La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/1990 | FRANCE | N°72789

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 15 octobre 1990, 72789


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 octobre 1985 et 10 février 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Henri Y..., demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 26 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, notamment, rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1977, ainsi que des pénalités ajoutées à cette imposition ;
2°) lui accorde la décharge des droits et pénalités cont

estés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 octobre 1985 et 10 février 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Henri Y..., demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 26 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, notamment, rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1977, ainsi que des pénalités ajoutées à cette imposition ;
2°) lui accorde la décharge des droits et pénalités contestés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Ryziger, avocat de M. Henri Y...,
- les conclusions de M. X.... Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête sur ce point :
Considérant que le tribunal administratif de Poitiers a été saisi de trois demandes distinctes, deux d'entre elles émanant de la société anonyme "Librairie H. Y...", relatives, respectivement aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée et aux suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er novembre 1976 au 31 octobre 1979 et au titre des années 1976 à 1979, et la troisième émanant de M. Y..., et relative au supplément d'impôt sur le revenu auquel celui-ci a été assujetti au titre de l'année 1977 ; que, compte tenu de la nature de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu, et quels que fussent, en l'espèce, les liens de fait et de droit entre les impositions contestées, le tribunal devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de la société anonyme "Librairie H. Y...", d'une part, et de M. Y..., d'autre part ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a prononcé la jonction des trois instances ; que, dès lors, son jugement doit être annulé en tant qu'il a statué sur l'imposition de M. Y... ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. Y... et d'y statuer immédiatement ;
Sur les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. Y... :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que l'administration a notifié à M. Y..., le 29 juillet 1980, le redressement qu'elle envisageait d'apporter à son revenu déclaré de l'année 1977, en y incluant, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers un excédent de distribution corrélatif au rehaussement des bénéfices réalisés par la société anonyme "Librairie H. Y..." au cours de l'exercice clos en 1977 ; que l'administration n'était pas tenue, préalablement à la mise en recouvrement, le 31 décembre 1982, d'un supplément d'impôt sur le revenu établi sur une base légèrement inférieure à celle qu'elle lui avait ainsi notifiée, d'adresser à M. Y... une notification rectificative ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que cette imposition aurait été établie suivant une procédure irrégulière ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que la société anonyme "Librairie H. Y...", invitée, en application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, à fournir à l'administration toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution que faisait apparaître, à la suite de la vérification de sa comptabilité, le rehaussement de ses bénéfices de l'exercice clos en 1977, a, le 14 mai 1980, sous la signature de son président directeur-général, M. Y..., expressément indiqué que ce dernier devait être réputé le bénéficiaire de ladite distribution ; que, bien que la société ait, dans cette réponse, rappelé son désaccord quant à l'existence même du surplus de bénéfices regardé comme distribué, l'administration est en droit de se prévaloir, à l'encontre de M. Y..., de cette désignation dont l'intéressé n'établit pas l'inexactitude ; que, toutefois, M. Y... n'ayant pas accepté le redressement, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant du surplus de bénéfice réalisé par la société anonyme "Librairie H. Y..." au cours de l'exercice clos en 1977 et dont M. Y... doit être réputé avoir eu la disposition ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des indications fournies par l'administration que la société anonyme "Librairie H. Y..." n'a pu présenter au vérificateur aucun document justificatif du détail des recettes journalières portées, pour chacun des secteurs de son activité de vente d'articles de librairie, papeterie et journaux, dans sa comptabilité de l'exercice clos en 1977, laquelle fait, au surplus, apparaître des taux de bénéfice brut sur achats anormalement faibles ; que, pour reconstituer, ainsi que le caractère non probant de la comptabilité l'y autorisait, le montant des recettes de librairie et de papeterie, le vérificateur a appliqué aux montants des achats correspondants les coefficients de bénéfice brut respectifs de 39,50 % en ce qui concerne les articles de librairie autres que les publications de "France-Loisirs", pour lesquelles il a retenu le taux de marge brute de 17,50 % imposé par cet éditeur, et de 68 % en ce qui concerne les articles de papeterie, ces coefficients étant déduits de la moyenne de ceux accusés par la comptabilité des exercices clos en 1976, 1978 et 1979 ; que M. Y... ne critique pas utilement cette méthode de reconstitution en observant que le vérificateur n'a pas effectué de relevé de prix dans l'entreprise, ni tenu compte de variations de stock sur la réalité desquelles il n'apporte aucune précision ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société "Librairie H. Y..." a, lors de la clôture de l'exercice 1976-1977, inscrit au crédit de son compte de ventes une somme de 203 200 F correspondant à une estimation des recettes provenant de la vente de journaux qu'elle n'avait pas enregistrées dans sa comptabilité au titre dudit exercice, mais a débité son compte de pertes et profits de la même somme, au motif qu'elle avait été victime, pour ce montant, de vols ou de détournements, qui ont d'ailleurs donné lieu, de sa part, au dépôt d'une plainte ; que l'administration, estimant que la réalité de ces vols ou détournements n'était pas établie, a réintégré la perte ainsi comptabilisée dans les résultats imposables de l'exercice, tout en maintenant la majoration de 203 200 F apportée aux recettes journellement comptabilisées ;

Considérant que, si l'administration fait valoir que les seules recettes journellement comptabilisées par la société durant l'exercice 1976-1977, au titre de la vente de journaux, sont, comme la société, elle-même, l'a reconnu, anormalement faibles, que la comptabilité, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, est, à cet égard, dépourvue de valeur probante, et qu'en maintenant la majoration, de 203 200 F, apportée par la société, elle-même, au montant des recettes journellement comptabilisées, le vérificateur n'a pas fait une évaluation exagérée de l'insuffisance de ces dernières, il n'en résulte pas que cette insuffisance ait pour cause une omission de recettes réelles ; que M. Y... est, dès lors, fondé à soutenir que les deux écritures passées à la clôture de l'exercice 1976-1977 sont indissociables, et que le vérificateur ne pouvait refuser d'admettre la constatation d'une perte de recettes sans défalquer, symétriquement, du montant total des ventes la somme des recettes supposées perdues ; qu'il suit de là que, à concurrence de 203 200 F, l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence du surplus de bénéfices sociaux réputé distribué à M. Y... ;
Sur les pénalités :
Considérant que, devant le tribunal administratif, M. Y... n'a contesté que la régularité et le bien-fondé des droits principaux mis à sa charge ; que, par suite, les moyens nouveaux soulevés par lui en appel, qui ont trait à la régularité et au bien-fondé des pénalités ajoutées aux impositions, maintenues à sa charge par la présente décision, sont constitutifs d'une demande nouvelle irrecevable ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 juin 1985 est annulé en tant qu'il y est statué sur lademande présentée par M. Y....
Article 2 : M. Y... est déchargé de la fraction du supplément d'impôt sur le revenu et des pénalités maintenus à sa charge au titre de l'année 1977, correspondant à l'inclusion dans sesbases d'imposition des bénéfices, s'élevant à 203 200 F, de la société anonyme "Librairie H. Y...", réputés lui avoir été distribués.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Y... etau ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

CGI 117


Publications
Proposition de citation: CE, 15 oct. 1990, n° 72789
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Fabre
Rapporteur public ?: Ph. Martin

Origine de la décision
Formation : 9 / 8 ssr
Date de la décision : 15/10/1990
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 72789
Numéro NOR : CETATEXT000007629044 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1990-10-15;72789 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award