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28/09/1990 | FRANCE | N°81685

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 28 septembre 1990, 81685


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er septembre 1986 et 31 décembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le centre hospitalier spécialisé d'Armentières, représenté par son directeur, et la mutuelle générale française accidents dont le siège social est au Mans, représenté par les administrateurs de sa délégation de Lille ; le centre hospitalier spécialisé d'Armentières et la mutuelle générale française accidents demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 1986 par lequel

le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier spécialisé...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er septembre 1986 et 31 décembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le centre hospitalier spécialisé d'Armentières, représenté par son directeur, et la mutuelle générale française accidents dont le siège social est au Mans, représenté par les administrateurs de sa délégation de Lille ; le centre hospitalier spécialisé d'Armentières et la mutuelle générale française accidents demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 1986 par lequel le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier spécialisé d'Armentières à verser à Mme Y... une somme de 199 615,06 F, à chacun de ses cinq enfants, une somme de 20 000 F, à la société de secours minière d' Aniche une somme de 8 463,23 F et à la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines une somme de 447 971,71 F en réparation du préjudice causé par le décès de M. Y... ;
2°) de rejeter les demandes présentées par les consorts Y..., la société de secours minière d' Aniche et la caisse autonome de sécurité sociale dans les mines devant le tribunal administratif de Lille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 31 décembre 1968 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lasvignes, Auditeur,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat du centre hospitalier spécialisé d'Armentières et de la mutuelle générale française accidents, de Me Gauzes, avocat de Mme Y... et de Me Bouthors, avocat de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les Mines (CANSSM) et de la société de Secours minière d' Aniche,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : "Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes ( ...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. - Sont prescrites dans le même délai ...les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public." ; et qu'aux termes de l'article 2 : "La prescription est interrompue par : ... Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance" ;
Considérant que le recours en indemnité prévu par l'article 706-3 du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de la loi du 3 janvier 1977, ne présente pas le caractère d'une action dirigée contre l'Etat en vue de la réparation d'un dommage qu'aurait causé cette collectivité publique, mais a pour objet de permettre à certaines victimes de dommages ayant pour origine une infraction pénale, de demander, auprès d'une commission de nature juridictionnelle, l'allocation d'une indemnité, lorsqu'elles n'ont pu obtenir des personnes reconnues responsables du dommage causé par l'infraction, ou de celles qui sont tenues à un titre quelconque, d'en assurer la réparation, l'indemnisation du préjudice subi ; qu'un tel recours, qui ne tend pas à la réparation des dommages causés par une collectivité publique n'est pas au nombre de ceux qui, aux termes des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 ont pour effet d'interrompre le délai de la prescription quadriennale ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif a refusé d'opposer la prescription quadriennale à la demande d'indemnité formée par Mme Y... auprès du centre hospitalier spécialisé d'Armentières, par le motif que le recours intenté par celle-ci le 21 décembre 1978 devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions aurait interrompu le délai de prescription de la créance qu'elle prétend détenir à l'égard de l'hôpital ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts Y..., la société de secours minière d'Aniche et la caisse autonome de sécurité sociale dans les mines à l'appui de leurs requêtes tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat ;
Considérant que les conséquences dommageables du décès du mari de Mme Y..., survenu le 26 octobre 1977, sont pleinement apparues dès la date du décès, et non le 9 juillet 1979, date à laquelle la commission d'indemnisation des victimes d'infractions a rejeté le recours formé auprès d'elle par Mme Y... ; que ni la circonstance que Mme Y... ignorait l'existence d'une possibilité d'action contentieuse à l'encontre de l'hôpital, ni celle, à la supposer établie, qu'il lui aurait été refusé communication du dossier pénal de M. X... n'étaient de nature à reporter le point de départ du délai de prescription ; qu'ainsi, celui-ci a commencé à courir le 1er janvier 1978 et était expiré le 23 mars 1982, date à laquelle a été introduite la première requête de Mme Y... devant le tribunal administratif de Lille ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier spécialisé d'Armentières et la mutuelle générale française accidents sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier spécialisé d'Armentières à verser une indemnité de 199 615,06 F à Mme Y..., 20 000 F à chacun des enfants majeurs de M. et Mme Y..., 8 463,23 F à la société de secours minière d'Aniche et 447 971,71 F à la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines ;
Article 1er : Le jugement en date du 1er juillet 1986 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par les consorts Y..., la société de secours minière d'Aniche et la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier spécialisé d'Armentières, à la mutuelle générale française accidents, aux consorts Y..., à la société de secours minière d'Aniche, à la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 81685
Date de la décision : 28/09/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-04-02-05 COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - REGIME DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1968 - INTERRUPTION DU COURS DU DELAI -Absence d'effet interruptif - Recours en indemnité de l'article 706-3 du code de procédure pénale.

18-04-02-05 Le recours en indemnité prévu par l'article 706-3 du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de la loi du 3 janvier 1977, ne présente pas le caractère d'une action dirigée contre l'Etat en vue de la réparation d'un dommage qu'aurait causé cette collectivité publique, mais a pour objet de permettre à certaines victimes de dommages ayant pour origine une infraction pénale, de demander, auprès d'une commission de nature juridictionnelle, l'allocation d'une indemnité, lorsqu'elles n'ont pu obtenir des personnes reconnues responsables du dommage causé par l'infraction, ou de celles qui sont tenues à un titre quelconque, d'en assurer la réparation, l'indemnisation du préjudice subi. Un tel recours, qui ne tend pas à la réparation des dommages causés par une collectivité publique n'est pas au nombre de ceux qui, aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ont pour effet d'interrompre le délai de la prescription quadriennale.


Références :

Code de procédure pénale 706-3
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 1, art. 2
Loi 77-5 du 03 janvier 1977


Publications
Proposition de citation : CE, 28 sep. 1990, n° 81685
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Lasvignes
Rapporteur public ?: M. Fornacciari
Avocat(s) : SCP Boré, Xavier, Mes Gauzes, Bouthors, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:81685.19900928
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