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12/11/1990 | FRANCE | N°95823;95856

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 12 novembre 1990, 95823 et 95856


Vu 1°), sous le numéro 95 823, le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 4 mars 1988 ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 15 décembre 1987, en tant que, par l'article 1er de ce jugement, le tribunal administratif a annulé la décision du directeur régional du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur en date du 10 mai 1984 et la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en dat

e du 10 octobre 1984, en tant qu'elles exigent le retrait ou...

Vu 1°), sous le numéro 95 823, le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 4 mars 1988 ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 15 décembre 1987, en tant que, par l'article 1er de ce jugement, le tribunal administratif a annulé la décision du directeur régional du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur en date du 10 mai 1984 et la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 10 octobre 1984, en tant qu'elles exigent le retrait ou la modification de l'article 1-6, du dernier alinéa de l'article 2-8 et du premier alinéa de l'article 2-11 du règlement intérieur élaboré par la Société Atochem pour son établissement de Port-de-Bouc-Fos ;
- de rejeter la demande présentée par la Société Atochem devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu 2°), sous le numéro 95 856, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 mars 1988 et 6 juillet 1988, présentés pour la SOCIETE ATOCHEM, dont le siège est 4-8, cours Michelet, La Défense 10 à Puteaux (92800), représentée par son président-directeur général en exercice, domicilié audit siège ; La SOCIETE ATOCHEM demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 15 décembre 1987, en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre l'article 1er de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 10 octobre 1984 en tant qu'elle confirme la décision du directeur régional du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur en date du 10 mai 1984 exigeant le retrait des deux dernières phrases de l'article 2-2 du règlement intérieur élaboré par la SOCIETE ATOCHEM pour son établissement de Port-de-Bouc-Fos, et a, par voie de conséquence, annulé la décision du ministre en tant qu'elle infirme partiellement, à son article 3, la décision du directeur régional sur ce point ;
- annule pour excès de pouvoir la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en tant qu'elle confirme, à son article 1er, la décision du directeur régional du travail et de l'emploi exigeant la modification de l'article 2-2 du règlement intérieur ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dutreil, Auditeur,
- les observations de Me Spinosi, avocat de la S.A. ATOCHEM,
- les conclusions de M. Tuot, Commissaire u gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI et la requête de la SOCIETE ATOCHEM sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.122-34 du code du travail : "Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement ; les règles générales et permanentes relatives à la discipline ..." ; qu'en vertu de l'article L.122-35 du même code : "Le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements ... Il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" ; qu'aux termes des articles L.122-37 et L.122-38, l'inspecteur du travail "peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L.122-34 et L.122-35", et que sa décision "peut faire l'objet ... d'un recours devant le directeur régional du travail et de l'emploi" ;
Considérant que, par la décision attaquée en date du 10 octobre 1984, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, saisi d'un recours hiérarchique dirigé contre la décision du directeur régional du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur en date du 10 mai 1984, a partiellement confirmé cette décision en tant qu'elle exigeait le retrait ou la modification de plusieurs dispositions du règlement intérieur élaboré par la SOCIETE ATOCHEM pour son établissement de Porc-de-Bouc-Fos ;

Sur le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI :
En ce qui concerne les articles 1-6 et 2-8 du règlement intérieur :
Considérant que l'article 1-6 du règlement intérieur litigieux prévoit que "les dispositions relatives à l'hygiène et la sécurité ainsi que les règles de discipline générale s'appliquent également à toute personne présente dans l'établissement de Port-de-Bouc-Fos en qualité de salarié d'une entreprise intérimaire, d'une entreprise extérieure quelle que soit la forme de son intervention" et que le dernier alinéa de l'article 2-8 du même règlement, relatif aux engins de levage et de manutention, dispose que "le personnel des entreprises extérieures et le personnel intérimaire doivent posséder une autorisation de conduite délivrée par leur propre employeur" ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne s'opposent à ce qu'un règlement intérieur établi pour une entreprise ou un établissement soit applicable, en tant qu'il fixe les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité ainsi que les règles générales et permanentes relatives à la discipline, à toutes les personnes qui exécutent un travail dans cette entreprise ou cet établissement, que ces personnes soient liées ou non par un contrat de travail avec l'employeur qui a établi ledit règlement ; que cependant, l'employeur ne pouvant exercer son pouvoir disciplinaire qu'à l'égard des salariés qui lui sont liés par un contrat de travail, les dispositions du règlement intérieur relatives à la nature et l'échelle des sanctions ainsi qu'à la procédure disciplinaire ne peuvent s'appliquer qu'à ces salariés ;
Considérant qu'en se bornant, sans opérer la distinction ci-dessus rappelée, à demander à la SOCIETE ATOCHEM d'exclure le personnel intérimaire et le personnel des entreprises extérieures du champ d'application de son règlement intérieur, le directeur régional du travail et de l'emploi et le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle n'ont pas donné de base légale à leurs décisions ; que, par suite, le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions en tant qu'elles exigent la modification ou le retrait des articles 1-6 et du dernier alinéa de l'article 2-8 du règlement intérieur litigieux ;

En ce qui concerne l'article 2-11 :
Considérant que le premier alinéa de l'article 2-11 du règlement intérieur, relatif aux "protections individuelles et collectives", dispose que : "chaque salarié est responsable de sa sécurité personnelle et doit, par son comportement, préserver celle des autres" ;
Considérant que cette disposition se borne à formuler une recommandation invitant les salariés à la vigilance ; qu'elle ne présente donc pas le caractère d'une mesure d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité ni d'une règle générale et permanente relative à la discipline ; que, par suite, le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions du directeur régional et du ministre en tant qu'elles exigeaient le retrait de cette disposition du règlement intérieur ;
Sur la requête de la SOCIETE ATOCHEM :
Considérant que l'article 2-2, relatif à la "sécurité générale", du règlement intérieur litigieux dispose que : "la nature des activités essentiellement à feux continus de l'établissement, la complexité de ses installations industrielles et le caractère dangereux des produits utilisés ou fabriqués imposent des règles particulières assurant la prévention de tout sinistre et la protection des travailleurs, des populations et de l'environnement. Ces règles précisent en particuler les postes de travail, qui sauf décision contraire de la direction ou de ses représentants dûment mandatés, doivent être tenus par leurs titulaires ou leurs remplaçants en toutes circonstances, y compris pendant la grève. Dans ce dernier cas, des notes de service publiées durant le préavis de 48 heures mentionneront, outre les opérations de mise en sécurité des installations, les postes nécessairement assurés durant le temps de grève, ainsi que les différentes fonctions d'astreinte" ; que le directeur régional du travail et de l'emploi a, par sa décision du 10 mai 1984, exigé le retrait des deux dernières phrases de cet article au motif que de telles dispositions étaient étrangères à l'objet du règlement intérieur ; que la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 10 octobre 1984, a confirmé, en son article 1er, la décision du directeur régional et l'a infirmée partiellement en son article 3 ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article 2-2 du règlement intérieur, y compris celles des deux dernières phrases, ont pour objet de prévoir des mesures de sécurité applicables dans les deux usines de Port-de-Bouc et de Fos de la SOCIETE ATOCHEM qui sont spécialisées dans le traitement et la fabrication de produits chimiques réputés dangereux ; que de telles mesures, alors même qu'elles peuvent comporter certaines restrictions à l'exercice du droit de grève par les salariés de l'entreprise, ne sont pas étrangères au champ d'application du règlement intérieur tel qu'il est défini par l'article L.122-34 précité du code du travail ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du directeur régional exigeant le retrait de ces dispositions du règlement intérieur ainsi qu'à l'annulation de l'article 1er de la décision du ministre en tant qu'elle confirmait cette exigence, et d'autre part, annulé par voie de conséquence la décision du ministre en tant qu'elle infirmait partiellement, par son article 3, la décision du directeur régional sur ce point ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 15 décembre 1987 est annulé, en premier lieu, en tant qu'il a annulé la décision du directeur régional du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur en date du 10 mai 1984 et la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 10 octobre 1984 en tant que ces décisions exigent le retrait du premier alinéa de l'article 2-11 du règlement intérieur élaboré par la SOCIETE ATOCHEM pour son établissement de Port-de-Bouc-Fos, en deuxième lieu, en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de la SOCIETE ATOCHEM tendant à l'annulation des décisions susmentionnées du directeur régional et du ministre en tant qu'elles exigent le retrait des deux dernières phrases de l'article 2-2 du même règlement intérieur, en troisième lieu, en tant qu'il a annulé la décision du ministre en tant qu'elle infirme partiellement la décision du directeur régional relative à l'article 2-2 de ce règlement.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentées par la SOCIETE ATOCHEM devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de la décision du directeur régional du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 10 mai 1984 et de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 10 octobre 1984, en tant que ces décisions exigent le retrait du premier alinéa de l'article 2-11 de son règlement intérieur, sont rejetées.
Article 3 : Les décisions susmentionnées du directeur régional et du ministre sont annulées en tant qu'elles exigent le retrait des deux dernières phrases de l'article 2-2 du règlement intérieur établi par la SOCIETE ATOCHEM pour son établissement de Port-de-Bouc-Fos.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et à la SOCIETE ATOCHEM.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 95823;95856
Date de la décision : 12/11/1990
Sens de l'arrêt : Annulation partielle rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-03-01 TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - REGLEMENT INTERIEUR -Règlement intérieur applicable à l'ensemble des personnes exécutant un travail dans l'entreprise ou l'établissement, à l'exception des dispositions relatives à la discipline qui ne s'appliquent qu'aux salariés liés par un contrat de travail à l'employeur.

66-03-01 Article 1-6 du règlement intérieur litigieux prévoyant que "les dispositions relatives à l'hygiène et la sécurité ainsi que les règles de discipline générale s'appliquent également à toute personne présente dans l'établissement de Port-de-Bouc-Fos en qualité de salarié d'une entreprise intérimaire, d'une entreprise extérieure quelle que soit la forme de son intervention" et dernier alinéa de l'article 2-8 du même règlement, relatif aux engins de levage et de manutention, disposant que "le personnel des entreprises extérieures et le personnel intérimaire doivent posséder une autorisation de conduite délivrée par leur propre employeur". Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne s'opposent à ce qu'un règlement intérieur établi pour une entreprise ou un établissement soit applicable, en tant qu'il fixe les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité ainsi que les règles générales et permanentes relatives à la discipline, à toutes les personnes qui exécutent un travail dans cette entreprise ou cet établissement, que ces personnes soient liées ou non par un contrat de travail avec l'employeur qui a établi ledit règlement. Cependant, l'employeur ne pouvant exercer son pouvoir disciplinaire qu'à l'égard des salariés qui lui sont liés par un contrat de travail, les dispositions du règlement intérieur relatives à la nature et l'échelle des sanctions ainsi qu'à la procédure disciplinaire ne peuvent s'appliquer qu'à ces salariés. En se bornant, sans opérer la distinction ci-dessus rappelée, à demander à la société Atochem d'exclure le personnel intérimaire et le personnel des entreprises extérieures du champ d'application de son règlement intérieur, le directeur régional du travail et de l'emploi et le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle n'ont pas donné de base légale à leurs décisions. Par suite, le ministre des affaires sociales et de l'emploi n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions en tant qu'elles exigent la modification ou le retrait de l'article 1-6 et du dernier alinéa de l'article 2-8 du règlement intérieur litigieux.


Références :

Code du travail L122-34, L122-35, L122-37, L122-38


Publications
Proposition de citation : CE, 12 nov. 1990, n° 95823;95856
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Dutreil
Rapporteur public ?: M. Tuot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:95823.19901112
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