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23/01/1991 | FRANCE | N°115876

France | France, Conseil d'État, 6 /10 ssr, 23 janvier 1991, 115876


Vu la requête, enregistrée le 3 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES TRAVAILLEURS IMMIGRES -G.I.S.T.I.-, dont le siège social est ..., représenté par son président en exercice ; le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES TRAVAILLEURS IMMIGRES -G.I.S.T.I.- demande que le Conseil d'Etat annule la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours gracieux dirigé contre la circulaire du 2 août 1989 prise pour l'application de la loi du 2 août 1989 relative aux conditions de s

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Vu les autres piè...

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES TRAVAILLEURS IMMIGRES -G.I.S.T.I.-, dont le siège social est ..., représenté par son président en exercice ; le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES TRAVAILLEURS IMMIGRES -G.I.S.T.I.- demande que le Conseil d'Etat annule la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours gracieux dirigé contre la circulaire du 2 août 1989 prise pour l'application de la loi du 2 août 1989 relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée par la loi n° 89-548 du 2 août 1989 ;
Vu le décret du 30 juin 1946 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Salesse, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES TRAVAILLEURS IMMIGRES -G.I.S.T.I.-,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le dernier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifié par la loi du 2 août 1989 relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France dispose : "En aucun cas, le refus d'entrée ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration du délai d'un jour franc" ; que le passage contesté de la circulaire du 2 août 1989 énonce : "Dans la pratique, cette disposition ne concerne que les décisions de refoulement aux frontières aériennes ou maritimes, aucune mesure de rapatriement n'étant nécessaire pour mettre à exécution une décision de refus d'entrée à la frontière terrestre" ; que, ce faisant, le ministre de l'intérieur n'a fait que se conformer aux termes précités des dispositions de l'ordonnance modifiée sans énoncer de règle nouvelle qui serait étrangère auxdites dispositions ;
Considérant que la mention du formulaire annexé à ladite circulaire : "J'accepte d'être rapatrié sans attendre l'expiration du délai d'un jour franc prévu par l'article 5, dernier alinéa, de l'ordonnance du 2 octobre 1945 modifiée : OUI / NON" se limite à permettre de rechercher, conformément aux dispositions précitées et sans créer de règle nouvelle, si l'intéressé consent ou non à faire l'objet d'une mesure de rapatriement avant l'expiration du délai légal ;
Considérant que l'article 5 nouveau de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose : "L'étranger auquel est opposé un refus d'entrée est mis en mesure d'avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu'il devait se rendre, son consulat ou le conseil d son choix." ;

Considérant que les dispositions de la circulaire aux termes desquels : "Les membres des organisations humanitaires ne seront admis à entrer en contact avec l'étranger qu'après consultation de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques", ne concernent que le cas où une organisation humanitaire, sans être appelée par l'étranger à qui est opposé un refus d'entrée, cherche, de sa propre initiative, à entrer en contact avec lui et non celui où l'étranger cherche à avertir ou faire avertir une organisation humanitaire qu'il choisit comme conseil ; que par suite, le moyen du groupe requérant tiré de ce que ces dispositions créeraient une règle nouvelle, étrangère à l'article 5 de l'ordonnance et qui aurait pour effet de restreindre les garanties conférées aux étrangers contenues dans cet article, ne saurait être accueilli ;
Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par l'avenant du 22 décembre 1985 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité ; qu'il suit de là que les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui sont relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance ne sont pas applicables aux ressortissants algériens ; qu'en rappelant ce qui précède au début de la deuxième partie "Séjour des étrangers en France", le ministre n'a édicté aucune règle nouvelle ;

Considérant qu'en vertu de l'article 12 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire est délivrée à l'étranger qui établit notamment qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études ; et qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 30 juin 1946 modifié : "L'étranger déjà admis en France qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande ( ...) s'il entend se maintenir en France pour y faire des études ou y suivre un enseignement ou un stage de formation ( ...) un certificat d'immatriculation, d'inscription ou de préinscription dans un établissement d'enseignement ou de formation professionnel public ou privé ..." ; que les dispositions précitées relatives au séjour des étudiants étrangers en France impliquent que l'intéressé puisse être raisonnablement considéré comme poursuivant effectivement des études ; que contrairement aux allégations du requérant, le ministre de l'intérieur n'a pas, par les dispositions contestées de la circulaire susvisée du 2 août 1989, demandé aux préfets, chargés de statuer sur le renouvellement des cartes de séjour, d'apprécier la valeur pédagogique des études poursuivies et des documents produits ; qu'en indiquant aux préfets qu'un refus de renouvellement peut se justifier par le fait que l'étranger n'est pas en mesure de présenter les justificatifs requis en vue de son maintien sur le territoire français soit en qualité d'étudiant soit à la faveur d'un changement de statut ou présente des justificatifs dénués de toute valeur, le ministre de l'intérieur n'a pas édicté de réglementation nouvelle et s'est borné à donner à ses services des instructions pour l'application des dispositions législatives et réglementaires précitées aux cas particuliers qui leur seraient soumis ;

Considérant dès lors que les différentes dispositions ci-dessus analysées de la circulaire attaquée ne font pas grief au groupement requérant, qui n'est dès lors pas recevable à en demander l'annulation ;
Considérant, toutefois, qu'en vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée par la loi du 2 août 1989, la carte de résident est délivrée de plein droit aux étrangers qui répondent aux conditions qu'il énumère, sans que puissent être opposées les dispositions des articles 6 à 9 de la même ordonnance ; que l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne subordonne pas la délivrance de plein droit de la carte de résident aux ressortissants tunisiens à la condition de régularité de leur séjour en France ; que dès lors, le passage de la circulaire attaquée ainsi rédigé : "Les dispositions des articles 6 et 9 de l'ordonnance restent opposables aux six catégories de ressortissants tunisiens énumérées à l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : ceux de ces ressortissants qui ne pourront pas justifier de la régularité de leur situation au moment du dépôt de leur demande de carte de résident ne pourront prétendre à la délivrance de plein droit de ce document" ajoute aux dispositions législatives qu'il prétend commenter ; que, par suite, l'association requérante est recevable et fondée à en demander l'annulation comme pris par une autorité incompétente pour l'édicter ;
Article 1er : Le 5-2 du paragraphe 5 "Régimes Spéciaux" (cas des ressortissants tunisiens) du titre 1er de la deuxième partiede la circulaire du 2 août 1989 relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions du GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES TRAVAILLEURS IMMIGRES -G.I.S.T.I.- est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES TRAVAILLEURS IMMIGRES -G.I.S.T.I.- et au ministre de l'intérieur.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - CARACTERE REGLEMENTAIRE DES INSTRUCTIONS ET CIRCULAIRES - PRESENTE CE CARACTERE - INTERIEUR - Circulaire du ministre de l'intérieur du 2 août 1989 prise pour l'application de la loi du 2 août 1989 relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France - Dispositions relatives au refus de délivrance de la carte de résident aux ressortissants tunisiens en situation irrégulière.

01-01-05-03-02-04, 335-01-01-01(1) Le dernier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifié par la loi du 2 août 1989 relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France dispose : "En aucun cas, le refus d'entrée ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration du délai d'un jour franc". Le passage contesté de la circulaire d'application du 2 août 1989 énonce : "Dans la pratique, cette disposition ne concerne que les décisions de refoulement aux frontières aériennes ou maritimes, aucune mesure de rapatriement n'étant nécessaire pour mettre à exécution une décision de refus d'entrée à la frontière terrestre". Ce faisant, le ministre de l'intérieur n'a fait que se conformer aux termes précités des dispositions de l'ordonnance modifiée sans énoncer de règle nouvelle qui serait étrangère auxdites dispositions. La mention du formulaire annexé à ladite circulaire : "J'accepte d'être rapatrié sans attendre l'expiration du délai d'un jour franc prévu par l'article 5, dernier alinéa, de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : oui / non" se limite à permettre de rechercher, conformément aux dispositions précitées et sans créer de règles nouvelles, si l'intéressé consent ou non à faire l'objet d'une mesure de rapatriement avant l'expiration du délai légal. L'article 5 nouveau de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose : "L'étranger auquel est opposé un refus d'entrée est mis en mesure d'avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu'il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix". Les dispositions de la circulaire aux termes desquels : "Les membres des organisations humanitaires ne seront admis à entrer en contact avec l'étranger qu'après consultation de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques", ne concernent que le cas où une organisation humanitaire, sans être appelée par l'étranger à qui est opposé un refus d'entrée, cherche, de sa propre initiative, à entrer en contact avec lui et non celui où l'étranger cherche à avertir ou faire avertir une organisation humanitaire qu'il choisit comme conseil. Par suite, le moyen du requérant tiré de ce que ces dispositions créeraient une règle nouvelle, étrangère à l'article 5 de l'ordonnance et qui aurait pour effet de restreindre les garanties conférées aux étrangers contenues dans cet article, ne saurait être accueilli. Par suite, irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation des dispositions ci-dessus analysées.

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - CARACTERE REGLEMENTAIRE DES INSTRUCTIONS ET CIRCULAIRES - NE PRESENTE PAS CE CARACTERE - INTERIEUR - Circulaire du ministre de l'intérieur du 2 août 1989 prise pour l'application de la loi du 2 août 1989 relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France - Dispositions relatives à l'interprétation de l'article 5 nouveau de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée.

01-01-05-03-01-04, 335-01-01-01(2), 335-01-03-02-03-02 En vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée par la loi du 2 août 1989, la carte de résident est délivrée de plein droit aux étrangers qui répondent aux conditions qu'il énumère, sans que puissent être opposées les dispositions des articles 6 à 9 de la même ordonnance. L'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne subordonne pas la délivrance de plein droit de la carte de résident aux ressortissants tunisiens à la condition de régularité de leur séjour en France. Dès lors, le passage de la circulaire attaquée ainsi rédigé : "Les dispositions des articles 6 et 9 de l'ordonnance restent opposables aux six catégories de ressortissants tunisiens énumérées à l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; ceux de ces ressortissants qui ne pourront pas justifier de la régularité de leur situation au moment du dépôt de leur demande de carte de résident ne pourront prétendre à la délivrance de plein droit de ce document" ajoute aux dispositions législatives qu'il prétend commenter. Par suite, le G.I.S.T.I. est recevable et fondé à en demander l'annulation comme pris par une autorité incompétente pour l'édicter.

ETRANGERS - SEJOUR DES ETRANGERS - TEXTES APPLICABLES - TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES - Circulaire du 2 août 1989 prise pour l'application de la loi du 2 août 1989 modifiant l'ordonnance du 2 novembre 1945 - (1) Dispositions relatives à l'interprétation de l'article 5 nouveau de l'ordonnance du 2 novembre 1945 - Absence de caractère réglementaire - (2) Dispositions relatives au refus de délivrance de la carte de résident aux ressortissants tunisiens en situation irrégulière - Dispositions réglementaires entachées d'incompétence.

ETRANGERS - SEJOUR DES ETRANGERS - AUTORISATIONS DE SEJOUR - OCTROI DU TITRE DE SEJOUR - CARTE DE RESIDENT (ARTICLES 14 ET 15 DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945) - DELIVRANCE DE PLEIN DROIT (ARTICLE 15 DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945) - Conditions d'entrée et de séjour réguliers en France - Article 15 dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 1989 - Inopposabilité de l'irrégularité du séjour - Illégalité des dispositions de la circulaire du 2 août 1989 prévoyant que l'irrégularité du séjour demeure opposable aux Tunisiens.


Références :

Accord du 17 mars 1988 France Tunisie art. 10
Circulaire du 02 août 1989 par. 5 5-2 décision attaquée annulation
Décret 46-1574 du 30 juin 1946 art. 8
Loi 89-548 du 02 août 1989
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 5, art. 12, art. 15, art. 6 à 9


Publications
Proposition de citation: CE, 23 jan. 1991, n° 115876
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Salesse
Rapporteur public ?: Mme de Saint-Pulgent

Origine de la décision
Formation : 6 /10 ssr
Date de la décision : 23/01/1991
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 115876
Numéro NOR : CETATEXT000007794587 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1991-01-23;115876 ?
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