Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 décembre 1987 et 14 avril 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Cécile X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 24 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à être déchargée des sommes réclamées par l'administration générale de l'Assistance publique de Paris au titre des frais d'hospitalisation de sa mère, Mme Marie-Thérèse X..., par des titres de recettes des 5 mai 1983, 29 juin 1986 et 30 octobre 1986,
2°) la décharge desdites sommes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970, modifiée notamment par la loi n° 78-11 du 4 janvier 1978, et la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le décret du 30 juillet 1963 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de Mme X... et de Me Foussard, avocat de l'administration générale de l'Assistance publique à Paris,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à ce que le tribunal administratif de Paris la décharge des sommes que lui réclame l'administration générale de l'Assistance publique à Paris, Mme Cécile X... faisait notamment valoir que des décisions de la caisse d'assurance maladie d'une part et de l'Assistance publique de Paris d'autre part n'avaient été notifiées ni à sa mère, Mme Marie-Thérèse X..., ni à elle-même ; qu'en répondant que "les décisions des organismes sociaux n'avaient pas à être notifiées" à Mme Cécile X... et que la mère de cette dernière "avait nécessairement connaissance du fait que son maintien entraînait des dépenses à sa charge", le tribunal administratif a suffisamment répondu à ce moyen ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 708 du code de la santé publique : "Les hôpitaux et hospices peuvent toujours exercer leurs recours, s'il y a lieu, contre les hospitalisés, contre leurs débiteurs et contre les personnes désignées par les articles 205, 206, 207 et 212 du code civil" ;
Considérant que Mme Marie-Thérèse X..., hospitalisée depuis le 3 mai 1979 dans un service de l'Assistance publique de Paris, a été placée dans une unité de long séjour au centre hospitalier Dupuytren à compter du 14 juin 1979 jusqu'à son décès survenu le 28 février 1983, à l'exception d'une période allant du 14 novembre 1979 au 5 décembre 1979 ; que l'administration générale de l'Assistance publique a engagé une procédure de recourement à l'encontre de sa fille, Mme Cécile X..., d'une créance de 264 496,30 F correspondant aux frais d'hébergement en long séjour de Mme Marie-Thérèse X... pendant les périodes susindiquées ;
Considérant, en premier lieu, que les personnes admises dans les services des hôpitaux et hospices publics ne sont pas placées dans une situation contractuelle vis-à-vis de ces établissements ; que, par suite, la circonstance, à la supposer établie, que l'administration générale de l'Assistance publique de Paris n'ait pas recueilli l'accord de Mme Marie-Thérèse X... avant d'admettre celle-ci dans l'unité de long séjour du centre hospitalier Dupuytren est sans incidence sur le droit de l'établissement hospitalier de réclamer à Mme Cécile X... le paiement des frais d'hébergement de sa mère dans ladite unité ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la requérante soutient, d'une part, que ni sa mère ni elle-même n'ont reçu notification de la décision de la caisse d'assurance-maladie de mettre fin à la prise en charge des frais d'hébergement de Mme Marie-Thérèse X..., et, d'autre part, que les dispositions de l'article 52-2 ajouté à la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière par la loi du 4 janvier 1978, selon lesquelles les régimes d'assurance-maladie ne prennent en charge que les dépenses afférentes aux soins dispensés aux assurés sociaux dans les centres et unités de long séjour, n'étaient pas entrées en vigueur en l'absence de décrets d'application, de tels moyens ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre des états exécutoires litigieux dès lors qu'il n'incombait pas à l'établissement hospitalier de notifier la décision d'un organisme de sécurité sociale relative aux droits à remboursement d'un assuré social, et que l'éventuelle illégalité de cette décision serait sans influence sur la validité de la créance dudit établissement née des prestations qu'il a fournies à cette personne ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 52-1 de la loi précitée du 31 décembre 1970, dans sa rédaction issue de l'article 8 de la loi du 4 janvier 1978 : "Dans les unités ou centres de long séjour définis à l'article 4 de la présente loi ... la tarification des services rendus comporte deux éléments relatifs, l'un aux prestations de soins fournies, l'autre aux prestations d'hébergement. La répartition des dépenses budgétaires entre les deux éléments de tarification définis à l'alinéa précédent ainsi que les modalités de tarification sont fixés par décret en Conseil d'Etat" ; que si Mme Cécile X... entend soutenir également que ces dispositions législatives n'ont pu entrer en vigueur en l'absence de décret d'application et que, par suite, les états exécutoires litigieux sont dépourvus de base légale, un tel moyen doit être écarté dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article 27-I de la loi du 23 janvier 1990, les décisions fixant dans les unités ou centres de long séjour les prix de journée-hébergement ont été validées en tant que leur légalité pourrait être contestée par le moyen tiré de l'absence des décrets d'application prévus par les articles 8 et 9 de la loi n° 78-11 du 4 janvier 1978 ;
Mais considérant que le transfert de Mme Marie-Thérèse X... dans une unité de long séjour avait pour conséquence une augmentation très importante des dépenses d'hospitalisation qui devaient en tout état de cause rester à sa charge ; qu'il résulte de l'instruction que Mme X... n'a pas été informée de ces conséquences, alors qu'aucune circonstance particulière ne faisait obstacle à cette information ; que cette carence, ainsi que le fait pour l'administration hospitalière d'avoir tardé jusqu'au 5 mai 1983 à mettre en recouvrement les sommes dues en raison du séjour de Mme X... au centre hospitalier Dupuytren sont constitutifs de fautes de nature à engager la responsabilité de l'administration générale de l'Assistance publique à Paris ; que, dans les circonstances de l'affaire il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de ces fautes en laissant à la charge de l'administration générale de l'Assistance publique à Paris la moitié de la somme de 264 496,30 F réclamée à Mme Cécile X... au titre des frais de l'hébergement de sa mère soit 132 248,15 F ;
Article 1er : Mme Cécile X... est déchargée, à concurrence de 132 248,15 F des sommes à elle réclamées par l'administration générale de l'Assistance publique à Paris.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 juin 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Cécile X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Cécile X..., au directeur général de l'administration générale de l'Assistance publique à Paris et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité, chargé de la santé.