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09/11/1990 | FRANCE | N°78795

France | France, Conseil d'État, 8 / 7 ssr, 09 novembre 1990, 78795


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 mai 1986 et 23 septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement, en date du 12 mars 1986 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1975 à 1977 dans les rôles de la ville de Marseille,
2°) lui accorde la décharge sollicitée ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le cod...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 mai 1986 et 23 septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement, en date du 12 mars 1986 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1975 à 1977 dans les rôles de la ville de Marseille,
2°) lui accorde la décharge sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Dominique Laurent, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 30 juin 1988, postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur des services fiscaux des Bouches-du-Rhône a réduit les suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle du même impôt, auxquels M. X... a été assujetti respectivement au titre de 1975 et 1976 et au titre de 1975, pour des montants de respectivement, 76 050 F, 919 980 F et 6 084 F correspondant à l'abandon des pénalités encourues ; qu'à concurrence de ces sommes les conclusions de la requête de M. X... sont devenues sans objet ;
Sur les impositions restant en litige :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de visites domiciliaires effectuées par la direction générale des douanes et des droits indirects au siège et chez les dirigeants de la société anonyme "Compagnie Algérienne de Meunerie", les services enquêteurs ont saisi des documents faisant état du versement à divers bénéficiaires de commissions occultes à l'occasion de transactions commerciales effectuées par cette société, spécialisée dans le commerce des grains ; que, au vu des documents que l'administration des douanes avait saisis et leur avait communiqués, les services fiscaux ont estimé que la "Compagnie Algérienne de Meunerie" avait facturé des livraisons de blé dur à la société anonyme "Les semouleries de Bellevue" à un prix supérieur au prix réellement convenu et qu'elle avait reversé la différence à M. X..., directeur administratif et financier de cette dernière société ; qu'ils en ont déduit que ces versements étaient des rémunérations occultes distribuées à M. X... et ont assujetti l'intéressé à une imposition supplémentaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 1975, 1976 et 1977, majorée des pénalités prévues à l'article 1729 du code énéral des impôts en cas de man euvres frauduleuses ;

En ce qui concerne la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen des notifications de redressement adressées à M. X... les 21 décembre 1979 et 17 novembre 1980, ainsi que de la réponse aux observations du contribuable qui lui a été adressée le 29 décembre 1980 que l'intéressé, averti de la nature et de la teneur des documents saisis par le service des douanes sur lesquels le vérificateur se fondait pour procéder au rehaussement contesté, a été ainsi mis à même, avant le recouvrement des impositions qui en procèdent, d'en demander la communication ;
Considérant, en second lieu, que les impositions litigieuses ont exclusivement pour origine les informations ainsi portées à la connaissance de l'administration fiscale et ne procèdent pas de la vérification approfondie de la situation fiscale de M. X... à laquelle le service a par ailleurs procédé ; que les moyens tirés des irrégularités qui entacheraient le déroulement de cette vérification sont, par suite, inopérants ; qu'il en va de même du moyen tiré de la prétendue méconnaissance des dispositions de l'article 1649 quinquies A, applicable en l'espèce, qui font obstacle à ce que l'administration procède à de nouveaux redressements après l'achèvement d'une vérification approfondie de situation fiscale, dès lors qu'en l'espèce le vérificateur s'est borné à confirmer dans une seconde notification portant sur les années 1975 à 1978 les redressements déjà notifiés pour 1975 ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'en vertu de l'article 111-c du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes consentis par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés sont regardés comme des revenus distribués qui sont, par suite, imposables à l'impôt sur le revenu, au nom des bénéficiaires, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant qu'il résulte de l'examen des pièces produites devant le Conseil d'Etat dont M. X... a eu connaissance et dont il n'a pas sérieusement contesté la teneur, que l'intéressé était nommément désigné comme le bénéficiaire de commissions occultes versées en espèces, par la compagnie algérienne de meunerie, à l'occasion de contrats passés par elle avec la société "Les semouleries de Bellevue" ; qu'en produisant lesdits documents, qui mentionnent notamment l'identité du bénéficiaire, et les dates de versements, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de la réalité desdits versements ; que c'est par suite à bon droit qu'elle a regardé les sommes en cause comme des rémunérations occultes et les a, en application de l'article 111-c, réintégrées dans le revenu imposable de M. X... ; qu'en revanche l'administration n'établit pas que ce dernier ait été le bénéficiaire de commissions versées par la même compagnie sur un compte ouvert auprès d'une banque ayant son siège à Genève (Suisse) ; qu'il y a lieu en conséquence, de retrancher les sommes correspondantes, soit 971 780 F pour l'année 1976 et 387 487 F pour 1977, du revenu imposable du requérant ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant, d'une part, que le dégrèvement mentionné au début de la présente décision correspond au montant des pénalités mises à la charge de M. X... au titre des années 1975 et 1976 ; que, par suite, la contestation des pénalités devient, dans cette mesure, sans objet ;
Considérant, d'autre part, que la lettre en date du 30 décembre 1980 par laquelle l'administration a fait connaître à M. X... que les impositions seraient majorées de pénalités, calculées au taux de 100 % prévu par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts en cas de man euvres frauduleuses, précisait contrairement à ce que soutient le requérant les motifs de cette majoration ; que si, les versements par l'intermédiaire d'un compte ouvert auprès d'une banque suisse et sur lesquels elle se fondait n'étant pas démontrés, l'administration n'établit pas l'existence de man euvres frauduleuses, elle doit être regardée, eu égard aux circonstances ci-dessus relatées et notamment à l'importance des sommes en cause et au procédé mis en euvre pour leur versement, comme justifiant la mauvaise foi du contribuable ; qu'il y a lieu, en conséquence, de substituer aux pénalités qui lui ont été infligées au titre de l'année 1977 au titre de manoeuvres frauduleuses, des pénalités calculées au taux qui s'applique en cas de mauvaise foi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé dans les limites susindiquées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Article 1er : A concurrence de, respectivement 76 050 F, 919 980 F et 6 084 F, il n'y a lieu de statuer sur les conclusions dela requête de M. X..., relatives aux impositions auxquelles il a étéassujetti à l'impôt sur le revenu au titre de 1975 et 1976 et à la majoration exceptionnelle du même impôt au titre de 1975.
Article 2 : Le revenu imposable de M. X... sera réduit d'un montant de 971 780 F pour l'année 1976 et de 387 487 F pour 1987.
Article 3 : M. X... est déchargé de la différence entre l'impôt auquel il a été assujetti au titre des années 1976 et 1977 e celui qui résulte de l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Les pénalités calculées au taux applicable en cas demauvaise foi sont substituées aux pénalités mises à la charge de M. X... au titre du complément d'impôt sur le revenu auquel il reste assujetti pour 1977.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 78795
Date de la décision : 09/11/1990
Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUES - NOTION DE REVENUS DISTRIBUES - IMPOSITION PERSONNELLE DU BENEFICIAIRE -Charge de la preuve - Preuve incombant à l'administration - Commissions occultes (article 111-c du C.G.I.) - Preuve de l'appréhension de commissions versées en espèces incombe à l'administration (1) - Preuve apportée en l'espèce.

19-04-02-03-01-01-02 A la suite de visites domiciliaires effectuées par la direction générale des douanes et des droits indirects au siège et chez les dirigeants de la "compagnie X.", les services enquêteurs ont saisi des documents faisant état du versement à divers bénéficiaires de commissions occultes à l'occasion de transactions commerciales effectuées par cette société. Il résulte de l'examen de ces pièces, dont le contribuable a eu connaissance et dont il n'a pas sérieusement contesté la teneur, que l'intéressé était nommément désigné comme le bénéficiaire de commissions occultes versées en espèces, par la "compagnie X.", à l'occasion de contrats passés par elle avec la société Y. dont le contribuable était directeur administratif et financier. En produisant lesdits documents, qui mentionnent notamment l'identité du bénéficiaire et les dates de versements, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de la réalité desdits versements. C'est par suite à bon droit qu'elle a regardé les sommes en cause comme des rémunérations occultes et les a, en application de l'article 111-c, réintégrées dans le revenu imposable du contribuable.


Références :

CGI 1649 quinquies A, 111 c, 1729

1.

Cf. 1989-09-28, Teplansky, 69722, pour des commissions versées sur un compte bancaire en Suisse, également révélées par des documents saisis auprès de la même société versante


Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 1990, n° 78795
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: Mme D. Laurent
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:78795.19901109
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