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19/12/1990 | FRANCE | N°101317

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 19 décembre 1990, 101317


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 23 août 1988 et 11 octobre 1988, présentés par M. et Mme X..., demeurant à "la Vieille Crouzille" Saint-Sylvestre à Ambazac (87240) ; M. et Mme X... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 1987 du maire de Badecon-le-Pin leur refusant le permis de construire une maison d'habitation au lieu-dit "Les Gardes" ;
2

) annule pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 23 août 1988 et 11 octobre 1988, présentés par M. et Mme X..., demeurant à "la Vieille Crouzille" Saint-Sylvestre à Ambazac (87240) ; M. et Mme X... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 1987 du maire de Badecon-le-Pin leur refusant le permis de construire une maison d'habitation au lieu-dit "Les Gardes" ;
2°) annule pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dubos, Maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Leroy, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X... ont répondu par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 1988 au mémoire déposé par l'administration après la réouverture de l'instruction décidée le 10 novembre 1987 ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'ils n'auraient pu présenter leur défense aux observations produites par l'administration après la réouverture de l'instruction manque en fait ; que s'ils prétendent qu'une visite des lieux a été effectuée de façon non contradictoire, ils n'apportent à l'appui de cette allégation, qui n'est pas corroborée par les pièces du dossier, aucune précision permettant d'en apprécier la portée ;
Sur le moyen tiré d'une méconnaissance de la chose jugée :
Considérant que le jugement attaqué rejette la demande de M. et Mme X... tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 1987 par lequel le maire de Badecon-Le-Pin leur a refusé le permis de construire ; que cette demande n'a pas le même objet que les demandes précédentes des mêmes requérants dirigées contre des certificats d'urbanisme négatifs en date des 17 janvier 1985 et 28 novembre 1986 auxquelles le tribunal administratif a fait droit par ses jugements des 2 octobre 1986 et 7 mai 1987 ; que, dès lors, les requérants ne sauraient utilement soutenir que le jugement attaqué méconnait l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ces derniers jugements ;
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Badecon-Le-Pin en date du 1er juin 1987 :
Sur la compétence de l'auteur de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R-421-36 du code de l'urbanisme : "Dans les communes où un plan d'occupation des sols n'a pas été approuvé, la décision est prise par le maire au nom de l'Etat ; toutefois, elle est prise par le commissaire de la République dans les ca suivants : ( ...) 5°) Lorsqu'une dérogation ou une adaptation mineure aux dispositions mentionnées à l'article R-421-13 (alinéa 3) est nécessaire ; 6°) Lorsque le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département, chargé de l'urbanisme ont émis des avis en sens contraire ; 7°) Lorsqu'il y a lieu de prendre une décision de sursis à statuer ( ...)" ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, leur demande de permis de construire n'entre dans aucun des cas ainsi énumérés ; qu'ils ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que le maire n'était pas compétent pour prendre la décision attaquée ;
Sur le moyen tiré d'une prétendue illégalité du plan d'occupation des sols publié de Badecon-Le-Pin :
Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de définir des zones urbaines normalement constructibles et des zones dites "naturelles" dans lesquelles la construction peut être limitée ou interdite ; qu'ils ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme ou par la qualification juridique qui a pu être reconnue antérieurement à certaines zones sur le fondement d'une réglementation d'urbanisme différente ; qu'il résulte de l'article R-123-18 du code de l'urbanisme que le classement de terrains en zone naturelle peut concerner des zones à protéger en raison de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique alors même qu'elles seraient desservies par des équipements publics et comporteraient déjà quelques constructions ; que l'appréciation à laquelle se livrent les auteurs d'un plan d'occupation des sols lorsqu'ils classent en zone naturelle des terrains qu'ils entendent soustraire pour l'avenir à l'urbanisation ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts ou si elle est entachée d'erreur manifeste ;

Considérant que la circonstance que les parcelles dont M. et Mme X... sont propriétaires à Badecon-Le-Pin ont été reconnues constructibles sur le fondement de la réglementation d'urbanisme applicable dans cette commune avant la publication du plan d'occupation des sols n'est pas, à elle seule, de nature à établir que leur classement par ce plan en zone ND naturelle à protéger serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que ces parcelles sont situées à l'écart du centre de la commune, au flanc d'un coteau dominant un méandre de la Creuse ; qu'eu égard à la qualité du site et à l'intérêt du paysage naturel dans ce secteur de la commune dont les auteurs du plan ont entendu enrayer la dégradation, et alors même que ces parcelles sont desservies par certains équipements publics et que quelques constructions existent dans le voisinage, leur classement en zone naturelle n'est pas entaché d'erreur manifeste ;
Considérant qu'il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles ; que cette délimitation ne porte pas par elle-même d'atteinte illégale au principe d'égalité des citoyens devant la loi ;
Considérant que le classement de terrains en zone naturelle par le plan d'occupation des sols n'a pas pour effet d'opérer le classement du site dans lequel ces terrains sont situés ; que le moyen tiré de ce que le plan d'occupation des sols de la commune édicterait illégalement une mesure de classement du site ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur les autres moyens :

Considérant que l'annulation par le tribunal administratif de Limoges des certificats d'urbanisme négatifs délivrés à M. et Mme X... les 17 janvier 1985 et 28 novembre 1986 ne les a pas rendus titulaires d'un certificat d'urbanisme positif ; qu'ils ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris en violation des droits qu'ils tiendraient d'un tel certificat ;
Considérant enfin que le classement des parcelles de M. et Mme X... en zone ND ne leur confère pas le caractère d'un emplacement réservé ; que les requérants ne sauraient, dès lors, utilement se prévaloir de l'article L-123-9 du code qui concerne exclusivement les emplacements réservés ; que le moyen tiré d'une violation de l'article R-123-34 du code n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande ;
Article 1er : La requête de M. et Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux M. et Mme X... et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 101317
Date de la décision : 19/12/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - LEGALITE DES PLANS - LEGALITE INTERNE - APPRECIATIONS SOUMISES A UN CONTROLE D'ERREUR MANIFESTE - CLASSEMENT ET DELIMITATION DES ZONES.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - PROCEDURE D'ATTRIBUTION - AUTORITE COMPETENTE POUR STATUER SUR LA DEMANDE.


Références :

Code de l'urbanisme R-421-36, R-123-18, L-123-9, R-123-34


Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 1990, n° 101317
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Dubos
Rapporteur public ?: Mme Leroy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1990:101317.19901219
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