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14/11/1990 | FRANCE | N°59177

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 14 novembre 1990, 59177


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 14 mai 1984, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, agissant par son président en exercice ; la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 1er mars 1984 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que M. X..., l'entreprise Aquitaine de construction et de travaux publics ACT, la société des établissements Puy-de-Bois et la société Saniflex soient condamnées à lui payer 147 952 F en réparation des

désordres apparus dans les toitures des bâtiments D, A et B du deu...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 14 mai 1984, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, agissant par son président en exercice ; la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 1er mars 1984 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que M. X..., l'entreprise Aquitaine de construction et de travaux publics ACT, la société des établissements Puy-de-Bois et la société Saniflex soient condamnées à lui payer 147 952 F en réparation des désordres apparus dans les toitures des bâtiments D, A et B du deuxième groupe scolaire de la zone d'aménagement concerté de Barthes-Malartic à Gradignan ;
2°) prononce cette condamnation, mette à la charge des défendeurs les frais d'expertise et lui accorde les intérêts légaux et leur capitalisation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Durand-Viel, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Boulloche, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX et de Me Odent, avocat de M. X... et autres,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne les désordres affectant l'étanchéité des cheneaux :
Considérant, en premier lieu, que, par ordonnance en date du 17 décembre 1979, le président du tribunal administratif de Bordeaux avait ordonné, à la demande de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, une expertise aux fins, notamment, de rechercher si les désordres dont elle entendait demander réparation sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil étaient prévisibles à la date de la réception définitive des travaux de construction du deuxième groupe scolaire de la zone d'aménagement concerté de Barthes Malartic à Gradignan ; que l'expert a relevé dans son rapport, déposé au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 17 avril 1980, qu'une rupture des soudures de l'étanchéité du chéneau du bâtiment D avait été constatée et réparée aux frais de l'assureur de la société Saniflex, entreprise titulaire du lot n° 3, avant la réception définitive des travaux et que les constatations faites à cette occasion rendraient d'ores et déjà prévisibles d'autres ruptures de l'étanchéité du chéneau à raison des mêmes causes ; qu'à la suite de cette expertise, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX a demandé au tribunal administratif la condamnation des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale en concluant à l'homologation du rapport d'expertise ; que M. X..., architecte, a également demandé l'homologation du rapport en ce qui concerne les désordres en chéneaux ; que, par suite, le tribunal admnistratif de Bordeaux pouvait, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, rejeter la demande de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX pour les désordres en chéneaux par le motif que ces désordres ne constituaient pas des vices cachés ;

Considérant, en second lieu, que la garantie du maître de l'ouvrage résultant des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil s'applique aux seuls désordres qui, n'étant ni apparents ni prévisibles à la date de la réception définitive des travaux, ne peuvent donner lieu à réparation sur la base de la garantie contractuelle ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que la première rupture de l'étanchéité du chéneau mentionnée ci-dessus avait permis au maître de l'ouvrage, qui disposait de services techniques, de connaître, dès avant la réception définitive, les causes de ce désordre, de prévoir la survenance d'autres ruptures à raison des mêmes causes et de mesurer ainsi les conséquences de ces malfaçons dans toute leur étendue ; que, par suite, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n'est pas fondée à invoquer l'accord conclu entre elle et les assureurs de la société Saniflex à l'occasion de la réparation de la première rupture de l'étanchéité du chéneau aux termes duquel elle réservait ses droits à obtenir, au titre de la garantie décennale, la réparation des désordres ultérieurs ayant les mêmes causes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a rejetée ses conclusions sur ce point ;
En ce qui concerne les désordres constatés dans l'étanchéité des parties courantes de la toiture du bâtiment D (école primaire) :
Sur la mise en jeu de la garantie décennale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert enregistré au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 17 avril 1980, que l'étanchéité des parties courantes de la toiture du bâtiment D était affectée de plissements dus aux mouvements liés aux variations thermiques des différents panneaux qui lui servaient de support et entre lesquels il n'avait pas été posé de bandes de pontage ; que si cette malfaçon n'avait pas, à la date des constatations de l'expert, causé de dommages immédiats, elle rendait probable des ruptures de l'étanchéité ; que celles-ci se sont produites en 1981 et ont conduit la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX à faire procéder à des réparations ; qu'ainsi les désordres dont s'agit, qui n'étaient pas apparents lors de la réception définitive des travaux d'étanchéité, révèlaient l'existence de malfaçons de nature à rendre l'école primaire impropre à sa destination ; que, par suite, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande sur ce point ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que les désordres dont s'agit sont imputables à la société Saniflex, chargée du lot de travaux n° 3 "étanchéité-isolation", et à M. X..., architecte chargé de la surveillance des travaux ; que la société acquitaine de construction et de travaux publics et la société des établissements Puy-de-Bois n'ont pris aucune part aux travaux dont s'agit ; qu'en raison de l'origine commune des désordres, il y a lieu de prononcer la condamnation solidaire de la société Saniflex, représentée par M. Chenard, et de M. X... à payer à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX le montant des travaux de réparation effectués en 1981, s'élevant à la somme non contestée de 73 352 F ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX a droit aux intérêts de la somme de 73 352 F à compter de la date d'enregistrement de sa demande, soit le 23 décembre 1981 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée les 14 mai 1984, 6 février 1987 et 10 février 1989 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les frais des expertises :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de la société Saniflex, représentée par M. Chenard, et de M. X... les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal de Bordeaux statuant en référé le 17 décembre 1979 et s'élevant à 6 300 F ;
Sur l'appel en garantie formé par M. X... contre la société Saniflex et contre la société des établissements Puy-de-Bois :
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert que les désordres affectant l'étanchéité des parties courantes de la toiture de l'école primaire résultent de ce que la société Saniflex a omis de poser les bandes de pontage ; que cette omission, contraire aux règles de l'art, constitue une faute ; que, par suite, en l'absence de faute caractérisée et d'une particulière gravité de M. X..., architecte, dans sa mission de surveillance des travaux, celui-ci est fondé à demander que la société Saniflex, représentée par M. Chenard, soit condamnée à le garantir de la condamnation prononcée à son encontre ; qu'en revanche, l'appel en garantie de M. X... contre la société des établissements Puy-de-Bois, qui n'a pris aucune part aux travaux dont s'agit, ne peut qu'être rejeté ;
Article 1er : M. X... et la société Saniflex, représentéepar M. Chenard, sont condamnés conjointement et solidairement à payerà la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX la somme de 73 352 F. Cette sommeportera intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 1981 ; les intérêts échus les 14 mai 1984, 6 juin 1987 et 10 février 1989 serontcapitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Bordeaux le 17 décembre 1979 et s'élevant à 6 300 F sont mis à la charge solidairement de M. X... etde la société Saniflex, représentée par M. Chenard.
Article 3 : La société Saniflex, représentée par M. Chenard, est condamnée à garantir M. X... des condamnations prononcées contre lui.
Article 4 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Bordeaux en date du 1er mars 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX et de l'appel en garantie présenté par M. X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, à la société aquitaine de construction et de travaux publics, à la société des établissements Puy-de-Bois, à M. X..., à M. Chenard, syndic de la société Saniflex et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 59177
Date de la décision : 14/11/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - CHAMP D'APPLICATION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS.


Références :

Code civil 1792, 2270, 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 14 nov. 1990, n° 59177
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Durand-Viel
Rapporteur public ?: Daël

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:59177.19901114
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