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24/10/1990 | FRANCE | N°70757

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 24 octobre 1990, 70757


Vu 1°), sous le n° 70 757, la requête enregistrée le 24 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Henri X..., architecte, demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 27 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a, d'une part, condamné à verser au centre hospitalier général de Libourne une indemnité de 5 025 989,87 F, en réparation de malfaçons affectant le bloc médico-chirurgical et l'a, d'autre part, déclaré solidairement responsable des condamnations prononcées contre l'

entreprise Fayat, l'entreprise Vincent, la société métropolitaine de...

Vu 1°), sous le n° 70 757, la requête enregistrée le 24 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Henri X..., architecte, demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 27 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a, d'une part, condamné à verser au centre hospitalier général de Libourne une indemnité de 5 025 989,87 F, en réparation de malfaçons affectant le bloc médico-chirurgical et l'a, d'autre part, déclaré solidairement responsable des condamnations prononcées contre l'entreprise Fayat, l'entreprise Vincent, la société métropolitaine de construction et de travaux publics et l'entreprise Tunzini tenues à verser respectivement au centre hospitalier les sommes de 2 070 449,63 F, 30 661,67 F, 67 092,80 F et 89 703,10 F, la charge définitive de la condamnation prononcée contre la société métropolitaine de construction et de travaux publics étant répartie par moitié entre cette société et M. X...,
- rejette la demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par le centre hospitalier général de Libourne, condamne celui-ci à supporter les frais d'expertise, subsidiairement, ordonne une nouvelle expertise, et condamne l'Etat, le département de la Gironde et la VILLE DE LIBOURNE à le garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
Vu 2°), sous le n° 71 965, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 3 septembre 1985 et 6 janvier 1986 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE LIBOURNE, représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE LIBOURNE demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 27 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à garantir M. X..., architecte, du versement au centre hospitalier général de Libourne de la somme de 5 025 989,87 F à concurrence de la somme de 2 262 644,29 F et a mis à sa charge 30 % des frais d'expertise,
- rejette les conclusions d'appel en garantie présentées à son encontre par M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fratacci, Auditeur,
- les observations de Me Boulloche, avocat de M. Henri X... ; de Me Cossa, avocat du centre hospitalier régional de Libourne ; de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la société Tunzini Nessi entreprises d'équipements (T.N.E.E.) ; de Me Spinosi, avocat de la VILLE DE LIBOURNE et de Me Odent avocat de la société métropolitaine de construction et de travaux publics (S.M.C.T.P.)
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de M. X... et de la VILLE DE LIBOURNE sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article 10 du contrat d'architecte passé le 23 juillet 1965 entre M. X... et le centre hospitalier général de Libourne pour la construction d'un bâtiment à usage de bloc médico-chirurgical : "Pour toutes les difficultés que pourrait soulever l'application des dispositions du présent contrat, il est expressément prévu entre les parties de solliciter les avis de la direction de l'équipement sanitaire et social et du conseil de l'ordre des architectes. Si l'accord ne pouvait être obtenu, le tribunal compétent serait celui dans le ressort duquel sont situés les travaux" ; que cette clause, que M. X... est recevable à invoquer pour la première fois devant le Conseil d'Etat, était opposable à la demande formée par le centre hospitalier général de Libourne devant le tribunal administratif de Bordeaux, en tant qu'elle tendait, notamment, à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de M. X... à raison de la méconnaissance des normes de sécurité et de protection contre l'incendie ; qu'il suit de là que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a accueilli ladite demande en tant qu'elle mettait en cause sa responsabilité contractuelle, alors qu'elle n'avait pas été précédée de la double consultation prévue par la stipulation précitée ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, en tant qu'il a condamné M. X... à verser au centre hospitalier général de Libourne, une indemnité totale de 4 525 288,58 F incluant, d'une part, la somme de 4 208 238,58 F au titre des travaux nécessaires pour remédier aux malfaçons qui, étant apparentes au moment de la réception définitive, ne pouvaient mettre en jeu que sa responsabilité contractuelle et, d'autre part, la somme de 317 050 F en réparation des troubles entraînés par la fermeture de l'hôpital pendant l'exécution de ces travaux ;

Considérant que la VILLE DE LIBOURNE a été condamnée par l'article 5 du jugement attaqué à garantir M. X... de la moitié des condamnations prononcées à son encontre sur le fondement de sa responsabilité contractuelle ; que M. X... étant, ainsi qu'il vient d'être dit, déchargé de ces condamnations, il y a lieu, par voie de conséquence, de faire droit aux conclusions de la requête susvisée de la VILLE DE LIBOURNE tendant à être déchargée de sa garantie et d'annuler l'article 5 du jugement attaqué ;
En ce qui concerne la responsabilité décennale :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bâtiment à usage de bloc médico-chirurgical construit pour le centre hospitalier général de Libourne méconnaissait, sur de nombreux points, les règles de protection contre l'incendie en vigueur pour ce type d'établissement lors de la passation du marché ainsi que certaines des prescriptions imposées par le permis de construire en matière de sécurité ; que les désordres en résultant rendaient l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'ainsi, et alors même que le bâtiment a été mis en service, celles de ces malfaçons qui n'étaient pas apparentes au moment de la réception définitive sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; qu'eu égard au caractère non apparent desdites malfaçons, le centre hospitalier n'a commis, en accordant la réception définitive des ouvrages, aucune faute susceptible d'atténuer la responsabilité des constructeurs du chef de ces désordres ;

Considérant que le montant des condamnations que le tribunal administratif a prononcées, par les articles 1er, 2 et 3 de son jugement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs soit à l'encontre de M. X... solidairement avec les entreprises Fayat et Vincent, avec la société métropolitaine de construction et de travaux publics et l'entreprise Tunzini, soit à l'encontre de M. X... seul, au titre, d'une part, des travaux nécessaires pour remédier aux désordres engageant cette garantie et, d'autre part, des troubles entraînés par la fermeture de l'hôpital pendant la réalisation de ces travaux n'est pas contesté ; que M. X... n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il le condamne, sur le fondement de la garantie décennale, envers le centre hospitalier général de Libourne ;
Sur les conclusions à fin de garantie présentées par M. X... :
Considérant que pour demander que l'Etat le garantisse des condamnations prononcées à son encontre, M. X... se prévaut de ce que le bâtiment a été réalisé par référence à un projet-type qui avait reçu l'agrément du ministre de la santé et sur la base d'un permis de construire délivré par l'Etat ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que l'octroi de cet agrément et la délivrance de ce permis aient constitué des fautes susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant que les départements n'exercent pas pouvoir de tutelle sur les communes ; que M. X... n'est, dès lors, pas fondé à se prévaloir d'une carence du département de la Gironde dans l'exercice d'un prétendu pouvoir de tutelle sur la VILLE DE LIBOURNE pour l'appeler en garantie ;

Considérant, enfin, que les fautes qu'a commises la commission auxiliaire de sécurité en délivrant un certificat de conformité avant la réception définitive des travaux sans relever les malfaçons concernant les normes de sécurité, n'ont pas constitué, en tant qu'elles concernent des malfaçons qui n'étaient pas apparentes, des fautes lourdes seules susceptibles d'engager la responsabilité de la VILLE DE LIBOURNE ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions d'appel en garantie ;
Sur les conclusions d'appel provoqué de la société anonyme Fayat Entreprise, de la société anonyme Entreprise Vincent, de la société Tunzini Nessi Entreprises d'équipements et de la société métropolitaine de construction et de travaux publics :
Considérant que la présente décision rejette l'appel principal de M. X... en ce qui concerne notamment les condamnations auxquelles il a été condamné solidairement avec les sociétés Fayat Entreprise, Entreprise Vincent, Tunzini Nessi et la société métropolitaine de construction et de travaux publics ; que, par voie de conséquence, les conclusions des appels provoqués présentés par ces sociétés ne sont pas recevables ;
En ce qui concerne les frais d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décharger la VILLE DE LIBOURNE de la part des frais d'expertise mise à sa charge par l'article 7 du jugement attaqué, de ramener la part de ces frais incombant à M. X... à 29 % et de condamner le centre hospitalier général de Libourne à en supporter 40 % ;
Article 1er : L'article 5 du jugement susvisé du tribunal administratif de Bordeaux en date du 27 juin 1985 est annulé.
Article 2 : L'indemnité de 5 025 989,87 F à laquelle M. X... aété condamné à payer au centre hospitalier général de Libourne par l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en datedu 27 juin 1985 est ramenée à 500 701,29 F.
Article 3 : la VILLE DE LIBOURNE est déchargée de la part des frais d'expertise mise à sa charge par l'article 7 du jugement susvisé du tribunal administratif de Bordeaux, la part de ces frais incombant à M. X... est ramenée à 29 % et celle incombant au centrehospitalier général de Libourne à 40 %.
Article 4 : Le surplus du jugement susvisé du tribunal administratif de Bordeaux en date du 27 juin 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux par le centre hospitalier général de Libourne et tendant à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de M. X... sont rejetées.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... et les conclusions des appels provoqués des sociétés Fayat Entreprise, Entreprise Vincent, Tunzini Nessi et de la société métropolitaine de construction et de travaux publics sont rejetés.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à laVILLE DE LIBOURNE, au centre hospitalier général de Libourne, à la société Fayat, à la société Entreprise Vincent, à la société Tunzini Nessi, à la société métropolitaine de construction et de travaux publics et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité, chargé de la santé.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - CHAMP D'APPLICATION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE.


Références :

Code civil 1792, 2270


Publications
Proposition de citation: CE, 24 oct. 1990, n° 70757
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Fratacci
Rapporteur public ?: Abraham

Origine de la décision
Formation : 2 / 6 ssr
Date de la décision : 24/10/1990
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 70757
Numéro NOR : CETATEXT000007772687 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1990-10-24;70757 ?
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