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12/12/1990 | FRANCE | N°113038;82071

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 12 décembre 1990, 113038 et 82071


Vu, 1°) sous le n° 113 038, l'ordonnance du 18 janvier 1990, enregistrée le 19 janvier 1990 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.74 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier de la requête présentée par M. Charles Paul Moreau ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 février 1988 et transmise à la cour administrative d'appel de Paris par ordonnance, en date

du 2 janvier 1989, du président de la 7ème sous-section de la ...

Vu, 1°) sous le n° 113 038, l'ordonnance du 18 janvier 1990, enregistrée le 19 janvier 1990 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.74 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier de la requête présentée par M. Charles Paul Moreau ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 février 1988 et transmise à la cour administrative d'appel de Paris par ordonnance, en date du 2 janvier 1989, du président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Charles Paul X..., demeurant ... ; M. Moreau demande que le Conseil d'Etat :
1°. annule le jugement du 17 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1982 et 1983 ;
2°. prononce la décharge des impositions contestées ;
Vu, 2°) sous le n° 82 071, la requête enregistrée le 16 septembre 1986 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Charles Paul X..., demeurant ... ; M. Moreau demande que le Conseil d'Etat :
1°. annule le jugement du 30 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981 ;
2°. prononce la décharge de l'imposition contestée ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Vu le décret n° 89-641 du 7 septembre 1989 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Zémor, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées relatives à l'impôt sur le revenu auquel M. Moreau a été assujetti au titre des années 1981 à 1983, présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement du 17 décembre 1987 :
Considérant qu'à l'appui de sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il avait été assujetti au titre des années 1982 et 1983 M. Moreau faisait valoir d'une part qu'il était en droit de reporter sur chacune de ces années un excédent de déficit de l'année 1981 résultant d'une perte de 996 000 F subie au cours de cette année et d'autre part que la somme versée par lui en 1983 en exécution d'un engagement de caution était déductible au titre de cette année ; que le tribunal administratif a répondu à ces deux moyens et que, contrairement à ce que soutient M. Moreau la circonstance que, sur le premier il se soit référé à son précédent jugement du 30 juin 1986 par lequel il avait refusé d'admettre la déductibilité de la somme de 996 000 F du revenu imposable de l'année 1981 n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement du 17 décembre 1987 ;
Sur la déductibilité de la perte de 996 000 F subie en 1981 :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 1981 à 1983, "1 - Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut ...sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu. 2 - Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu des personnes physiques est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus net visés aux I à VII bis de la 1ère sous-section de la présente section, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés à l'article 156-I des charges énumérées au II dudit article ... 3 - Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visées au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles ..." ; que l'article 156-I autorise la déduction "du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus" ; que l'énumération des charges déductibles figurant à l'article 156-II est limitative ;

Considérant qu'alors même que M. Moreau, rapatrié d'Algérie en 1962 avait acquis la quasi-totalité du capital d'une société anonyme de promotion immobilière dans un but professionnel ce qui lui a en fait permis d'être rémunéré en qualité de président-directeur général de cette société jusqu'à la mise en liquidation de biens de cette dernière par jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 septembre 1982, la perte en capital résultant de la dépréciation en 1981 des titres représentatifs de la participation au capital de cette société, d'une valeur nominale de 996 000 F ne constitue pas, contrairement à ce qu'il soutient, une dépense effectuée en 1981 en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu au sens de l'article 13 précité du code général des impôts ; qu'elle n'est, dès lors, pas déductible de son revenu imposable de l'année 1981 et, que, par voie de conséquence, M. Moreau ne peut se prévaloir de ce chef d'un excédent de déficit reportable sur les années 1982 et 1983 ;
Sur la déductibilité de la somme de 1 392 000 F versée en 1983 en exécution d'un engagement de caution :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'engagement susmentionné, souscrit par M. Moreau en 1981, se rattachait directement à sa qualité de président-directeur général de la société Paul X... ; qu'en prenant cet engagement, alors même que la situation financière de la société était compromise depuis plusieurs années, le requérant avait en vue, non seulement la préservation de son patrimoine, mais aussi celle de son revenu salarial et de celui de son épouse, qui était également employée par la société ; que, dans les circonstances de l'espèce, la circonstance que les deux intéressés étaient en droit d'obtenir le paiement de pensions de retraite d'un niveau appréciable, n'est pas de nature à établir qu'ils n'avaient en vue que la préservation de leur patrimoine ; que toutefois, compte tenu de leur rémunération d'activité, le montant total de l'engagement, soit 1 392 000 F, doit être regardé comme hors de proportion avec les revenus de ménage ; qu'il ne peut être retenu qu'à concurrence de 750 000 F ; que, dès lors, M. Moreau est fondé à prétendre à ce que le déficit résultant en 1983 dans la catégorie des traitements et salaires du versement de la somme susmentionnée soit, à concurrence de 750 000 F, imputé sur son revenu global au titre de cette année dans les conditions susrappelées de l'article 156-I, et, par voie de conséquence à demander la décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1983 ainsi que la réformation en ce sens du jugement du tribunal administratif de Paris du 17 décembre 1987 ; qu'en revanche le surplus de ses conclusions ne saurait être accueilli ;
Article 1er : M. Moreau est déchargé de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1983, à concurrence de l'imputation d'un déficit de 750 000 F sur le revenu global de ladite année.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 décembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Les conclusions de la requête de M. Moreau dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 juin 1986et le surplus des conclusions de sa requête dirigée contre le jugement de ce même tribunal du 17 décembre 1987 sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Moreau et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Réformation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - Sommes versées en exécution d'un engagement de caution - Déduction de sommes versées en exécution d'un engagement de caution - Montant de l'engagement hors de proportion (plus de trois fois) avec les rémunérations perçues par le contribuable et son épouse également salariée de la société - Conséquence : déductibilité admise pour la part non excessibe (trois fois les rémunérations) de l'engagement (1).

19-04-01-02-03, 19-04-02-07-02(1), 19-04-02-07-02(2) L'engagement de caution souscrit par le contribuable se rattachait directement à sa qualité de président-directeur général de la société. En prenant cet engagement, alors même que la situation financière de la société était compromise depuis plusieurs années, le requérant avait en vue, non seulement la préservation de son patrimoine, mais aussi celle de son revenu salarial et de celui de son épouse, également employée par la société. Toutefois, compte tenu de leur rémunération d'activité, le montant total de l'engagement, soit 1 392 000 F, doit être regardé comme hors de proportion avec les revenus du ménage. Il ne peut être retenu qu'à concurrence de 750 000 F (soit environ trois fois le montant des rémunérations cumulées du contribuable et de son épouse).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - TRAITEMENTS - SALAIRES ET RENTES VIAGERES - DEDUCTIONS POUR FRAIS PROFESSIONNELS - Frais réels - Engagement de caution accordé par un dirigeant salarié - Conditions de proportionnalité entre la caution et les rémunérations - (1) - RJ1 Règle du triple - Engagement de caution hors de proportion avec les rémunérations - Montant de l'engagement supérieur à trois fois celui des rémunérations (1) - (2) Non respect du principe de proportionnalité - Conséquence - Déductibilité admise pour la part non excessive (trois fois les rémunérations) de l'engagement.


Références :

CGI 13, 156

1.

Cf. sur l'appréciation de la disproportion : Plénière, 1989-12-22, Biau


Publications
Proposition de citation: CE, 12 déc. 1990, n° 113038;82071
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Zémor
Rapporteur public ?: M. Fouquet

Origine de la décision
Formation : 7 / 8 ssr
Date de la décision : 12/12/1990
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 113038;82071
Numéro NOR : CETATEXT000007627279 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1990-12-12;113038 ?
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