Vu la requête, enregistrée le 4 avril 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Emmanuel X..., demeurant ..., "les Hameaux de Buron" à Thaon (14610) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 février 1989 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 août 1986 du sous-directeur du personnel et des affaires administratives de la Chancellerie rejetant sa demande tendant au bénéfice de l'indemnité d'éloignement prévue par l'article 6 du décret du 22 décembre 1953,
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mlle Pineau, Auditeur,
- les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité en la forme du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'Outre-Mer : "Les fonctionnaires de l'Etat domiciliés dans un département d'Outre-Mer qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives en métropole, une indemnité d'éloignement non renouvelable" ; qu'il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient le Garde des sceaux, l'indemnité peut par principe être accordée aux fonctionnaires originaires d'un département d'Outre-Mer recrutés en métropole même lorsqu'ils s'y sont rendus de leur propre gré et que son bénéfice ne saurait être limité aux cas où l'administration est à l'origine du déplacement alors qu'il appartient à celle-ci, sous le contrôle du juge, de rechercher où le fonctionnaire était domicilié, c'est-à-dire possédait le centre de ses intérêts matériels et moraux, au moment de son entrée dans l'administration ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Emmanuel X... est originaire du département de La Réunion où il est né en 1959 et a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans, âge auquel il est venu en métropole accomplir son service militaire ; qu'une partie importante de sa famille habite à La Réunion ; qu'il y est propriétaire d'un immeuble pour lequel il est assujetti à la taxe d'habitation ; qu'il a demandé et obtenu de son administration un congé bonifié pour se rendre à La Réunion ; que, dans ces conditions, et bien qu'après avoir été libéré de ses obligations militaires à La Réunion, il soit revenu en métropole de son propre chef où il a séjourné trois ans en exerçant divers métiers avant d'être recruté en 1982 en qualité d'élève surveillant puis titularisé en 1983 comme surveillant de l'administration pénitentiaire et affecté à Fleury-Mérogis, il doit être regardé comme ayant conservé, à cette date, à La Réunion, le centre de ses intérêts matériels et moraux et donc comme domicilié dans un département d'Outre-Mer au sens de la disposition précitée de l'article 6 du décret du 22 décembre 1953 ; que, par suite, il était en droit de prétendre au bénéfice de l'indemnité d'éloignement prévue par cet article ; qu'il suit de là qu'il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 14 février 1989, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 août 1986 par laquelle le ministre de la justice lui a refusé le bénéfice de cette indemnité ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 14 février 1989 et la décision du Garde des sceaux, ministre de la justice du 4 août 1986 refusant à M. X... le bénéfice de l'indemnité d'éloignement sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Emmanuel X... et au Garde des sceaux, ministre de la justice.