours incident :
Considérant qu'il n'est pas contesté que la pose des condensateurs litigieux était nécessaire dès l'origine ; que leur absence a donc constitué une faute contractuelle ; que, toutefois, la ville a négligé pendant plusieurs années de signaler cette anomalie au constructeur ; que dans ces conditions, si celui-ci doit supporter seul le coût de la fourniture et de la pose, soit 3 500 F hors taxes, il y a lieu de partager entre les deux parties le montant de la surconsommation d'énergie électrique, soit 7 142,47 F hors taxes ;
Sur l'appel de la VILLE DE MANOSQUE :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges, que le fonctionnement de la station d'épuration se caractérise par une lenteur anormale de la dessiccation des boues résiduelles, qui est à l'origine de frais supplémentaires d'enlèvement et de diverses nuisances ; que cet état de choses est imputable, pour la plus grande part, à l'absence d'un "dégraisseur-deshuileur", et, pour le surplus, à une teneur en matières grasses des effluents à traiter supérieure à celle qui ressortait des documents du concours ;

Considérant qu'il est constant que le programme de ce concours organisé par la ville de MANOSQUE comportait l'installation d'un tel "dégraisseur-deshuileur" ; que la société Degrémont, usant de la faculté qui lui était offerte par ce programme, a présenté une variante ne comportant pas cette installation ; que, dans ces conditions, la VILLE DE MANOSQUE, qui a retenu cette variante en se fiant à l'expérience technique de son fournisseur, est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté toute responsabilité de celui-ci dans les conséquences dommageables de ce choix ; que, toutefois, la collectivité publique, qui était assistée d'un bureau d'études et qui avait fait état d'une composition des effluents qui s'est révélée partiellement inexacte, doit conserver à sa charge une part de ces conséquences ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une correcte appréciation des responsabilités respectives des parties en mettant à la charge de la société Degrémont les deux tiers du préjudice subi par la VILLE DE MANOSQUE du fait des frais de transports supplémentaires des boues, qui peuvent être évalués à 90 000 F TTC pour les années 1981 et 1982 ; qu'il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité pour les années ultérieures, dès lors qu'il était loisible aux autorités municipales, éclairées par le rapport d'expertise déposé le 17 juillet 1982, de procéder sans plus attendre à l'installation du dispositif manquant ; que, compte tenu de la plus-value apportée à l'ouvrage public par cette installation, il y a lieu de limiter au tiers de son coût, lequel peut être évalué à 240 000 F HT, la part d'indemnité due à ce titre à la ville par la société Degrémont ;
Sur la prise en compte de la taxe sur la valeur ajoutée dans le montant de l'indemnité :

Considérant qu'eu égard au régime appliqué aux collectivités locales en matière de récupération de la taxe sur la valeur ajoutée, il y a lieu d'allouer hors taxes les indemnités correspondant à des dépenses d'investissement, c'est-à-dire à celles qui sont allouées au titre des condensateurs et du dégraisseur-deshuileur, et toutes taxes comprises les autres indemnités, qui correspondent à des frais de fonctionnement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Degremont est redevable envers la VILLE DE MANOSQUE des sommes de 3 500 F au titre de la pose du condensateur, de 4 200 F au titre de la surconsommation d'énergie électrique, de 60 000 F au titre des frais de transports des boues, et de 80 000 F au titre de l'installation d'un dégraisseur-deshuileur, soit au total 147 700 F ; qu'il y a lieu de déduire de cette somme le montant non contesté de la caution retenue par la ville, soit 115 926,87 F ;
Considérant qu'il suit de là que la VILLE DE MANOSQUE est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, qui l'a reconnue débitrice et la condamnation de la société Degremont à lui verser la somme de 31 773,13 F ;
Sur les intérêts et les intérêts capitalisés :
Considérant que la VILLE DE MANOSQUE a droit aux intérêts de la somme précitée à compter du 15 décembre 1981, date de sa demande devant le tribunal administratif de Marseille ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 20 mai 1986 et 21 juin 1988 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : L'article 2 du jugement en date du 28 octobre 1985 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La société Degrémont versera à la VILLE DE MANOSQUE la somme de 31 773,13 F. Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 1981. Les intérêts échus les 20 mai 1986 et 21 juin 1988 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la VILLEDE MANOSQUE et du recours incident de la société Degrémont sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE MANOSQUE, à la société Degrémont et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 74934
Date de la décision : 19/09/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - NANTISSEMENT ET CAUTIONNEMENT - CAUTIONNEMENT - LIBERATION DE LA CAUTION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PARTAGE DES RESPONSABILITES.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 19 sep. 1990, n° 74934
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Devys
Rapporteur public ?: Abraham

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:74934.19900919
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