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10/12/1990 | FRANCE | N°73770

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 10 décembre 1990, 73770


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 novembre 1985 et 27 mars 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Hélène X..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 septembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande en réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1980 ;
2°) lui accorde une réduction de 14 404 F ou, subsidiairement, de 3 116 F de ladite imposition ;> Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 novembre 1985 et 27 mars 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Hélène X..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 septembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande en réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1980 ;
2°) lui accorde une réduction de 14 404 F ou, subsidiairement, de 3 116 F de ladite imposition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé du budget aux conclusions principales de la requête, en tant que celles-ci tendent à une réduction d'impôt excédant 11 905 F :
Considérant que, dans la réclamation qu'elle a présentée au directeur des services fiscaux comme dans sa demande au tribunal administratif, Mme X... a clairement manifesté la volonté d'obtenir que la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1980 soit réduite à due concurrence du surplus de droits résulté de l'imposition selon le régime applicable aux plus-values à court terme d'une plus-value de 89 676 F réalisée à l'occasion de la cession d'un fonds de commerce, et devant, selon elle, être soumise au régime fiscal des plus-values à long terme ; que, si, dans lesdites réclamation et demande, Mme X... a indiqué que, selon ses calculs, la fraction ainsi contestée des droits s'élevait à 11 905 F, alors qu'en réalité, elle s'élève à 14 404 F, l'administration ne saurait, en appel, se prévaloir de l'erreur de calcul antérieurement commise par la requérante dans l'évaluation de la portée de ses conclusions pour soutenir que celles-ci seraient irrecevables, devant le Conseil d'Etat, en tant qu'elles tendent à une réduction excédant 11 905 F ;
Sur le régime d'imposition applicable à la plus-value litigieuse :
Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 39 terdecies du code général des impôts : "Sous réserve des dispositions de l'article 41, les plus-values nettes constatées en cas de décès de l'exploitant sont soumises de plein droit au régime fiscal des plus-values à long terme" ; que cette dernière disposition trouve à s'appliquer lorsqu'en vertu de l'article 201 du code général des impôts, dans le cas de décès de l'exploitant d'une entreprise dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite du décès de son père, survenu le 16 mai 1978, Mme X... a, notamment, hérité, indivisément avec son frère, l'officine de pharmacie dont le défunt était titulaire, à Reims ; que la plus-value constatée lors du décès, égale à la différence entre la valeur vénale des éléments incorporels du fonds de commerce appréciée à la date du 16 mai 1978 et le prix pour lequel le père de Mme X... avait acquis le fonds, en 1963, soit d'un montant de 818 234 F, a, en application des dispositions précitées de l'article 39 terdecies du code général des impôts, après que l'indivision successorale eut expressément renoncé au bénéfice des dispositions de l'article 41 de ce code, été imposée selon le régime fiscal des plus-values à long terme ; qu'après avoir, ainsi que le leur permettaient les dispositions de l'article L. 580 du code de la santé publique, pendant un délai qui ne pouvait, en vertu dudit article, excéder deux ans courant de la date du décès de leur père, maintenu l'officine ouverte en la faisant gérer par un pharmacien autorisé à cet effet par le préfet, Mme X... et son frère ont mis un terme à l'indivision existant entre eux, par un acte de partage prenant effet le 28 mars 1980 et comportant l'attribution de l'officine de pharmacie à Mme X..., laquelle, alors étudiante en pharmacie et souhaitant reprendre l'exploitation de cette officine après obtention de son doctorat, a, le 12 mai 1980, procédé à la cession, assortie d'une clause de réméré, dudit fonds ; que la plus-value constatée à l'occasion de l'accomplissement de ce dernier acte, égale à la différence entre la valeur vénale attribuée au fonds lors du partage successoral et retenue pour prix de la cession, d'une part, et la valeur vénale, au 16 mai 1978, des éléments incorporels acquis par l'indivision, d'autre part, soit d'un montant de 179 352 F, a été, pour moitié, imposée au nom de Mme X... selon le régime fiscal applicable aux plus-values à court terme ;

Considérant, sur l'application de la loi fiscale, que la plus-value réalisée par la requérante à l'occasion de la cession, le 12 mai 1980, du fonds que son père avait exploité jusqu'au 16 mai 1978 ne saurait, comme la plus-value constatée à cette dernière date, être regardée comme une plus-value apparue "en cas de décès de l'exploitant", au sens du 2 de l'article 39 terdecies du code général des impôts ; que, par suite, en vertu du 2-a de l'article 39 duodecies du même code, ladite plus-value aurait dû, légalement, être soumise au régime fiscal des plus-values à court terme ;
Mais considérant que l'administration, au 80 d'une instruction du 18 mars 1966, repris au 5 de la documentation de base FE-4-B-363 du 1er mars 1979, a indiqué que la règle posée au 2 de l'article 39 terdecies "doit également être appliquée lorsque la cession ou la cessation d'entreprise par les ayants-cause de l'ancien exploitant résulte directement du décès de ce dernier" ; qu'en l'espèce, ni Mme X..., ni son frère ne pouvant satisfaire aux conditions requises par le code de la santé publique en vue de reprendre l'exploitation de l'officine de pharmacie héritée de leur père à l'expiration du délai de deux ans susmentionné prévu par l'article L. 580 de ce code, la cession du fonds, effectuée par Mme X... le 12 mai 1980, doit être regardée comme résultée directement du décès de l'ancien exploitant, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les ayants-cause de celui-ci ont, d'abord, usé de la faculté que leur accordaient les dispositions de l'article L. 580 du code de la santé publique, et, ainsi, différé de près de deux ans la vente ; que, dès lors, la requérante est fondée à se prévaloir des dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pour soutenir que l'administration n'était pas en droit d'imposer selon le régime applicable aux plus-values à court terme la plus-value qu'elle-même avait déclarée, conformément à l'interprétation donnée par les instructions ci-dessus rappelées, comme une plus-value à long terme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif ne lui a pas accordé une réduction de 14 404 F de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1980 ;
Article 1er : Il est accordé à Mme X... une réduction de 14 404 F de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1980.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne du 10 septembre 1985 est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - EVALUATION DE L'ACTIF - PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION - Plus-value à long terme - Cas du décès de l'exploitant (article 39 terdecies 2 du C - G - I - ) - Cession consécutive à un partage de l'indivision successorale (1) - Instruction du 18 mars 1966.

19-04-02-01-03-03 A la suite du décès de son père, survenu le 16 mai 1978, la contribuable a, notamment, hérité, indivisément avec son frère, l'officine de pharmacie dont le défunt était titulaire. La plus-value constatée lors du décès, égale à la différence entre la valeur vénale des éléments incorporels du fonds de commerce appréciée à la date du 16 mai 1978 et le prix pour lequel le père de la contribuable avait acquis le fonds, a, en application des dispositions de l'article 39 terdecies du C.G.I., après que l'indivision successorale eut expressément renoncé au bénéfice des dispositions de l'article 41 de ce code, été imposée selon le régime fiscal des plus-values à long terme. Après avoir, ainsi que le leur permettaient les dispositions de l'article L.580 du code de la santé publique, pendant un délai qui ne pouvait, en vertu dudit article, excéder deux ans courant de la date du décès de leur père, maintenu l'officine ouverte en la faisant gérer par un pharmacien autorisé à cet effet par le préfet, la contribuable et son frère ont mis un terme à l'indivision existant entre eux, par un acte de partage prenant effet le 28 mars 1980 et comportant l'attribution de l'officine de pharmacie à la contribuable, laquelle, alors étudiante en pharmacie et souhaitant reprendre l'exploitation de cette officine après obtention de son doctorat, a, le 12 mai 1980, procédé à la cession, assortie d'une clause de réméré, dudit fonds. La plus-value constatée à l'occasion de l'accomplissement de ce dernier acte, égale à la différence entre la valeur vénale attribuée au fonds lors du partage successoral et retenue pour prix de la cession, d'une part, et la valeur vénale, au 16 mai 1978, des éléments incorporels acquis par l'indivision, d'autre part, a été, pour moitié, imposée au nom de la contribuable selon le régime fiscal applicable aux plus-values à long terme. Sur l'application de la loi fiscale, la plus-value réalisée par le contribuable à l'occasion de la cession, le 12 mai 1980, du fonds ne saurait être regardée comme une plus-value apparue "en cas de décès de l'exploitant", au sens du 2 de l'article 39 terdecies du C.G.I.. Par suite, ladite plus-value aurait dû, légalement, être soumise au régime fiscal des plus-values à court terme.

19-04-02-01-03-03 Mais l'administration, au paragraphe 80 d'une instruction du 18 mars 1966, repris au paragraphe 5 de la documentation de base FE-4-B-363 du 1er mars 1979, a indiqué que la règle posée au 2 de l'article 39 terdecies "doit également être appliquée lorsque la cession ou la cessation d'entreprise par les ayants-cause de l'ancien exploitant résulte directement du décès de ce dernier". En l'espèce, ni la contribuable, ni son frère ne pouvant satisfaire aux conditions requises par le code de la santé publique en vue de reprendre l'exploitation de l'officine de pharmacie héritée de leur père à l'expiration du délai de deux ans susmentionné prévu par l'article L.580 de ce code, la cession du fonds doit être regardée comme résultée directement du décès de l'ancien exploitant, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les ayants-cause de celui-ci ont, d'abord, usé de la faculté que leur accordaient les dispositions de l'article L.580 du code de la santé publique, et, ainsi, différé de près de deux ans la vente. Dès lors, la contribuable est fondée à soutenir que l'administration n'était pas en droit d'imposer selon le régime applicable aux plus-values à court terme la plus-value qu'elle-même avait déclarée, conformément à l'interprétation donnée par les instructions ci-dessus rappelées, comme une plus-value à long terme.


Références :

CGI 39 terdecies, 201, 41, 39 duodecies
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
Code de la santé publique L580
Instruction du 18 mars 1966

1.

Cf. Section 1978-06-23, 4834, p. 270


Publications
Proposition de citation: CE, 10 déc. 1990, n° 73770
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Fabre
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Formation : 9 / 8 ssr
Date de la décision : 10/12/1990
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 73770
Numéro NOR : CETATEXT000007630225 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1990-12-10;73770 ?
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