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18/01/1991 | FRANCE | N°73879

France | France, Conseil d'État, 2 ss, 18 janvier 1991, 73879


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 décembre 1985 et 7 avril 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT, dont le siège est 1, place Honoré de Balzac à Argenteuil (95108), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 3 octobre 1985, par lequel le tribunal administratif d' Orléans l'a condamnée conjointement et solidairement avec la société Cofreth à payer à la ville de Blois la somme de 1 573 943,99 F en réparation des désordres survenus

dans la chaufferie de la ZUP "Henri X...", à garantir à concurrence de 78...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 décembre 1985 et 7 avril 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT, dont le siège est 1, place Honoré de Balzac à Argenteuil (95108), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 3 octobre 1985, par lequel le tribunal administratif d' Orléans l'a condamnée conjointement et solidairement avec la société Cofreth à payer à la ville de Blois la somme de 1 573 943,99 F en réparation des désordres survenus dans la chaufferie de la ZUP "Henri X...", à garantir à concurrence de 786 971,99 F le paiement par la société Cofreth de la condamnation prononcée à son encontre et à payer à la société Cofreth la somme de 236 686,74 F,
2°) rejette les demandes de la ville de Blois et de la société Cofreth devant le tribunal administratif d' Orléans ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu les articles 1795 et 2270 du code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Devys, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat de la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT et de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de la compagnie française d'exploitation thermique,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que le jugement attaqué a été notifié à la société requérante après le 8 octobre 1985 ; que sa requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 décembre 1985, n'est pas tardive ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ne ressort pas des mentions du jugement attaqué que celui-ci a été prononcé en audience publique ainsi que l'exigeait l'article R.170 du code des tribunaux administratifs alors en vigueur ; que la société requérante est, dès lors, fondée à soutenir qu'il est intervenu sur une procédure irrégulière et à en demander pour ce motif l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées devant le tribunal administratif d'Orléans ;
En ce qui concerne la demande de la ville de Blois :
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un contrat de concession conclu le 27 septembre 1960, la ville de Blois a confié à la société pour l'équipement du département du Loir-et-Cher (S.E.L.C.) l'aménagement de la zone d'habitation Henri X... ; que, pour la réalisation des opérations nécessaires à cet aménagement, la S.E.L.C. agissant mais pour le compte de la ville de Blois a passé, le 17 mars 197, avec deux sociétés aux droits desquelles se trouvent, d'une part, la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT (T.N.E.E.), d'autre part, la compagnie française d'exploitation thermique (COFRETH) un marché pour l'installation et l'exploitation de la chaufferie d'une des zones à urbaniser par priorité de la zone Henri X... ; que ce marché présente le caractère d'un marché de travaux publics ; que, par suite, le litige qui oppose la ville de Blois aux entreprises qui ont exécuté ce marché relève de la compétence de la juridiction administrative ;
Sur la recevabilité de la demande de la ville de Blois :

Considérant que la convention de concession conclue par la ville de Blois et la S.E.L.C. pour une durée de dix ans a été prorogée jusqu'au 31 décembre 1976 ; qu'au plus tard à cette date l'ensemble des ouvrages réalisés par la S.E.L.C. ont été remis à la ville de Blois qui s'est entièrement substituée à la société notamment dans les droits et obligations résultant des marchés qu'elle avait passés pour l'aménagement de la zone et, en particulier, du marché conclu le 17 mars 1970 ;
Considérant que la circonstance que, par un contrat du 16 septembre 1977 prenant effet le 1er septembre 1976, la ville de Blois ait affermé à la société Cofreth l'ensemble des installations de chauffage réalisées dans la zone Henri X... n'a pas fait disparaître les obligations nées pour cette société du contrat passé avec la S.E.L.C. pour la mise en route et l'exploitation d'une partie de ces installations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Blois est recevable à invoquer les stipulations de ce marché tant à l'encontre de la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT qu'à l'encontre de la société Cofreth à l'appui de la demande qu'elle a introduite devant le tribunal administratif le 26 janvier 1984 ;
Sur la responsabilité :
Considérant que, selon l'article 4-7°) du marché du 17 mars 1970 : "Les délais de garantie des travaux faisant l'objet du marché sont fixés à un an au moins à dater de leur réception provisoire, et en principe à l'expiration de la deuxième saison de chauffe de la tranche considérée. Le délai de dix ans prévu pour la responsabilité décennale par les articles 1792 et 2270 du code civil courra de la date de la réception définitive des tranches de réalisation successives" ;

Considérant que la réception provisoire de la dernière tranche des travaux réalisés au titre du marché et consistant en particulier dans l'installation par la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT d'une chaudière de marque Belliard et Crighton a été prononcée le 19 octobre 1976 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la réception définitive expresse de cette tranche de travaux ait été prononcée à l'expiration du délai de garantie correspondant à la fin de la deuxième saison de fonctionnement de l'installation ; qu'eu égard à la gravité des désordres constatés pendant le délai de garantie aucune réception définitive tacite ne peut être regardée comme acquise ; que, dès lors, la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée à l'égard de la ville de Blois ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport de l'expert désigné en référé par le président du tribunal de commerce de Paris que les phénomènes de corrosion constatés dans la chaudière mise en place par la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT sont imputables, pour partie, à des vices affectant la conception et l'installation de cet appareil et, pour partie, aux modalités de son exploitation par la société Cofreth ; que, dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise, il y a lieu de condamner conjointement et solidairement la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT et la société Cofreth à indemniser la ville de Blois de son préjudice ; qu'eu égard à la part de responsabilité incombant respectivement à l'installateur et à l'exploitant, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT à garantir la société Cofreth de la moitié de la condamnation prononcée à son encontre ; que les conclusions incidentes de la société Cofreth tendant à être déchargée de toute responsabilité à l'égard de la ville de Blois ou à être garantie par la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT de la totalité de la condamnation ne peuvent être accueillies ;
Sur le préjudice :

Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que les désordres survenus ont contraint la ville de Blois à faire remplacer en janvier 1980 la chaudière défaillante par une chaudière d'un autre fabricant ; que le coût de ce remplacement s'est élevé à 1 573 943,99 F ; qu'il sera, d'autre part, fait une équitable appréciation des troubles entraînés pour la ville de Blois par la nécessité de procéder à ces travaux moins de quatre ans après la mise en service de l'installation, en évaluant le préjudice subi de ce chef à 10 000 F ;
En ce qui concerne les conclusions de la société Cofreth dirigées contre la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT :
Considérant que, selon les stipulations de l'article 6 du contrat d'affermage conclu entre la ville de Blois et la société Cofreth pour l'exploitation des installations de chauffage de la zone Henri X..., "la ville de Blois subroge le fermier dans tous droits et actions nés ou à naître à l'encontre de tout tiers qui occasionnerait des dommages à l'installation" ; qu'en demandant que la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT soit condamnée à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi en raison des défectuosités de la chaudière mise en place par cette dernière société, la société Cofreth agit comme subrogée de la ville de Blois dans les droits que celle-ci détient sur la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT au titre du marché du 17 mars 1970 ; que, dès lors, la juridiction administrative est compétente pour connaître de cette demande ;
Considérant qu'à la suite des désordres survenus en février 1978 la société Cofreth a procédé à ses frais à la réparation de la chaudière mise en place par la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT pour un coût total de 477 373,48 F ; que les désordres n'étant, comme il a été dit ci-dessus, imputables que pour moitié au fait de l'installateur, il y a lieu de condamner la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT à rembourser à la société Cofreth la moitié de cette somme, soit 238 686,74 F ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que la société Cofreth a droit aux intérêts au taux légal de la somme susmentionnée non à compter de la date à laquelle elle a réglé les travaux en cause mais de celle à laquelle elle en a demandé le remboursement devant le tribunal administratif, soit à compter du 22 juin 1984 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 3 avril 1987 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif d'Orléans en date du 3 octobre 1985 est annulé.
Article 2 : La SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT etla société Cofreth sont condamnées conjointement et solidairement à payer à la ville de Blois une indemnité de 1 573 943,99 F. La SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT garantira la société Cofreth de la moitié de cette condamnation.
Article 3 : La SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT est condamnée à verser à la société Cofreth une indemnité de 238 686,74 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1984. Les intérêts échus le 3 avril 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT, le surplus des conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif d'Orléans par la ville de Blois et le surplus du recours incident présenté devant ce tribunal par la société Cofreth sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE TUNZINI NESSI ENTREPRISES D'EQUIPEMENT, à la ville de Blois, à la société Cofreth et au ministre de l'intérieur.


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