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09/11/1990 | FRANCE | N°57520

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 09 novembre 1990, 57520


Vu, 1°) sous le n° 57 520, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 mars 1984 et 9 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle A... Demange, demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 1er septembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes dirigées contre diverses décisions administratives successives intéressant sa carrière administrative et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser diverses indemnités s'élevant au total à 2

50 000 F pour réparer les préjudices matériel et moral résultant de ces...

Vu, 1°) sous le n° 57 520, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 mars 1984 et 9 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle A... Demange, demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 1er septembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes dirigées contre diverses décisions administratives successives intéressant sa carrière administrative et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser diverses indemnités s'élevant au total à 250 000 F pour réparer les préjudices matériel et moral résultant de ces décisions ;
2°) annule les décisions attaquées devant le tribunal administratif et condamne l'Etat à lui verser une indemnité globale de 250 000 F avec les intérêts et les intérêts des intérêts ;
Vu, 2°) sous le n° 74 492, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 30 décembre 1985 et le 28 février 1986, présentés par Mlle A... Demange et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 25 juin 1985, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 février 1983, par lequel le ministre de l'éducation nationale lui a infligé la sanction de révocation sans suspension des droits à pension ;
2°) annule ledit arrêté ministériel ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 ;
Vu la loi du 29 juillet 1961, notamment son article 4, modifié par la loi du 22 juillet 1977 ;
Vu la loi du 3 janvier 1972 et le décret du 1er septembre 1972 ;
Vu la loi du 4 août 1981 portant amnistie ;
Vu le décret du 14 février 1959 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Labarre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Y... et de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocats de Mlle A... Demange,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de Mlle Z... sont relatives à des décisions successives qui ont affecté sa carrière administrative ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'éducation nationale :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les décisions des 8 et 17 avril 1980 la première infligeant à Mlle Z... la sanction de déplacement d'office et la seconde la mutant à l'université de Metz :
Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions alors en vigueur relatives à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires et résultant de l'article du décret du 14 février 1959 en vigueur à la date de la décision attaquée : "Le fonctionnaire incriminé a le droit d'obtenir, aussitôt que l'action disciplinaire est engagée, la communication intégrale de son dossier individuel et de tous documents annexes. Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou verbales, citer des témoins et se faire assister d'un défenseur de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l'administration" ;
Considérant que si la requérante soutient, d'une part, que l'arrêté en date du 8 avril 1980 par lequel le ministre de l'éducation nationale lui a infligé la sanction de déplacement d'office serait intervenue sur une procédure irrégulière, il est constant qu'elle a été mise à même de prendre communication de son dossier dans des délais qui lui ont permis d'organiser sa défense, qu'elle a été assistée par un avocat devant le conseil de discipline et qu'elle y a cité des témoins ; que si elle soutient, d'autre part, que la convocation à comparaître devant le conseil de discipline ne mentionnait que de façon très insuffisante les griefs qui lui étaient reprochés, il ressort des pièces du dossier que l'indication sur ladite convocation que l'engagement de la procédure disciplinaire à son encontre avait été motivé par son comportement professionnel était en soi suffisante dès lors que la prise de connaissance de son dossier a apporté à l'intéressée toutes les précisions qui lui ont été utiles pour préparer sa défense ;

Considérant que la circonstance que les pièces de son dossier individuel n'aient pas été numérotées et classées sans discontinuité, ni paraphées, ne constitue pas un vice de procédure de nature à entraîner l'annulation de la mesure disciplinaire dès lors qu'il n'est pas établi que des documents pouvant exercer une influence aient été soustraits du dossier avant sa communication à l'intéressée puis au conseil de discipline ; que si la requérante soutient que ce dossier aurait été dénaturé, elle n'assortit son allégation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'enfin si elle prétend qu'il y manquait notamment le rapport de l'expertise médicale de caractère neuro-psychiatrique à laquelle elle s'était soumise à la demande de l'administration, il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction intervenue à son encontre ait été prise au vu de pièces autres que celles qui figuraient au dossier dont elle a pris connaissance ; que ne figurait pas à ce dossier le rapport d'expertise neuro-psychiatrique invoqué qui, couvert par le secret médical, avait été communiqué, non pas directement à l'administration, mais au médecin qui lui était attaché en qualité de conseiller médical ; que, pour prendre sa décision, l'autorité administrative s'est, de ce fait, uniquement fondée sur les conclusions écrites que ce conseiller médical a tirées du rapport d'expertise et qui ont été régulièrement portées à la connaissance de Mlle Z... ; qu'aucune disposition ni aucun principe ne faisait obligation à l'administration de faire connaître au fonctionnaire poursuivi le nom des témoins qu'elle avait régulièrement cités devant le conseil de discipline, ni de surseoir à statuer avant d'avoir répondu aux "conclusions préalables" que Mlle Z... avait présentées ; qu'ainsi la requérante n'établit donc pas que l'avis motivé que le conseil de discipline, compétemment saisi et dont les membres n'ont pas manqué au devoir d'impartialité, a formulé serait intervenu en violation des droits de la défense ou sur une procédure irrégulière ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'en reprochant à Mlle Z... sa mauvaise volonté à accomplir le travail qui lui était demandé, ainsi que les refus répétés d'obéissance qu'elle a opposés à ses supérieurs hiérarchiques, notamment en n'acceptant pas sa mise à la disposition du service des transports scolaires de l'inspection académique de Meurthe-et-Moselle, l'administration s'est fondée sur des faits matériellement exacts et n'a pas dénaturé le comportement professionnel de l'intéressée ; que le ministre de l'éducation nationale n'a entaché d'aucune erreur d'appréciation sa décision en date du 8 avril 1980 par laquelle il lui a infligé la sanction de déplacement d'office, non plus que sa décision du 18 avril 1980 mutant Mlle Z... à l'université de Nancy, laquelle n'a constitué qu'une mesure d'exécution de la sanction disciplinaire ; que les conclusions susanalysées doivent donc être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'indemnisation des prétendus préjudices subis par la requérante "depuis plus de quinze ans" du fait des décisions illégales que l'administration a prises à son égard :
Considérant que Mlle Z... qui n'établit pas que les décisions que l'administration a prises à son égard "depuis plus de quinze ans" aient été entachées d'illégalité n'est donc pas fondée à demander une indemnité de 200 000 F ; que ses conclusions sur ce point doivent être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions relatives aux conséquences des suspensions de traitement depuis le 1er mai 1980 :

Considérant, d'une part, que c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé qu'il n'y avait lieu de statuer sur les conclusions de Mlle Z... tendant à ce que fût annulé le refus de l'administration opposé à sa demande tendant à ce que lui soient payés ses traitements et indemnités depuis le 1er mai 1980, dès lors que, postérieurement à l'introduction de sa demande devant le juge administratif, l'administration a payé à l'intéressée la totalité des sommes qu'elle réclamait ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que si ce fonctionnaire n'a cessé d'être présent à son poste, il s'est refusé à exécuter les tâches qui lui étaient confiées ; qu'en l'absence de service fait, l'administration n'a donc pas commis d'illégalité en suspendant le paiement de son traitement ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser 50 000 F pour réparer les troubles que lui avait fait subir dans ses conditions d'existence la suspension du paiement de ses traitements et indemnités ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les décisions en date du 14 décembre 1981 par lesquelles le ministre de l'éducation nationale a refusé, d'une part, de réintégrer Mlle Z... en qualité de documentaliste et, d'autre part, de reconstituer sa carrière :
Considérant, d'une part, que la loi du 4 août 1981 portant amnistie ne comportait aucune disposition obligeant l'administration à réintégrer dans leur poste initial les agents déplacés d'office et à procéder à la reconstitution de carrière des intéressés ; qu'ainsi Mlle Z... qui ne pouvait se prévaloir d'aucun droit à l'appui de ses demandes, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté les conclusions ci-dessus analysées ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 29 mai 1981 déclarant non imputable au service, l'accident du 1er octobre 1980 :

Considérant que pour refuser, par la décision du 29 mai 1981, l'imputablité au service des séquelles d'une chute que Mlle Z... aurait faite chez elle, au cours de l'arrêt de travail qui lui avait été octroyé, à la suite d'un accident de la circulation reconnu accident du travail du 1er septembre 1980, l'administration s'est fondée à bon droit sur la circonstance que le déplacement d'articulations de la main droite n'a pu constituer l'aggravation d'une précédente entorse du genou gauche ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions ci-dessus analysées ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'invitation du recteur de l'académie de Nancy-Metz faite à Mlle Z... de se présenter chez un médecin spécialiste :
Considérant qu'une telle "convocation" ne saurait être regardée comme une décision administrative de nature à faire grief à l'intéressée ; que c'est par suite à bon droit que le tribunal administratif a estimé que les conclusions susanalysées de la requérante n'étaient pas au nombre de celles qui peuvent être déférées au juge de l'excès de pouvoir et les a rejetées comme irrecevables ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du recteur de l'académie de Nancy-Metz mutant Mlle Z... de l'université de Metz à l'institut de langue française à Nancy :
Considérant que les conclusions susanalysées n'ont été enregistrées que le 21 juillet 1986, soit après l'expiration du délai d'appel ; qu'elles ne sont dès lors pas recevables ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté du ministre de l'éducation nationale en date du 16 février 1986 prononçant la révocation de Mlle Z... sans suspension des droits à une pension de retraite ;
Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 25 juin 1985 ;
Considérant, en premier lieu, que si Mlle Z... soutient qu'elle n'a pu présenter d'observations orales devant le tribunal administratif, faute pour celui-ci de l'avoir convoquée à l'audience, il ressort des mentions portées sur la minute du jugement attaqué qui font foi jusqu'à preuve contraire que les parties avaient été régulièrement convoquées ;
Considérant, en second lieu, que la requérante n'établit pas que le tribunal aurait statué à partir d'un dossier incomplet ; que, dès lors, les moyens relatifs à la régularité du jugement ne peuvent qu'être écartés ;

Sur la procédure disciplinaire :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la convocation adressée à Mlle Z... pour qu'elle comparaisse le 9 février 1983 devant la commission administrative paritaire nationale des sténodactylographes siégeant en formation disciplinaire informait l'intéressée des droits résultant du décret du 14 février 1959 ci-dessus rappelé ; que la circonstance que cette convocation n'a fait état que du comportement professionnel de la requérante n'a pas été de nature à vicier cette procédure dès lors que l'intéressée a été en mesure de préparer sa défense ; qu'en effet, si Mlle Z... a, par la suite, renoncé à prendre communication de son dossier individuel et à se présenter devant le conseil de discipline, il ressort des pièces du dossier qu'elle a fait connaître au président de cette instance le nom de son défenseur et celui des témoins qu'elle souhaitait voir entendus par le conseil de discipline ; que de surcroît, les "conclusions préalables" au nombre de onze dont elle a saisi l'administration établissent qu'elle a pu préparer sa défense ;

Considérant qu'aucune disposition alors en vigueur, ni aucun principe ne faisait obligation au conseil de discipline de statuer sur ces "conclusions préalables" avant d'examiner le cas de l'intéressée et d'entendre les témoins cités, et à l'administration de faire connaître le nom de ses témoins au fonctionnaire poursuivi et n'autorisait celui-ci à récuser soit des membres du conseil, soit des témoins ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que les membres du conseil de discipline aient été irrégulièrement convoqués ni qu'ils se soient comportés de façon partiale et non indépendante ; que la requérante n'établit d'aucune manière en quoi le dossier soumis au conseil de discipline était différent de celui qu'il aurait dû avoir et dont au surplus elle avait refusé de prendre connaissance ; que si Mlle Z... reproche au président du conseil de discipline d'avoir tranché seul certains points de droit, cette allégation de la requérante n'est pas établie par le procès-verbal de la séance ; qui si la requérante allègue que le président est demeuré, au cours de la séance, en relation avec l'extérieur, elle n'apporte à ce moyen aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que si Mlle Z... soutient qu'elle n'a pu bénéficier d'un défenseur et qu'elle aurait été privée illégalement de ce droit fondamental, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, elle a fait connaître par écrit au président du conseil de discipline, avant l'ouverture de la séance, le nom de son défenseur ainsi que celui de ses témoins ; qu'en l'absence de ce défenseur, et alors que les débats étaient commencés depuis près d'une heure et demie, M. X..., témoin cité, a demandé à changer de rôle pour se substituer au défenseur défaillant de Mlle Z... ; que le refus d'abord opposé à cette demande a été sans influence sur la régularité de la procédure disciplinaire dès lors qu'il est constant que M. X... a assuré effectivement la défense de la requérante ; qu'ainsi, Mlle Z... n'est pas fondée à soutenir que le principe des droits de la défense aurait été méconnu à l'occasion de la réunion du conseil de discipline statuant sur son cas ; qu'enfin, aucune disposition ne faisait obligation à l'administration de communiquer le procès-verbal de la séance du conseil de discipline à l'intéressée avant que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne prenne sa décision ;

Sur la légalité interne de la décision portant révocation de Mlle Z... :
Considérant qu'en relevant les manquements graves et répétés dont Mlle Z... s'est rendue coupable tant à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques qu'à l'égard de ses obligations professionnelles, le ministre ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts ; qu'en s'obstinant à refuser toutes les affectations et toutes les tâches qu'elle prétendait à la fois contraires à son état de santé et à ses aptitudes physiques sans en apporter la preuve, l'intéressée a commis des faits de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu'en décidant par son arrêté en date du 16 février 1983, de révoquer Mlle Z... sans suspension de ses droits à pension, le ministre n'a entâché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que, Mlle Z... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ;
Considérant, que de tout ce qui précède, il résulte que Mlle Louisette Z... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par les jugements susvisés, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions ;
Article 1er : Les requêtes susvisées de Mlle Louisette Z... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Z... et au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.


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