Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le 6 juillet 1984 ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 16 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a accordé à M. X... une réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1973 et 1974 ainsi que de la majoration exceptionnelle mise à sa charge au titre de l'année 1973 ;
2°) remette intégralement l'imposition contestée à la charge de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Plagnol, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la circonstance que M. X... ait produit des documents à l'audience n'est pas de nature à porter atteinte au caractère contradictoire de la procédure, dès lors en tout état de cause que ces documents ne contenaient aucun moyen nouveau ;
En ce qui concerne l'année 1973 :
Considérant qu'aux termes de l'article 99 du code général des impôts relatif à la détermination des bénéfices non commerciaux : "Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée ou qui désirent être imposés d'après ce régime sont tenus d'avoir un livre journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles" ; qu'il résulte de l'instruction que le livre journal tenu par M. X..., chirurgien-dentiste, ne comportait que l'énumération des sommes qui lui étaient versées sans mentionner les actes dispensés et sans préciser si les sommes perçues correspondaient à des acomptes ou à des paiements pour solde ; qu'à défaut de toute précision de cette nature, ce document se trouvait dépourvu de valeur probante ; qu'ainsi l'administration était fondée à arrêter d'office, en application de l'article 104 du code général des impôts, le bénéfice imposable du requérant, à qui incombe la charge de la preuve ; que si cependant l'administration a suivi la procédure contradictoire qu'elle n'était pas tenue d'engager, notamment en saisissant la commission départementale des impôts directs, cette circonstance ne saurait avoir pour effet de lui faire supporter la preuve du bien-fondé des impositions litigieuses, comme l'a jugé à tort le tribunal administratif de Poitiers ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif ;
Considérant que pour contester l'évaluation de ses recettes professionnelles faite par l'administration, le requérant se borne à produire une balance de trésorerie, reconstituée à postériori sans fournir d'autres justifications ; que, dès lors, M. X... n'apporte pas la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à M. X... une réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que de la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1973 ;
En ce qui concerne l'année 1974 :
Considérant que l'administration, qui n'a pas suivi l'avis émis par la commission départementale ne conteste pas que la charge de la preuve lui incombe ; qu'en se bornant à faire état d'une part du train de vie qui devait être celui du contribuable, d'autre part de la réduction des disponibilités utilisées par lui au titre du compte d'épargne logement, elle ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que M. X... ait eu des revenus professionnels supérieurs à ceux qu'il avait déclarés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a accordé à M. X... une réduction au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1974 ;
Article 1er : L'impôt sur le revenu ainsi que la majoration exceptionnelle auxquels M. X... a été assujetti au titre de l'année 1973 sont remis intégralement à sa charge.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 mai 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.