La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/1990 | FRANCE | N°76198

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 24 septembre 1990, 76198


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 février 1986 et 27 juin 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux domiciliés audit siège ; la fédération demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et du budget, et du ministre de l'agriculture du 27 novembre 1985 étendant des règles édictées par le comité économique agricole "fruits et légumes" du Val de Loire pour

les concombres, les tomates, la mâche, les salades d'hiver, les carottes de p...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 février 1986 et 27 juin 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux domiciliés audit siège ; la fédération demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et du budget, et du ministre de l'agriculture du 27 novembre 1985 étendant des règles édictées par le comité économique agricole "fruits et légumes" du Val de Loire pour les concombres, les tomates, la mâche, les salades d'hiver, les carottes de primeur et les pommes de terre de primeur ;
2°) annule l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et du budget et du ministre de l'agriculture du 27 novembre 1985 étendant les règles édictées par le comité économique agricole "fruits et légumes" du Val de Loire pour les pommes et les poires,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu les règlements du conseil des communautés européennes n° 1035/72 du 18 mai 1972, n° 3284 et 3285/83 du 14 novembre 1983 et n° 2137/84 du 25 juillet 1984 ;
Vu la loi n° 62-933 du 8 août 1962 modifiée notamment par la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 ;
Vu le décret n° 62-1376 du 22 novembre 1962 modifié par le décret n° 81-226 du 10 mars 1981 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Durand-Viel, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Peignot, Garreau, avocat de la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE et de Me Copper-Royer, avocat du comité économique agricole "fruits et légumes" du Val-de-Loire et de l'Association française des comités économiques agricoles de fruits et légumes (AFCOFEL),
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention :
Considérant que l'association française des comités économiques agricoles de fruits et légumes a intérêt au maintien des arrêtés du mininsitre de l'économie, des finances et du budget et du ministre de l'agriculture en date du 27 novembre 1985 étendant aux producteurs de divers fruits et légumes les règles édictées par le comité économique agricole "fruits et légumes" du Val-de-Loire ; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Sur la compétence des auteurs de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 15 ter inséré dans le règlement du conseil des communautés européennes susvisé du 18 mai 1972 par le règlement n° 3 284/83 du 14 novembre 1983 : "1. Dans le cas où une organisation de producteurs ... opérant dans une circonscription économique déterminée est considérée pour un produit donné comme représentative de la production et des producteurs de cette circonscription, l'Ett membre concerné peut, à la demande de cette organisation ... après consultation des producteurs de cette circonscription, rendre obligatoires pour les producteurs établis dans la circonscription et non adhérents : a) les règles de la connaissance de la production ... b) des règles de production ... c) les règles de commercialisation ... d) pour les produits visés à l'annexe II, les règles adoptées par l'organisation ... en matière de retrait du marché ... 8. Lorsqu'il est fait application du paragraphe 1, l'Etat membre concerné peut décider que les producteurs non adhérents sont redevables à l'organisation ... de tout ou partie des cotisations versées par les producteurs adhérents" ; que l'article 16 de la loi susvisée du 8 août 1962 modifié par la loi du 4 juillet 1980 dispose : "Les comités économiques agricoles justifiant d'une expérience satisfaisante dans certaines disciplines peuvent demander à l'autorité administrative compétente que celles des règles acceptées par leurs membres ... soient rendues obligatoires pour l'ensemble des producteurs de la région considérée ... L'extension de tout ou partie de ces règles peut être prononcée après avis du conseil supérieur d'orientation de l'économie agricole et alimentaire sauf si un tiers au moins des producteurs représentant au moins un tiers de la production commercialisée, préalablement consultés dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ont fait connaître leur opposition ... Les comités économiques agricoles peuvent demander l'extension ... des règles concernant le prix de retrait" ; que, contrairement à ce que soutient la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE, l'ensemble de ces dispositions donnait compétence à l'autorité administrative pour étendre les règles édictées par le conseil économique agricole "fruits et légumes du Val-de-Loire ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la section compétente du conseil supérieur d'orientation de l'économie agricole et alimentaire a été saisie et a émis un avis favorable à l'extension des règles demandée par le comité économique agricole "fruits et légumes" du Val-de-Loire dans sa séance du 6 septembre 1985 ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de la loi du 8 août 1962 prescrivant cette consultation manque en fait ;

Considérant, d'autre part, que l'article 7 de la loi du 4 juillet 1980 a donné une nouvelle rédaction à l'article 16 de la loi du 8 août 1962 et abrogé les dispositions des alinéas 2 et 3 dudit article qui soumettaient l'extension des règles édictées par un comité économique agricole à la condition qu'elle ait recueilli l'accord de la majorité des deux tiers des producteurs concernés, consultés par un scrutin secret organisé par les chambres d'agriculture et, par voie de conséquence, les dispositions du décret du 22 novembre 1962 fixant les modalités de cette consultation électorale, reprises aux articles R.554-1 et suivants du code rural ; que les nouvelles modalités de consultation des producteurs préalables à l'extension ont été fixées par le décret susvisé du 10 mars 1981 , qui n'a pas été abrogé par le décret susvisé du 18 mars 1981 portant codification de textes réglementaires concernant notamment les organismes professionnels agricoles ; que l'article 43 du décret du 22 novembre 1962 modifié par le décret du 10 mars 1981 dispose : "la consultation des producteurs est conduite dans les formes prescrites pour l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique" ; que, par suite, la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE n'est pas fondée à soutenir que le ministre de l'agriculture a irrégulièrement organisé la consultation des producteurs dans les formes d'une enquête publique ;
Considérant, enfin, qu'aucune disposition du décret du 10 mars 1981 susvisé ne fait obligation au ministre de l'agriculture d'organiser une enquête publique en vue de l'extension des règles édictées pour chacun des produits lorsque la demande présentée par un comité économique agricole concerne divers fruits et légumes ; qu'il ressort des pièces du dossier que lors de l'enquête les producteurs concernés ont été invités à faire connaître leur éventuelle opposition à l'extension pour chacun des fruits et légumes concernés, sur des registres distincts ; qu'ainsi la procédure de consultation a permis d'apprécier si, pour chacun d'entre eux, un tiers des producteurs manifestaient leur opposition ; qu'ainsi la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE n'est pas fondée à soutenir que les arrêtés attaqués ont été pris sur une procédure irrégulière ;
Sur la légalité interne :
Sur les dispositions de l'arrêté du 27 novembre 1985 concernant les légumes en tant qu'il étend les règles relatives aux pommes de terre de primeur, aux mâches et aux carottes de primeur :

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des règlements du conseil des communautés européennes et de la législation nationale que l'extension des règles édictées par les groupements de producteurs d'une circonscription économique à l'ensemble des producteurs de ladite circonscription ne peut être prononcée que si le territoire couvert par le comité économique agricole qui a formulé la demande coïncide avec la circonscription économique retenue pour l'extension ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'alors que la demande a été présentée par le comité économique agricole "fruits et légumes" du Val-de-Loire qui regroupe les producteurs de 12 départements la circonscription économique retenue pour l'extension correspond à deux seulement de ces départements pour les pommes de terre de primeur et à trois pour les mâches et les carottes de primeur ; que, dès lors, la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE est fondée à soutenir que le ministre de l'économie, des finances et du budget et le ministre de l'agriculture ne pouvaient légalement prononcer l'extension pour ces produits ;
Sur les dispositions relatives aux autres produits :
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le comité économique agricole "fruits et légumes" du Val-de-Loire ne justifiait pas d'une expérience satisfaisante des disciplines dont elle demandait l'extension, condition fixée par l'article 16 précité de la loi du 8 août 1962, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé alors que ledit comité a été agréé depuis 1967 et applique à ses membres les disciplines dont s'agit depuis plusieurs années ; que, par suite, le moyen ne peut être que rejeté ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 15 ter paragraphe 2 du règlement susvisé du conseil des communautés européennes du 18 mai 1972 "au sein du présent article, on entend par circonscription économique une région constituée par des zones de production limitrophes ou avoisinantes dans lesquelles les conditions de production et de commercialisation sont homogènes" ; que l'article 1er du règlement susvisé du conseil des communautés européennes du 28 juillet 1984 institue un contrôle de la commission des communautés européennes sur cette définition des circonscriptions économiques ; que, contrairement à ce que prétend la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE, la délimitation de la circonscription économique a été soumise à ce contrôle ; que le moyen tiré de ce que cette délimitation méconnaît la définition de l'article 15 ter précité, n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article 2 du règlement susvisé du conseil des communautés européennes n° 3 285/83 du 14 novembre 1983 pris pour l'application de l'article 15 ter précité du règlement du 18 mai 1972 dispose : "Les producteurs visés dans le présent règlement sont ceux dont la production est destinée essentiellement à être commercialisée" ; que son article 3 n'autorise à tenir pour représentatives des producteurs que les organisations qui regroupent plus de 50 % des producteurs et de la production de la circonscription ; qu'aux termes de l'article 4 "les règles visées à l'article 15 ter du règlement (CEE) n° 1 035/72 ne peuvent être rendues obligatoires si, dans le cadre de la consultation prévue au paragraphe 1 dudit article, au moins un tiers des producteurs de la circonscription ont fait connaître leur opposition" ; que pour contester les appréciations de l'administration quant à la représentativité du comité économique agricole "fruits et légumes" du Val-de-Loire et l'absence d'oppositions à l'extension des règles édictées par lui lors de l'enquête publique excèdant le tiers des producteurs concernés, la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE mentionne les résultats de l'enquête en ce qui concerne les tomates et les poires ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de la commission d'enquête, que le comité économique agricole regroupait plus de 50 % des producteurs et de la production de tomates et de poires de la circonscription dès lors qu'on exclut du décompte les exploitants qui, produisant de faibles quantités, ne peuvent être regardés comme destinant leur production à être essentiellement commercialisée et ne sont par suite pas concernés par l'extension ; que la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE ne conteste pas les critères utilisés pour ce décompte et qui ont été soumis à l'approbation de la commission des communautés européennes ; que les mêmes modalités de calcul conduisent à retenir une proportion d'opposants très inférieure à celle du tiers des producteurs ; qu'il y avait lieu de calculer cette proportion pour l'ensemble de la circonscription ; qu'ainsi la circonstance que dans deux départements l'enquête a fait apparaître une proportion plus importante d'opposants n'était pas de nature à interdire l'extension ;
Considérant, enfin, que les disposition précitées de l'article 15 ter paragraphe 8 du règlement des communautés européennes du 18 mai 1972 permettaient de rendre obligatoires pour l'ensemble des producteurs concernés les cotisations aux fonds de gestion et de promotion du comité économique agricole "fruits et légumes" du Val-de-Loire ; que le montant desdites cotisations est nécessairement différent de celui appliqué dans d'autres circonscriptions économiques ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en les rendant obligatoires les ministres signataires des arrêtés attaqués auraient méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques ne peut être qu'écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés attaqués ;
Article 1er : L'intervention de l'association française des comités économiques agricoles "fruits et légumes" est admise.
Article 2 : Les dispositions de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et du budget en date du 27 novembre 1985 étendant les règles édictées par le comité économique agricole "fruits et légumes" du Val-de-Loire, sont annulées en tant qu'elles concernent les pommes de terre de primeur, les mâches et les carottesde primeur.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION FRANCAISE DE L'AGRICULTURE, au comité économique agricole "fruits et légumes" du Val-de-Loire, à l'association française des comités économiques agricoles "fruits et légumes", au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget et au ministre de l'agriculture et de la forêt.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

AGRICULTURE - INSTITUTIONS AGRICOLES.

AGRICULTURE - PRODUITS AGRICOLES - GENERALITES.

AGRICULTURE - PRODUITS AGRICOLES - FRUITS ET LEGUMES.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - PORTEE DES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRES - REGLEMENTS COMMUNAUTAIRES.


Références :

Arrêté interministériel du 27 novembre 1985 décision attaquée annulation
CEE Règlement 1035-72 du 18 mai 1972 Conseil art. 15 ter
CEE Règlement 3284-83 du 14 novembre 1983 Conseil
CEE Règlement 3285-83 du 14 novembre 1983 Conseil art. 2, art. 3, art. 4
Code rural R554-1
Décret 62-1376 du 22 novembre 1962 art. 43
Décret 81-226 du 10 mars 1981
Décret 81-277 du 18 mars 1981
Loi 62-933 du 08 août 1962 art. 16
Loi 80-502 du 04 juillet 1980 art. 7


Publications
Proposition de citation: CE, 24 sep. 1990, n° 76198
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Durand-Viel
Rapporteur public ?: Mme Laroque

Origine de la décision
Formation : 4 / 1 ssr
Date de la décision : 24/09/1990
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 76198
Numéro NOR : CETATEXT000007777830 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1990-09-24;76198 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award